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Valérie Pécresse : « D’ici à 2012, j’aurai réparé les dégâts de Mai 1968 » - entretien avec Isabelle Ficek, "Les Échos", 27 septembre 2010

lundi 27 septembre 2010, par Laurence

La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche revient sur la recomposition du paysage universitaire, à l’occasion de la publication ce matin, dans le cadre du grand emprunt, de l’appel à projets sur les pôles à vocation mondiale, très attendu.

La rentrée universitaire s’est plutôt passée dans le calme mais l’opinion a parfois du mal à voir clair dans toutes vos réformes : la loi sur l’autonomie, l’opération campus, les investissements d’avenir… Où en êtes-vous et quelle est leur cohérence ?

C’est très simple ! L’étape numéro un, cela a été, en 2007, la loi sur l’autonomie. Son objectif a été de faire sauter les barrières et de libérer les initiatives pour le plus grand bénéfice des étudiants. Les universités peuvent maintenant gérer leurs ressources humaines, recruter des professeurs étrangers. Nous avons ouvert les conseils d’administration, permis la prime au mérite pour les enseignants et les chercheurs… En janvier 2011, 75 universités sur 83 seront passées à l’autonomie. Les premiers pas des universités autonomes ont rassuré et lancé le mouvement en levant les craintes qui pendant tant d’années ont empêché toute réforme. La seconde étape, c’est le démarrage en 2008 de l’opération campus.

Sur l’immobilier, justement, où en est-on ?

Avec un tiers de locaux vétustes, il nous fallait un grand plan de rénovation pour mettre enfin nos campus aux standards internationaux. Nous en avons fait un outil pour redessiner le paysage universitaire en favorisant les regroupements. Aujourd’hui, grâce aux 5 milliards de l’opération, douze campus sont en train d’émerger, dont Saclay, auquel le président de la République a donné vendredi le coup d’envoi [lire page 5, NDLR].

Nous passons maintenant à la troisième étape avec les investissements d’avenir, financés par le grand emprunt : 22 milliards pour des universités, des laboratoires, des équipements… Au total, avec ces trois chantiers, l’université française se décomplexe, d’abord vis-à-vis des grandes écoles : des cursus communs et des doubles diplômes se développent. La cloison entre les deux systèmes tombe, au bénéfice des étudiants. Ensuite, vis-à-vis du monde économique grâce aux fondations et aux partenariats entre recherche publique et privée. Et, enfin, en levant le tabou de l’insertion professionnelle avec la prochaine publication des taux d’insertion en master en novembre. C’est l’autonomie qui a permis de déclencher la révolution culturelle de l’université française.

D’ici à 2012, j’aurai, je l’espère, réparé les dégâts de Mai 1968, qui avait cassé l’université. Pas seulement au sens propre en éclatant les disciplines dans des établissements séparés, mais aussi en instaurant une gouvernance illisible et en refusant la professionnalisation.
Concrètement, vous lancez aujourd’hui le très attendu appel à projets pour la dizaine d’« initiatives d’excellence », ces pôles à vocation mondiale, avec à la clef une dotation de 7,7 milliards d’euros. Quels seront les critères ?

Il faut d’abord rappeler qu’il y aura une dizaine de lauréats, capables de rivaliser avec les grands campus mondiaux comme Princeton, Harvard, Cambridge, etc. Ils toucheront les intérêts d’une dotation non consomptible de 700 millions à 1 milliard d’euros, pour une période de quatre ans. Ils pourront aussi recevoir cette dotation de manière définitive à l’issue de cette période probatoire si l’évaluation est positive.

Pour les critères, il y en a trois qui seront arbitrés par un jury international à partir du printemps. Le ministère ne fera pas partie du jury mais accompagnera les projets. In fine, c’est le jury et le Commissariat général à l’investissement qui sélectionneront. Le premier critère est l’excellence de la formation et de la recherche. Cela veut dire que les étudiants devront être au contact des méthodes, des technologies et des résultats de la recherche la plus avancée, en doctorat mais aussi en master.

Les partenariats public-privé sont le deuxième critère, avec, par exemple, des laboratoires communs entreprises et universités, des chaires financées par les entreprises ou des sociétés de valorisation de la recherche dans les pôles d’enseignement supérieur. C’est crucial car, aujourd’hui, nous sommes un grand pays de sciences, mais pas encore d’innovation. Nous ne déposons pas assez de brevets au regard de la qualité de notre production scientifique et, pire, nous ne les faisons pas assez vivre sous forme de création de start-up ou de transfert de technologie à l’industrie.

Quel sera le dernier critère ?

Les candidats devront bâtir une gouvernance efficace, en fonction des projets, des acteurs et des territoires. Je pense, par exemple, que les personnalités extérieures devront avoir une plus grande place.

Vos critères n’impliquent-ils pas une sélection à l’entrée de l’université ?

Elles le font déjà pour certains cursus. Mais l’objectif du projet, c’est effectivement d’avoir de nouvelles formations, professionnalisantes, universitaires ou mixtes avec les grandes écoles, appuyées sur des travaux de recherche de pointe.

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