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"L’égalité des chances en Angleterre", Jules Donzelot, La Vie des Idées, 6 septembre 2011

lundi 26 septembre 2011, par Wilde, Oscar

Un spécialiste anglais de l’Égalité des chances affirmait récemment [1] : « Aimhigher will never end ». Aimhigher, ce programme d’égalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur, introduit par le gouvernement travailliste en 1999 et généralisé en 2004 à toutes les universités, prend pourtant officiellement fin le 31 juillet 2011. À partir de cette date, les universités cesseront de recevoir les financements extraordinaires délivrés par l’HEFCE (Higher Education Funding Council for England), l’agence nationale de financement des universités, à des fins d’ouverture sociale.

Ces subventions ayant largement contribué au développement des postes de chargés de mission Égalité des chances dans les universités, leur nombre connaît en ce moment même une réduction substantielle, même si très variable selon les établissements. Doit-on en conclure que le gouvernement anglais renonce à la poursuite d’une meilleure égalité des chances d’accès aux études supérieures ? On pourrait le croire.

Les toutes dernières mesures annoncées par le gouvernement viennent toutefois bouleverser la donne. Bien loin d’une disparition des actions en faveur de l’égalité des chances, celles-ci semblent plutôt préfigurer leur renforcement ainsi que leur pérennisation sur le très long terme. S’agit-il d’une stratégie de communication des Conservateurs destinée à diminuer la frustration liée à la disparition d’Aimhigher ? Assiste-t-on au contraire à un véritable changement de paradigme des politiques publiques ? Seule l’observation dans la durée du comportement des universités permettra de répondre à cette question. La tension qui règne en Angleterre entre autonomie et contrainte institutionnelle n’a en tout cas jamais été autant travaillée par les enjeux d’égalité des chances.

De la naissance d’Aimhigher…

Dans le monde de l’enseignement supérieur, l’arrivée au pouvoir des travaillistes en 1997 marque le passage d’une pure logique de massification (increasing participation) à une logique de diversification (widening participation). En 1999, deux annonces viennent confirmer et concrétiser ce changement de paradigme de politiques publiques : l’objectif de mener 50 % d’une classe d’âge à l’université d’ici 2010 ; et la création d’un budget public dédié à la diversification sociale de la population étudiante.

Le programme national Aimhigher, lancé officiellement en 2004, réunit deux programmes créés en 1999, Excellence in the Cities (EiC) et Partnerships for Progression (P4P). Leur mot d’ordre : élever les aspirations (raising aspirations) des élèves défavorisés en rapprochant les établissements du Supérieur et ceux du Secondaire, et en multipliant les actions conjointes. Ces actions, généralement qualifiées d’outreach, consistent à aller rechercher (reach) au-dehors de l’université (out) les futurs étudiants d’origine défavorisée. Comment ? En élevant leur désir de faire des études supérieures et en leur montrant qu’un tel choix est possible. Qui ? Tous ceux qui, si rien n’est fait, risquent de ne pas faire le choix de l’enseignement supérieur : ceux dont les parents n’ont pas fait d’études, qui vivent dans un quartier dans lequel quasiment personne n’accède à l’université, ou encore qui sont confrontés à des barrières de toutes sortes les dissuadant de faire un tel choix (pauvreté, handicap, etc.). Les cibles d’Aimhigher sont très larges : enfants défavorisés des écoles primaires et secondaires, adultes peu qualifiés, handicapés, enfants pris en charge par l’assistance publique, minorités ethniques sous-représentées à l’université, etc. Les activités d’Aimhigher visaient à pousser tous ces groupes vers l’université en leur donnant envie d’y accéder. Dans ce programme, c’est ainsi la motivation qui se trouvait largement privilégiée au détriment de ce que l’on appelle en France l’accompagnement scolaire.

Avec Aimhigher, le New Labour a ainsi voulu mettre à l’épreuve l’hypothèse selon laquelle l’élévation des aspirations entraîne naturellement une hausse des résultats des élèves. Plus de douze ans ont passé depuis l’introduction des premiers financements nationaux ayant accompagné l’émergence, puis le développement dans toutes les universités britanniques, de toute une palette d’activités en faveur des élèves défavorisés du primaire et du secondaire. Ces actions ne se limitaient pas au ciblage et à l’accompagnement d’une poignée d’élèves au potentiel de réussite très élevé, comme c’est souvent le cas en France avec les Cordées de la réussite, mais bénéficiaient à une proportion substantielle des jeunes de milieux défavorisés. Approchés dans leur établissement scolaire, ceux-ci se voyaient offrir des opportunités de découvrir les formations universitaires (taster days, summer schools), de renforcer leur motivation au quotidien avec l’aide d’étudiants tuteurs (associates program) ou encore d’améliorer leur performance scolaire par des cours de soutien pour les plus en difficulté (booster classes) ou par des cours préparatoires pour les meilleurs (excellence classes). Ils étaient aussi invités à découvrir les métiers en participant à des stages professionnels ou à des déjeuners réunissant des étudiants et des professionnels. Extrêmement variées, les actions d’Aimhigher exprimaient ainsi la relative autonomie de chaque équipe locale.

… à sa disparition, le 31 juillet 2011

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[1Recueilli au cours d’un entretien à l’Université de l’Est de Londres