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Le Grand Paris universitaire se dessine - Philippe Jacqué, Le Monde, 19 février 2010

vendredi 19 février 2010, par Mathieu

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Avec ses 300 000 étudiants et ses milliers d’universitaires, Paris est le haut lieu de l’enseignement supérieur français. Une position éclatée en vingt-cinq établissements publics, installés eux-mêmes sur 130 sites à travers la capitale, et dont une partie est en très mauvais état.

Pour remédier à cette situation, "l’Etat est désormais prêt à lancer la réorganisation universitaire parisienne", annonce au Monde Valérie Pécresse, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en s’appuyant sur l’"Opération campus" de rénovation universitaire. Pour dégager les priorités, Mme Pécresse s’est appuyée sur le rapport de Bernard Larrouturou, dont la mouture définitive lui a été remise le 10 février.

Dans une première version de ce rapport intitulé "Pour rénover l’enseignement supérieur parisien", remis en octobre (Le Monde du 6 octobre), l’ancien directeur général du CNRS avait proposé l’émergence de trois "universités confédérales" dans le centre de la capitale. La ministre en a conservé l’idée. En témoigne la création, le 9 février, du pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) Paris-Cité réunissant, entre autres, les universités Paris-V, Paris-VII, Sciences Po Paris ou Langues O’. "Avec ses 120 000 étudiants, soit la taille du PRES de Lyon, ce nouvel ensemble pluridisciplinaire comporte un nombre suffisant de doctorants", défend la ministre.

Le deuxième pôle universitaire validé par le ministère, le PRES "Hautes écoles, Sorbonne, Arts et Métiers" (Hésam) sera constitué pour sa part de l’université Paris-I et de sept écoles, dont les Arts et Métiers, l’ESCP Europe, une école de commerce, ou l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). "Les statuts de cet ensemble pourraient être prêts fin mars", espère Mme Pécresse.

Enfin, le ministère compte sur le troisième ensemble proposé par les universités Paris-II, Paris-IV et Paris-VI, augmenté peut-être de grandes écoles "si les acteurs y consentent", précise la ministre, qui poursuit : "Cet ensemble a un potentiel exceptionnel, mais ses acteurs doivent encore décider du meilleur statut juridique de ce regroupement." La ministre souhaite en faire un "établissement public de coopération scientifique", comme tous les PRES actuels. C’est-à-dire un organisme apte à recevoir des dotations de l’Etat, quand le trio d’universités souhaite se limiter à une fondation de coopération scientifique.

En marge de ces trois pôles, l’Ecole normale supérieure (ENS) prépare une fondation qui devrait être baptisée "Paris sciences et lettres" et rassembler de prestigieux établissements de la Montagne-Sainte-Geneviève, comme le Collège de France ou Chimie ParisTech. Dans l’immédiat, "ce projet n’est pas un PRES", assure Mme Pécresse. Dans la perspective du grand emprunt, l’université Paris-Dauphine pourrait rejoindre cet ensemble, qui concentre un grand nombre de doctorants.

Enfin, si au niveau du Grand Paris, plusieurs PRES existent déjà, comme Paris-Est (Marne-la-Vallée, Créteil, etc.), quelques universités restent toujours orphelines, comme Paris-VIII-Saint-Denis ou Paris-Ouest. Le ministère assure qu’il va les "accompagner".

Outre ces rapprochements, la ministre souhaite "réduire le nombre de sites universitaires dans la capitale de 130 à 45 d’ici à 2020. En regroupant chaque établissement sur un nombre restreint de sites, on pourra améliorer non seulement le cadre de vie des enseignants, des chercheurs et des étudiants, mais aussi la visibilité des établissements".

Pour mener à bien cette politique, le gouvernement peut s’appuyer sur les 2 milliards de crédits déjà inscrits au budget pour l’Ile-de-France, un jeu de "chaises musicales" immobilières au sein de la capitale et les 700 millions d’euros de dotation, prévus par l’"Opération campus" pour Paris intra-muros. Sur cette dernière somme, 200 millions ont déjà été promis le 9 février au PRES Paris-Cité pour rénover certains des bâtiments.

La ministre peut surtout s’appuyer sur le long travail de déminage de M. Larrouturou, qui semble avoir réussi à régler des dossiers embourbés depuis des décennies. Ainsi, en accord avec la Ville de Paris, l’université Paris-III devrait passer de ses dix sites actuels, dont son campus de Censier amianté, à deux. Censier rénové d’un côté et l’"îlot Poliveau", un terrain constructible affecté au Museum national d’histoire naturelle, de l’autre.

De même, en attendant l’installation en 2016 de l’EHESS sur le futur campus de Condorcet, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), l’Etat réinstalle en partie la prestigieuse école à Paris-Rive gauche, près de Paris-VII. A terme, elle sera installée sur deux sites, à Aubervilliers et à Paris.

Le départ de l’EHESS permettra surtout de libérer le bâtiment amianté du 54, boulevard Raspail et de le réhabiliter avant de le réaffecter à un autre établissement.

"L’Etat s’engage également à financer rapidement la réhabilitation du bâtiment vétuste du 24, rue Lhomond, qui abrite des laboratoires de l’ENS et du Collège de France", annonce Mme Pécresse. La rénovation du bâtiment de Paris-Dauphine sera prise également en charge à hauteur de 75 millions, tandis que Valérie Pécresse se dit prête à transférer l’ensemble du campus de Jussieu à l’université Paris-VI. Si cette dernière quitte le site des Cordeliers, à l’exception d’un laboratoire de recherche. Situé en plein centre de Paris, ce site serait affecté à Paris-V.

Enfin, pour améliorer l’attractivité parisienne, l’Etat entend aussi créer des maisons d’hôtes de prestige pour les chercheurs étrangers.

Ces travaux seront en partie menés par une nouvelle agence : l’établissement public d’aménagement universitaire de la région Ile-de-France (Epaurif). Elle devra également coordonner les trois Crous d’Ile-de-France et mener des rénovations d’équipements interuniversitaires pour la vie étudiante. L’Epaurif mettra enfin en oeuvre un "schéma directeur francilien" sur les implantations universitaires dans la région. Une concertation devrait s’ouvrir sur la question avec les collectivités territoriales, en avril, juste après les élections régionales de mars.