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Nicolas Sarkozy : vous avez vu des chercheurs en grève, vous ? -Véronique Soulé, "C’est classe !", Libéblogs, 18 juillet 2010

dimanche 18 juillet 2010, par Laurence

Même pas fait grève d’abord... Parmi les perles prononcées lors de son interview télé du 12 juillet, Nicolas Sarkozy en a signé une qui fera date : depuis qu’il a été élu, il n’a jamais vu de chercheurs faire grève. Une grosse contre-vérité. Les intéressés, qui se sont mobilisés durant des semaines début 2009, ont peu apprécié et dénoncé une nouvelle marque de mépris.

"Avez-vous remarqué que le collectif "Sauvons la recherche" ne s’exprime plus ?", commence Nicolas Sarkozy interrogé sur la situation économique, "que depuis que je suis président de la République il n’y a plus eu de grève de chercheurs ? Parce que nous leur donnons des moyens comme jamais malgré la crise".

Assis face à lui, le journaliste David Pujadas ne pipe mot. Le chef de l’Etat continue sur les investissements sélectifs qu’il faut faire - comme aujourd’hui "avec le plan de relance et l’argent que nous mettons sur les universités enfin devenues autonomes, sur la recherche" - au lieu de gaspiller comme avant en frais de fonctionnement. "Et puis j’ai pris des engagements au nom de la France pour réduire les déficits. Tenez-vous bien, cela fait quarante ans que la France présente un budget en déficit, eh bien, ce n’est plus possible".

Nicolas Sarkzoy a la mémoire courte. Ou alors les chercheurs ont si peu d’importance à ses yeux qu’il ne remarque pas leur grève et leurs manifestations. Le mouvement de l’hiver 2009 a pourtant été l’un des plus longs de leur histoire. Chercheurs - travaillant dans les organismes de recherche - et enseignants-chercheurs - à l’université - protestaient contre la réforme de leur statut dans le cadre de la LRU (loi sur l’autonomie des universités), contre celle de la formation des enseignants (la masterisation) et contre le démantèlement de la recherche publique, notamment du CNRS.

"Aujourd’hui quand les chercheurs font grève, seul le chef de l’Etat croit qu’ils travaillent" : dans un communiqué, le collectif Sauvons la recherche (SLR) rappelle qu’il est toujours aussi combatif et qu’il a publié pas moins de 1 600 articles depuis la présidentielle. Sur son blog, le secrétaire du PS chargé du supérieur et de la recherche Bertrand Monthubert, un ancien président de SLR, parle, lui, de "mépris".

Nicolas Sarkozy n’a pas caché son peu d’estime pour ces chercheurs qui réclament toujours plus de moyens, refusent de se faire évaluer et finalement coûtent cher pour de piètres résultats. Le 22 janvier 2009, dans un discours prononcé à l’Elysée devant un parterre de chercheurs, il avait ainsi reproché à la recherche française d’être à la traîne en Europe et tenu ces propos :

"A budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% de moins qu’un chercheur britannique dans certains secteurs. Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela - je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé -, on peut continuer, on peut écrire... "

Ces propos jugés insultants avaient mis le feu aux poudres et fait descendre dans la rue des chercheurs qui, peu habitués à défiler, ne l’auraient sans doute jamais fait sans cela. Lundi soir, sur la terrasse de l’Elysée, Nicolas Sarkozy aura finalement été égal à lui-même, ni meilleur, ni pire.

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