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Les universités allemandes s’offrent au marketing, par Marie Luginsland, Educpros, 24 février 2010

jeudi 25 février 2010, par Mathieu

Processus d’autonomie, course à l’excellence, classements et déclin démographique des étudiants contraignent les universités allemandes à se vendre avec les méthodes des entreprises. Marques, logos, slogans et même campagne de pub se mettent à fleurir outre-Rhin avec quelques excès.

Gang et Dong, deux étudiants asiatiques au look du Mephisto des films des années 1920, sèment la pagaille dans les amphis de l’université de Leipzig. Leur odyssée aboutit à un slogan : « Fais tes études en Extrême-Orient », un jeu de mots bâti sur l’équivalence en allemand entre « Est » et « Orient ». Bien que très controversé, ce clip diffusé au cinéma et sur Youtube est le clou d’une campagne de dix millions d’euros. Celle-ci a été financée par l’État fédéral pour redorer le blason des cinq universités de l’ex-RDA, notamment auprès des bacheliers de l’Ouest du pays qui boudent les nouveaux Länder.

Mais à l’ouest aussi, les universités redoublent d’imagination pour vanter leurs mérites. À l’écran, Karslruhe se compare au Massachusetts Institute of Technology et, à l’affiche, Braunschweig à... un paquet de soupe instantanée !

Le déclin démographique met le marketing au défi du recrutement

Les services de communication des universités sont invités à se convertir en département marketing afin de développer une stratégie, voire une marque propres. Quand ils ne font pas appel aux services d’agences privées de communication, comme l’agence berlinoise Scholz & Friends. Car une université allemande ne se vend plus sur son seul passé historique et sur les grands noms qui y ont étudié. L’Initiative d’excellence, qui dote de subventions les meilleures d’entre elles, ainsi que l’impact des classements internationaux ont engagé une concurrence jusqu’alors inconnue au sein du paysage universitaire allemand.

Il faut y ajouter l’introduction des bachelors et des masters qui ont conduit à une grande confusion auprès du public. « C’est particulièrement vrai pour les entreprises, qui souvent méconnaissent les filières et donc la nature exacte des diplômés que forment les universités », renchérit Dirk Zupancic, professeur à la Heilbronn Business School (GGS).

Pour les établissements, il s’agit aujourd’hui de se forger un profil, mais aussi de recruter car le déclin démographique menace. « Notre région a perdu 40 % de bacheliers en deux ans, et nous devrions atteindre le fond du gouffre en 2020 ! » s’alarme Torsten Evers, responsable du marketing de l’université de Halle-Wittenberg.

« En tant qu’université technique, nous devons avoir une politique de marketing plus offensive que les universités classiques, plus connues des bacheliers », soutient de son côté Elisabeth Hoffmann, chargée du marketing à la TU de Braunschweig. Une université dont le dernier coup de marketing a été la production d’un million de bouteilles d’eau minérale à son effigie.

A la recherche d’un nom, d’une identité

Ces stratégies marketing ne peuvent faire l’économie de la création d’une marque et d’un logo propres. Tandis que le slogan est estimé moins important en raison d’une portée plus fugace. « Un slogan devant être ancré dans le présent, sa durée de vie est donc plus limitée », confirme Torsten Evers. Il en est tout autrement de la marque dont la conception se maintient parfois plusieurs années. La plus connue du grand public était jusqu’à présent celle de Berlin, créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sous le sigle FU pour Freie Universität.

Ces dernières années, des marques ont surgi se réclamant de l’Histoire, comme si cette dernière pouvait conférer une légitimité supplémentaire. L’université de Francfort a ainsi profité de son nouveau statut de fondation en 2008 pour se refaire un nom sous l’appellation « Goethe-Universität ». « L’université portait certes depuis toujours le titre de Johann Wolfgang Goethe Universität, mais il n’était pas mis en avant comme l’est aujourd’hui sa version raccourcie. Cela nous confère une plus grande aura à l’international, car qui connaît à l’étranger les prénoms de Goethe ? » explique son porte-parole, Olaf Kaltenborn.

L’université de Halle-Wittenberg, qui s’est dénommée « MLU » – pour Martin-Luther-Universität –, mise sur le souvenir du prestigieux réformateur. À Munich, c’est le prince-électeur Maximilian et son fils le roi Ludwig qui servent de parrains à la LMU (Ludwig-Maximilians Universität). La marque agit autant comme un facteur de corporate identity auprès des étudiants et des enseignants que comme image auprès du grand public.

Pour autant, l’exemple d’universités d’excellence comme Aix-la-Chapelle baptisée RWTH, pour Rheinisch-Westfälische Technische Hochschule, prouve que la renommée peut aussi précéder une marque peu glamour ! D’ailleurs, Helge Löbler, professeur de marketing et communication à Leipzig, ne croit pas à l’action surfaite d’une campagne. « Si une université est bonne, cela se saura forcément », déclare-t-il, lapidaire. Il fustige le marketing empreint de superficiel : « Il faut communiquer sur la réalité et rester authentique », et qualifie la récente campagne de pub des universités de l’Est de « catastrophique ».

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