Accueil > Revue de presse > Remplacement des enseignants : les fausses évidences de Luc Chatel - Louise (...)

Remplacement des enseignants : les fausses évidences de Luc Chatel - Louise Fessard, Mediapart, 9 mars 2010

mercredi 10 mars 2010, par Elie

Pour lire cet article sur le site de Mediapart.

A trois jours d’une journée nationale de grève et de manifestation des enseignants, Luc Chatel a décrété le 9 mars la « mobilisation générale » contre les problèmes de remplacement, sujet de mécontentement le plus aigu chez les parents. Des fédérations de parents d’élèves de Seine-Saint-Denis ont déposé plusieurs recours, depuis février, devant des tribunaux administratifs pour des problèmes de remplacement dans le primaire. Décryptage du diagnostic et des trois mesures proposées par Luc Chatel dans Le Parisien.

Le diagnostic

- « Le problème du remplacement n’est pas lié aux suppressions de poste » (France Inter)

Les syndicats enseignants n’en démordent pas : « Il y a une situation de cause à effet », affirme Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa. « Le ministre feint d’oublier qu’à la rentrée scolaire, il a supprimé 3.000 postes de remplacement, rendant impossible dans les semaines suivantes le remplacement des enseignants absents », rétorque également le Snes dans un communiqué.

- « Le vrai sujet, ce sont les absences qui ne sont pas prévisibles, de courte durée » (France Inter)

Sur ces absences de moins de quatorze jours, « le taux de remplacement n’est que de 19% dans le secondaire », selon Luc Chatel, mais le problème est plus large. En mars 2009, Christiane Allain, secrétaire générale de la FCPE, rappelait que même « les congés maternités ne sont plus systématiquement remplacés, alors que Dieu sait que c’est prévisible un congé maternité ! »

- « 10% de ces titulaires en primaire et 20% dans le secondaire ne sont pas pleinement utilisés » (Le Parisien)

C’était déjà la marotte de son prédécesseur, Xavier Darcos : augmenter le taux d’utilisation des 50.000 remplaçants titulaires. « Il faut arrêter de penser que quand un enseignant ne remplace pas, il rentre chez lui, explique Christian Chevalier, secrétaire général du SE-Unsa. Il est présent dans son établissement de rattachement où il permet de faire des décloisonnements, des petits groupes, d’individualiser les parcours. »

- « Dans le primaire, à quelques exceptions particulières, et Pantin en fait partie, le système fonctionne plutôt bien (...) On a un taux de remplacement au dessus de 91% » (France Inter)

Dans le primaire, sauf période d’épidémie, ou dans des départements manquant particulièrement d’enseignants comme en Seine-Saint-Denis, les absences signalées le matin sont très souvent remplacées le midi même. D’abord parce qu’il n’y a pas d’effet de discipline d’enseignement. Mais surtout, selon Christian Chevalier, parce que les remplaçants sont proportionnellement plus nombreux que dans les collèges et lycées. « 8% des effectifs de professeur des écoles sont sur des missions de remplacement contre 4% dans le secondaire », explique-t-il.

Les solutions proposées par Luc Chatel

- Mettre fin aux frontières académiques qui empêchent les remplaçants titulaires de donner cours dans des académies voisines de la leur.

« Si, à Paris, on manque de remplaçants en maths dans le XIXe ou le XXe arrondissement, il y en a peut-être trois disponibles à Créteil rattachés à des établissements proches de Pantin ou Bagnolet », explique le ministre. « Faire une heure de métro d’accord mais si j’habite Limoges et qu’on me demande d’aller à Châteauroux à 120 kilomètres, c’est ingérable ! », estime Marie-Aude Charret, titulaire en zone de remplacement en histoire-géographie dans la Haute-Vienne.

De plus, « s’il y a une pénurie dans une discipline dans un département, on la retrouve bien souvent dans les autres départements », souligne Janine Vaux, secrétaire académique du Snes de Limoges. C’est un problème de vivier dans certaines disciplines, comme l’histoire-géographie et l’espagnol, car les prospectives sont très mal faites. »

- Faire appel aux étudiants et aux retraités

Certains rectorats comme Créteil avaient déjà recours à des étudiants et des retraités mais ils se gardaient bien jusqu’ici de le crier sur les toits. Tollé général ches les syndicats d’enseignant comme chez les parents d’élèves. « Prendre une classe au pied levé, ça ne s’improvise pas, s’indigne Gilles Moindrot, secrétaire général du Snuipp-FSU. Une heure après son arrivée dans l’établissement, un remplaçant peut se retrouver dans une classe de maternelle, emmener des élèves en natation ou mener une séance d’apprentissage de la lecture en primaire ! » Au vu de « l’amplitude des programmes scolaires à connaître pour pouvoir donner cours en sixième ou au lycée du jour au lendemain », la fonction requiert même, selon Christian Chevalier, « des gens encore plus compétents que les autres ».

- Supprimer le délai de quatorze jours avant remplacement dans les collèges et lycées

La principale fédération de parents d’élèves, la FCPE, se réjouit de « la suppression du délai minimum de 14 jours avant remplacement d’un enseignant du second degré » qui représente un « début de victoire pour la fédération et pour la mobilisation des parents d’élèves sur le terrain ». Mis en place par Gilles de Robien en 2005, ce dispositif qui prévoyait que les enseignants remplacent au sein de leur établissement leurs collègues absents, pour des durées inférieures ou égales à deux semaines, n’a jamais fonctionné.

Désormais, dès le premier jour d’absence, le chef d’établissement pourra faire appel à son rectorat où un « interlocuteur dédié à ce seul problème » sera mis en place. « On ne va sans doute pas répondre dans les 24 heures, nuance cependant Christian Chevalier. Il faudra le temps que le rectorat trouve la bonne personne, et le collègue contractuel, s’il doit faire 150 kilomètres pour être payé au lance-pierre, ne viendra pas. »