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Concours enseignants : « La morale a bon dos » - entretien sur VousNousIls, 2 juillet 2010
lundi 5 juillet 2010, par
Plus de 5600 personnes, surtout des universitaires, ont signé une pétition intitulée « Non au contrôle de moralité des futurs enseignants ». Lancée par des membres du jury de l’agrégation de philosophie, elle s’oppose à une épreuve orale, évaluant la compétence des candidats à « agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable ». MCF en philosophie à l’Université Lille 3, Éléonore le Jallé a participé à la rédaction de la pétition.
Pourquoi avoir initié et signé cette pétition ?
J’ai estimé, et plusieurs autres membres du jury de l’agrégation externe avec moi, que cette épreuve, instaurée dans le cadre de la réforme de la formation des enseignants, contredit la nature même des concours de recrutement des professeurs. Elle prétend évaluer un savoir-faire, « agir en fonctionnaire éthique et responsable », qui ne correspond ni à un contenu disciplinaire ni à une compétence pédagogique. Le concours de recrutement, qu’il s’agisse du Capes ou de l’agrégation, ne constitue ni le lieu, ni le moment adéquat pour estimer cette capacité à agir et réagir en milieu scolaire. C’est pourquoi nous demandons la suppression pure et simple de cette épreuve.
Le ministère affirme pourtant que l’épreuve évalue des connaissances, pas des opinions…
C’est faux. L’intitulé même de l’épreuve suffit d’ailleurs à le prouver. Il s’agit bien d’évaluer une action et des dispositions morales, même si l’on peut imaginer que certaines connaissances seront effectivement nécessaires pour passer cette épreuve avec succès. Par ailleurs, les attendus de l’épreuve comportent des absurdités, voire des aspects tendancieux. Il n’y a, pour s’en convaincre, qu’à se reporter aux exemples de sujets possibles mis en ligne sur le site du ministère de l’Éducation nationale.
Que leur reprochez-vous ?
Je vais prendre un exemple, qui montre bien qu’il ne s’agit pas uniquement d’évaluer la connaissance des règlements ou des textes juridiques. On voit ainsi dans les sujets possibles que l’on attend d’un enseignant qu’il s’interpose dans une rixe survenant dans un couloir où aucun surveillant n’interviendrait. Mais ce genre d’attente est absurde, d’autant que le cas de figure imaginé ne correspond nullement à la complexité de situations réelles. On ne sait pas qui s’affronte dans la rixe, s’il s’agit de deux élèves de 6ème ou de deux grands costauds de terminale. L’enseignant qui, d’après la réponse attendue, doit intervenir, est-il physiquement apte à le faire lui-même ? Est-il même vraisemblable qu’il soit seul en situation d’agir à ce moment précis ? La réponse attendue nous semble donc particulièrement litigieuse.
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