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Motion du jury de l’agrégation externe de mathématiques, session 2010, sur l’épreuve « Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable » (juillet 2010)

vendredi 16 juillet 2010, par Elie

Les arrêtés du 28 décembre 2009 sur les modalités des concours externes de recrutement des
enseignants des premier et second degrés introduisent, pour chacun d’entre eux et dans toutes les
disciplines, une modification importante de l’une des épreuves orales du concours. À l’interrogation
disciplinaire habituelle s’ajoute désormais une partie spécifique de vingt minutes destinée à évaluer
la compétence « Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable », dont le
référentiel est défini dans le point 3 (« les compétences professionnelles des maîtres ») de l’arrêté du
19 décembre 2006.

Cette modification affecte la durée de l’épreuve ainsi que la répartition des coefficients. [1]

Si nous estimons tous qu’il est légitime que l’Éducation nationale demande à chacun de ses
enseignants d’avoir le sens de l’éthique, de la responsabilité et du service public et que ceux
qui se destinent à ce métier reçoivent pour cela une formation qui fasse l’objet d’une
validation, nous pensons cependant que le nouveau dispositif adopté, ainsi que les conditions
dans lesquelles il l’a été, sans aucune concertation avec la communauté éducative, ne sont pas
du tout de nature à atteindre l’objectif visé.

Le système mis en place est inadapté. Il entraînera d’énormes complications dans
l’organisation pratique des épreuves orales des concours. Il risque d’être fortement
inéquitable.

La sensibilisation aux problèmes d’éthique et de responsabilité est par nature un élément de la
formation professionnelle de l’enseignant, qui a toute sa place au cours de l’année de stage qui
suit le succès au concours, et qui pourrait alors être validée par une certification.

Les épreuves du concours, quant à elles, ont pour fonction de vérifier les aptitudes
scientifiques et pédagogiques des candidats. Elles ont un format adapté à cet objectif, qui
respecte des équilibres actés de longue date. Elles permettent de se faire une idée assez précise
des connaissances disciplinaires et des qualités pédagogiques potentielles d’un candidat.

Dans le nouveau système, la juxtaposition des deux volets de l’interrogation est entièrement
artificielle. Passer sans transition d’une épreuve disciplinaire exigeante d’une heure à un entretien de
vingt minutes sur des questions relatives à l’éthique risque de déstabiliser les candidats et de
perturber considérablement les deux parties de l’épreuve.

De plus, l’utilisation pour cette nouvelle épreuve de coefficients variables d’un concours à l’autre et
d’une discipline à l’autre introduit un véritable biais dans l’évaluation, créant des inégalités
flagrantes totalement injustifiées. Deux exemples parmi bien d’autres : 1°) à l’oral de l’agrégation de
mathématiques, le poids de l’épreuve d’algèbre et géométrie se trouve augmenté sans aucune raison
par rapport à celui des autres épreuves orales ; 2°) le poids de la nouvelle épreuve d’éthique par rapport à l’ensemble des épreuves orales est de 12,5% à l’agrégation de mathématiques et de 4,9% à
l’agrégation de lettres modernes.
Le ministère de l’éducation nationale a rendu publics sept textes de « sujets zéro » destinés à servir
d’exemple de ce que devraient être les sujets proposés à la session 2011 des concours pour
l’évaluation de la compétence « Agir... » [2].

Ces exemples comportent des références juridiques et administratives considérables. Le corpus de
connaissances associé est vague. Les « pistes de réponses attendues » risquent d’aviver les craintes
de ceux qui ont vu dans cette nouvelle épreuve une façon de tester la docilité des futurs enseignants.

Au delà de tout jugement sur le contenu de ces textes ou sur le choix des questions posées et des
réponses attendues des candidats, on ne peut que constater l’extrême difficulté qu’aurait un jury, quel
qu’il soit, à mener à bien les interrogations des candidats sur ces sujets et à leur attribuer
équitablement une note.

Pour toutes ces raisons, nous, membres du jury de l’agrégation externe de mathématiques
pour la session 2010, considérons que la nouvelle épreuve « Agir en fonctionnaire de l’État et
de façon éthique et responsable
 » est complètement inadaptée au cadre du concours et
n’apportera rien de positif aux futurs enseignants. Nous en demandons donc la suppression
pure et simple. Nous appelons à une concertation véritable pour rechercher la façon la plus
adéquate de mettre en place une formation aux questions d’éthique et une validation de celleci.
Nous sommes convenus de nous réunir à la rentrée 2010 pour faire le point sur ce dossier et
décider de notre attitude dans le cas où le ministère de l’éducation nationale ne nous
entendrait pas et maintiendrait le nouveau système en l’état.

Cette motion a été adoptée par un vote auquel ont participé 97 (soit 91,5%) des 106 membres du jury.
Résultat du vote :
- Abstention : .............................. 1
- Contre la motion : ..................... 0
- Pour la motion : ........................ 96 (soit 98,97% des votants et 90,6% des membres du jury).


[1Dans le cas de l’agrégation externe de mathématiques, l’épreuve ainsi modifiée est celle d’algèbre et géométrie, dont
la durée passe de une heure à une heure vingt, les trois heures de préparation devenant trois heures trente, et le
coefficient passe de 1 à 2. Les deux autres épreuves orales (Analyse-Probabilités et Modélisation) sont inchangées et
conservent le coefficient 1. Pour l’épreuve modifiée, le candidat se verra remettre simultanément deux sujets de
mathématiques et deux textes portant sur la compétence « Agir... ». Après une heure d’interrogation sur la partie
disciplinaire, il devra faire un exposé et répondre à des questions sur celui des deux textes qu’il aura choisi. Le jury lui
attribuera une note unique sur 20, le quart des points étant attribué à l’évaluation de la compétence « Agir... ».