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POLITIQUE DE RECHERCHE ET PRÉSIDENTIELLE : LE C3N COGNE DUR, liberation.fr, blog "{Sciences²}" de Sylvestre Huet, le 2 mars 2012

vendredi 2 mars 2012, par Alain

Le débat se poursuit sur le contenu de l’alternance politique qui se profile pour la recherche et l’enseignement supérieur.

L’équipe de François Hollande délivre des messages indiquant une volonté de rompre avec l’orientation des dix dernières années, comme ce discours de Vincent Peillon à l’invitation de la Confédération des jeunes chercheurs. Elle a du mal à convaincre la communauté universitaire et scientifique qui s’est mobilisée contre les réformes imposées par Nicolas Sarkozy. Vincent Peillon qui, hier au téléphone, me ré-affirmait son analyse des réformes réalisées par la droite : "nous portons un jugement assez sévère", parle "d’appauvrissement de la recherche publique", évoque "une nouvelle loi cadre, pour remplacer la LRU, après une concertation avec les universitaires", promet "5000 emplois créés en cinq ans pour l’Université et la Recherche"... mais déplore que "l’on nous prête des idées qui ne sont pas les notres".

Vincent Peillon fait une claire allusion à la lettre ouverte d’Anne Fraïsse (présidente de Montpellier-3) à François Hollande, ou à l’Appel du 23 février. Mais pourquoi cet apparent malentendu ? Peut-être faut-il en voir la raison dans la division du milieu universitaire et scientifique où les "gagnants" des réformes de Nicolas Sarkozy, ou ceux qui espéraient en être les "gagnants" ont été du coup considérés comme porteurs de ces réformes. Ou l’expression probablement maladroite de François Hollande qui parle "d’accélérer les investissements d’avenir" afin d’assurer aux responsables des projets acceptés par le gouvernement de droite que l’Etat tiendra sa parole financière... alors que le principe même de cette forme de financement de la recherche et des Universités est contesté.

En tous cas, ce débat se poursuit. Il prendra un tour particulier lundi 5 mars, puisque François Hollande doit prononcer un discours sur le sujet, alors que à l’Institut Cochin, une brochette d’universitaires et de scientifiques s’adressera à la presse sur la base du texte (publié ici) de Yehezkel Ben-Ari, neurobiologiste fondateur de l’INMED, grand prix de l’INSERM et Joël Bockaert, neurobiologiste, Professeur à l’université Montpellier , membre de l’académie des sciences.

En témoigne ce nouveau texte, qui émane du C3N, un nom de code pour la réunion du président et du bureau du Conseil Scientifique du CNRS, des dix présidents des Conseils Scientifiques d’Institut du CNRS, du président et du bureau de la conférence des présidents des sections du Comité National de la Recherche Scientifique. Autrement dit, des personnes hautement représentatives, car toutes élues par les chercheurs et des universitaires, de la communauté scientifique.

Voici ce texte :

« Adresse aux candidats à l’élection présidentielle… et aux électeurs !

Le C3N, composé du président et du bureau du Conseil Scientifique du CNRS, des dix présidents des Conseils Scientifiques d’Institut du CNRS, du président et du bureau de la conférence des présidents des sections du Comité National de la Recherche Scientifique, s’est réuni ce 28 février 2012 à Paris. Au nom des instances qu’ils représentent, les participants souhaitent relever l’erreur consistant à voir comme une réussite la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, et veulent témoigner de son insuccès par l’adresse suivante :

Contrairement à ce que disent François Hollande et Nicolas Sarkozy, la réforme de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n’est pas une réussite ! Au lieu de promouvoir « la lisibilité et la visibilité » et de favoriser l’innovation et les partenariats, ces réformes n’ont fait qu’accroître la complexité, le conformisme et la compétition stérile.

La politique des Investissements d’Avenir aboutit, sous couvert d’excellence, à empiler les structures, dans une compétition contre-productive entre les territoires, les régions, les établissements, les laboratoires, et même entre les individus. Le résultat est un grand gaspillage d’énergies, de compétences et de moyens, un déni de démocratie et la création de déserts universitaires. Il est temps de supprimer les structures redondantes.

En matière d’évaluation, l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur fonctionne de manière opaque et souvent insatisfaisante. Nous préconisons qu’elle s’appuie largement sur l’expertise du Comité National et du Conseil National des Universités, qui émanent de façon transparente de la communauté scientifique.

La recherche à long terme et la prise de risque, toutes deux nécessaires à une politique ambitieuse, ne peuvent pas se contenter de financements sur projets et à court terme (Agence Nationale de la Recherche, régions, Europe etc..), ni des emplois précaires qu’ils génèrent. Les réformes ont affaibli le financement de base des laboratoires, réduit en moyenne sur le quinquennat d’au moins un tiers, parfois beaucoup plus. Nous préconisons un rééquilibrage d’urgence entre financements de base et sur projets.

Le Crédit Impôt-Recherche (CIR, plus de 5 milliards d’euros en 2011, soit plus de dix fois ce que le CNRS peut affecter à ses laboratoires) est une mesure dont l’efficacité a été sérieusement critiquée par la Cour des Comptes. Il n’a pas l’impact attendu sur la recherche, y compris sur le plan de l’innovation et des partenariats. Redéployer vers la recherche publique la part du CIR revenant aux grandes entreprises (au moins 3 milliards) en multiplierait l’efficacité.

Il est urgent de mettre en œuvre une réforme concertée et intelligente, qui s’appuie sur les compétences internationalement reconnues de la recherche et de l’enseignement français. »

Lire cet article sur le blog de Sylvestre Huet