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Les futurs enseignants appréhendent la rentrée - Denis Peiron, La Croix, 28 juin 2010

mardi 29 juin 2010, par Mathieu

Du fait de la masterisation, les professeurs qui débuteront en septembre enseigneront quasiment à temps plein, sans expérience préalable.

Pour Elisa, c’est « un peu la grosse panique ». Après avoir décroché en 2009 le Capes en sciences de la vie et de la terre, la jeune femme a demandé à se consacrer, une année entière, à la préparation de l’agrégation. Reçue à l’écrit, elle attend désormais les résultats des oraux. Quelle que soit l’issue de ce deuxième concours, elle commencera en septembre sa carrière de professeur, et ce, sans véritable expérience pratique.

« Durant ma préparation au Capes, j’ai effectué deux semaines de stage d’observation dans un établissement. Ma tutrice m’a permis de conduire une séance de travaux dirigés. J’ai donc, à ce jour, passé en tout et pour tout trois heures devant des élèves », déplore-t-elle.

Elisa n’a pas bénéficié de conseils pour bâtir un cours. Dans le cadre du Capes, elle a certes dû, sur la base de documents et de manuels scolaires, construire une séquence d’enseignement. « Mais cette épreuve sur dossier restait très théorique. On nous demandait de nous placer face à une classe idéale », raconte-t-elle, consciente que les réalités qui l’attendent pour la rentrée risquent d’être bien différentes.

« Cela représente une charge énorme »
Dénoncé par de nombreux candidats aux concours de l’enseignement, ce déficit, pour ne pas dire cette absence, d’expérience pratique, s’explique en partie par le passage d’une logique de formation à une autre. Jusqu’ici, les futurs enseignants entraient avec une licence dans un Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), préparaient leur concours pendant un an, puis en cas de succès, devenaient enseignants stagiaires. Durant cette deuxième année, rémunérée, ils avaient la charge d’une classe à raison de 6 à 8 heures par semaine et, le reste du temps, continuaient à se former professionnellement.

Or à partir de 2011, les professeurs seront formés à l’université, dans le cadre de masters. Ils effectueront des stages et passeront leur concours durant la deuxième année. En cas de réussite, ils commenceront à enseigner quasiment à temps plein dès l’année suivante. Ils recevront alors l’aide d’un collègue expérimenté qui jouera les tuteurs et ils bénéficieront de journées de formation. Les participants à la session 2010, eux, se trouvent dans un entre-deux : ils n’ont pas bénéficié de stages en amont du concours et, en cas de réussite, seront directement titulaires…

« Cela signifie qu’ils devront, au dernier moment, lorsqu’ils connaîtront leur affectation, préparer leurs 16 ou 18 heures de cours hebdomadaires en partant de zéro, sans même pouvoir se rendre au centre de documentation et d’information de leur établissement pour consulter les manuels », commente Emmanuel Mercier, secrétaire national du Snes en charge de la formation des maîtres. « Cela représente une charge énorme », dit-il, en se référant à une étude du ministère de l’éducation, qui en 2002 évaluait à 40 heures par semaine le temps de travail moyen des enseignants du secondaire, tous niveaux d’ancienneté confondus.

« On risque d’enseigner en imitant les professeurs que l’on a eus »
Pour ce responsable syndical, la réforme dite de la « masterisation » aura des effets néfastes bien au-delà de l’actuelle phase de transition. « On ne peut pas baser l’essentiel de la formation professionnelle sur des stages en amont du concours. Il faut pouvoir ensuite prendre de la distance par rapport à sa pratique d’enseignant, prendre de la distance aussi par rapport à ses connaissances universitaires pour pouvoir les mettre à la portée des élèves », soutient-il.

« À défaut, on risque d’enseigner en imitant les professeurs que l’on a eus soi-même, enfant, et ce n’est pas un gage de réussite car les conditions d’exercice du métier ont bien changé », abonde Thomas Pagotto, qui a débuté sa carrière de professeur des écoles cette année à Nanterre (Hauts-de-Seine). Lui a bénéficié de l’ancien modèle de formation. En tant qu’enseignant stagiaire, il a effectué des stages dans chacun des trois cycles du primaire. « Quand je suis devenu titulaire, j’ai donc pu réutiliser des éléments de cours auxquels j’avais, précédemment, pu réfléchir individuellement et avec mes collègues stagiaires », dit-il.

« La deuxième année ne présentait plus guère d’intérêt »
Claire Biarneix, elle, fait partie de la dernière cohorte d’enseignants à avoir effectué le cursus complet en IUFM. Cette agrégée a apprécié d’avoir débuté sa carrière avec un volume d’enseignement limité à sept heures par semaine et d’avoir pu, surtout au moment de la rentrée, échanger avec les autres stagiaires au sujet des difficultés rencontrées.

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