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Le travail précaire dans les centres de recherche et dans l’Université italienne - Alexandra Ciattini, université d’hiver de SLR, 5 février 2010

lundi 15 février 2010, par Laurence

Alessandra Ciattini de l’Università La Sapienza di Roma en Italie dresse un panorama de la précarité dans l’Université et les organismes de recherche italiens.

Cet article figure sur le site de Papera et celui de SLR.

Résumé de l’auteur

Pendant les dernières années en Italie, les gouvernements de centre-gauche ou de centre droit ont suspendu un pourcentage considérable des moyens économiques destinés aux universités et aux centres de recherche publique, en privilégiant par cela les institutions privées.

Cette inversion de tendance est en relation avec la politique économique générale. Selon celle-ci les institutions de l’Etat ont été réorganisées en attribuant plusieurs de leurs fonctions à des institutions privées.

Ces réductions de dépense publique ont été établies malgré le fait que l’Italie soit l’un des derniers pays européens à investir dans l’éducation supérieure et dans la recherche. En effet l’Italie investit seulement 1,10 pour cent du produit intérieur brut à comparer avec les 1, 81 % des autres pays européens et le 2, 68 pour cent investi par les Etats-Unis et les 3,15 % investi par le Japon.

Cette réduction de dépense publique a favorisé l’embauche sur contrat des chercheurs et des enseignants précaires. Les nouvelles lois, en réduisant le salaire des travailleurs et en rendant plus critiques les conditions de travail, ont introduit ce type de contrat sur le marché. Les universités et les centres de recherche ont profité de ces nouvelles lois et, d’autre part, en raison du manque de moyens, ont augmenté le nombre des travailleurs précaires, déjà existant en quantité limitée.

Selon les statistiques les plus récentes, dans les universités italiennes, 37% des travailleurs sont précaires et ils ont différents types de contrat. Je vais essayer de décrire les conséquences négatives de tout cela pour l’activité didactique et pour le milieu de la recherche, question qui jusqu’à ce jour n’a pas trouvé de solution. Voire, le gouvernement actuel a proposé un dessein de loi qui rend précaire le rôle du premier niveau de l’enseignement universitaire.

Réflexion synthétique

À l’état socio-économique actuel on a affirmé le principe selon lequel les institutions publiques doivent être réorganisées pour offrir de plus amples espaces et opportunités à la société civile, aux associations et à ses composantes. Ce principe a été justifié en affirmant qu’en général les institutions privées sont beaucoup plus efficaces que les institutions publiques et qu’en raison de cela elles satisfont davantage les exigences et les besoins des citoyens.

À partir des années ‘70, ce principe, qui est enraciné dans la pensée libérale classique, dont est issu le néolibéralisme, a inspiré la politique économique internationale. Cela a produit de nouvelles mesures et des lois dans les différents secteurs de la vie sociale ainsi que dans le marché du travail, dans l’organisation sanitaire, dans la réorganisation de l’école publique et dans celle des institutions publiques scientifiques et culturelles. En Italie, à partir des années ‘90 du XX siècle, des changements remarquables ont été introduits dans ce secteur, tels les réductions de dépense publique et l’introduction du travail précaire qui s’avère être moins coûteux.

Un autre changement important a été l’institution de deux niveaux différents de cours universitaires : le premier ayant caractère professionnel, est destiné à ceux qui veulent entrer rapidement dans le marché du travail même si la préparation reçue apparaît insuffisante ; le deuxième niveau est destiné à ceux qui veulent et peuvent continuer leur parcours d’études pour atteindre les niveaux plus élevés de la préparation universitaire. De cette façon, se produit une sorte de dualisme selon lequel au premier niveau est située une force de travail peu préparée et destinée à la précarité, tandis qu’au deuxième niveau on situe des individus qui ont une possibilité majeure de trouver un travail bien rémunéré et stable.

Ces changements ont été soutenus par la Banque Mondiale, qui a proposé une réduction générale des dépenses publiques dans l’éducation supérieure.

Au cours de cette réflexion synthétique, je ne vais pas prendre en compte tous les profonds changements qu’a subis l’Université pendant les vingt dernières années et qui ont produit ce que Gustav Seibt, à propos de son pays, défini comme la « chute de l’Université ». En Europe, ce changement a été décidé lors de rencontres officielles des représentants politiques des différents pays. Dans ce contexte a été décidé le remplacement du modèle européen continental de l’Université (franco-allemand) par le modèle anglo-saxon. Ce dernier modèle a développé l’université d’entreprise ; dans celle-ci la recherche et l’activité de l’enseignement sont subordonnées au développement de l’innovation technologique des différents secteurs industriels et à la formation des travailleurs nécessaires aux entreprises. Ce processus peut être interprété comme l’imposition du point de vue du marché dans tous les aspects de la vie sociale, y compris le développement de la culture et de l’éducation supérieure ; point de vue restreint qui ne considère pas les exigences et les nécessités de la société et de toutes ses composantes.

Comme je l’ai déjà annoncé, un des aspects les plus importants qui a pénalisé les centres de recherche et les universités italiennes a été l’introduction du travail précaire, c’est-à-dire l’emploi des travailleurs précaires soit dans le domaine administratif soit dans l’activité d’enseignement et de recherche. Cette mesure a été justifiée en affirmant que le manque de sécurité lié à la précarité du travail pousserait tous les travailleurs, en particulier les chercheurs et les enseignants, à travailler avec un plus grand engagement pour obtenir un contrat de travail stable dans l’avenir.

La multiplication des travailleurs précaires dans les institutions scientifiques et culturelles de l’Etat a été favorisée par la réduction des dépenses publiques qui auparavant leur étaient destinées. Les réductions de dépense publique ont été décidées malgré le fait que l’Italie soit considérée comme un des derniers pays européen à investir dans l’éducation supérieure et dans la recherche. En effet l’Italie investit seulement 1,10 pour cent du produit intérieur brut à comparer aux 1, 81 des autres pays européens ,aux 2, 68 pour cent investis par les Etats-Unis et aux 3,15 pour cent invests par le Japon.

Le phénomène du travail précaire n’est pas un phénomène uniquement européen ; il n’est pas inconnu dans les universités américaines où il y a plusieurs « adjuncts ». En même temps, les fonds assignés par le gouvernement italien aux universités privées ont augmenté ; en 2005 ils ont augmenté du 7% et ils ont été payés avec ce qui a été enlevé du fond destiné aux universités publiques. La même chose s’est vérifiée avec la loi financière de 2007 : 100 millions d’euros ont été destinés aux dix universités privées qui ont déjà des financements propres et 220 millions ont été destinés aux universités publiques, qui sont environ 70 et qui ne reçoivent pas toujours des ressources de la part d’institutions privées.

Récemment le gouvernement italien de centre-droit a promu la loi 133/2008 qui établit une réduction de la dépense publique (1 milliard et 500.000 euros) jusqu’en 2013. Par ailleurs, avec une loi suivante, le gouvernement a attribué 400 millions d’euros aux industries développant la recherche technologique.

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