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Motion de la CP- CNU contre la création d’une section de criminologie - 21 mars 2012

jeudi 22 mars 2012

COMMISSION PERMANENTE DU CONSEIL NATIONAL DES UNIVERSITÉS.

LE CONSEIL NATIONAL DES UNIVERSITÉS DÉNONCE LA CRÉATION D’UNE SECTION DE « CRIMINOLOGIE » DANS L’UNIVERSITÉ FRANÇAISE :

La Commission permanente du Conseil national des universités (CP-CNU) exprime publiquement son indignation face à la création d’une section de « criminologie », par arrêté ministériel en date du 13 février 2012. Elle réprouve un passage en force imposé par l’autorité politique, contre l’avis de la communauté scientifique.

La CP-CNU tient à exprimer les points suivants :

- Le projet de création d’une section de criminologie n’a fait l’objet d’aucun débat sérieux impliquant l’ensemble de la communauté scientifique. Il a été préparé dans la plus grande opacité, dans le mépris des positions exprimées par la très large majorité des spécialistes des sciences criminelles et des questions de sécurité. Le ministère n’a jamais répondu aux multiples interpellations du milieu scientifique, autrement que par le biais d’une brève consultation électronique dont il n’a pas souhaité rendre les résultats publics. De surcroît, aucune réflexion approfondie n’a été conduite sur les conditions d’inscription de cette nouvelle section du CNU dans le paysage universitaire, notamment sur le vivier d’étudiants, le nombre de qualifications potentielles de candidats titulaires d’un doctorat et le nombre d’enseignants susceptibles d’être rattachés à la section. Le projet de création d’une nouvelle section de « criminologie » a été porté par un groupe resserré de quelques personnalités ne représentant pas le champ scientifique dans sa diversité, ce qui est la condition minimale pour qu’une discipline puisse émerger.

- La CP-CNU estime que la création de la section de criminologie est motivée par des préoccupations étrangères à la logique scientifique. Attachée à l’indépendance de la science, elle condamne les restructurations disciplinaires qui sont imposées par le pouvoir politique et renvoient à des agendas non scientifiques. Elle réprouve également toute démarche de création de discipline universitaire dont la visée principale serait d’apporter une légitimité scientifique à des formes de savoir sur la criminalité et l’insécurité qui relèvent de l’expertise et de l’ingénierie politique plutôt que de la recherche scientifique.

- La CP-CNU s’associe aux positions exprimées par l’immense majorité de la communauté scientifique, en particulier les associations représentant les spécialités diverses des sciences criminelles. La communauté scientifique a clairement exprimé son souci de soutenir les sciences criminelles en France. Elle considère plus largement que toutes les disciplines sont vouées à évoluer au gré des découvertes et des controverses scientifiques. Elle soutient toutes les propositions émises par la communauté scientifique en faveur d’une dynamisation des études en criminologie comme champ d’étude pluridisciplinaire [1]. Mais elle refuse d’en faire une science de gouvernement et de l’enfermer dans une école de pensée marquée idéologiquement, ou dans un paradigme particulier comme le concept de « sécurité globale » défendu par les promoteurs de la nouvelle section de criminologie [2].

La création politique d’une section 75 de « criminologie » au sein du CNU, suscite notre réprobation et notre indignation, car elle va à l’encontre des valeurs essentielles qui fondent la vie scientifique et universitaire : le débat, la transparence, la collégialité et la responsabilité.

Pour toutes ces raisons, la Commission permanente du Conseil national des universités dénie toute légitimité à une section du CNU créée dans ces conditions.

Elle souhaite que les universitaires ne rejoignent pas la nouvelle section de « criminologie ».

Motion votée par la totalité des sections du CNU représentées à l’Assemblée générale (149 voix ‘pour’, 0 ‘contre’, 2 abstentions)

Paris, le 21 mars 2012

Communiqué de l’Association française de droit pénal (20 mars 2012)
Chaque section du CNU qui le souhaite peut désigner deux représentants pour s’associer au recours contre les arrêtés du 12 février 2012. Dans ce cas, il suffira que la personne désignée communique, dans les plus brefs délais, à M. Jacques Buisson, Président de l’AFDP (henger.buisson@wanadoo.fr), son nom, son adresse et ses titres et qualités universitaires.


[1Voir le texte signé le 13 mai 2011 par 70 universitaires (dont de nombreux directeurs d’instituts de sciences criminelles et de criminologie) : « Pour une rénovation des Instituts de sciences criminelles et de la criminologie dans l’université française » (http://isc-epred.labo.univ-poitiers.fr/spip.php?article424&lang=fr)

[2On pourra lire les contributions de : - L’Association française de criminologie (http://afc-assoc.org/?q=node/34), - L’Association française de droit pénal (http://www.francepenal.org/#!conseil-administration), L’Association française de science politique (http://www.afsp.msh-paris.fr), - L’Association ‘Qualité de la science française’ (http://www.qsf.fr/2011/03/08/a-propos-de-la- restructuration-disciplinaire), - Champ pénal, revue internationale de criminologie (http://champpenal.revues.org/7999), - Le Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (http://www.cesdip.fr/spip.php?article552), - Les motions adoptées en mars 2012 par les sections 16 (Psychologie, psychologie clinique, psychologie sociale), 49.03 (Psychiatrie d’Adultes) et 70 (Sciences de l’éducation) du CNU.