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Lyon fusionne ses deux écoles normales supérieures - Ph. Jacqué, Le Monde, 23 décembre 2009

mercredi 23 décembre 2009, par Mathieu

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A vol d’oiseau, 500 mètres les séparent dans le quartier de Gerland, au coeur de Lyon. Entre l’élégant campus de l’Ecole normale supérieure lettres et sciences humaines (ENS-LSH), bâti par l’architecte Henri Gaudin en 2000, et l’Ecole normale supérieure sciences exactes (ENS Lyon) intégrée dans un ensemble au style néoclassique très "années 1980", les chemins sont multiples... Chaque jour, depuis plusieurs mois, les dirigeants des deux écoles les expérimentent tous, car, à partir du 1er janvier 2010, ces deux ENS ne feront plus qu’une.

"L’idée d’un rapprochement des deux écoles est née fin 2007, se rappelle Jacques Samarut, directeur de l’ENS Lyon, et futur président du nouvel ensemble qui gardera le même nom. Lors d’un entretien avec Olivier Faron, le directeur de l’ENS-LSH, nous nous sommes dit qu’il fallait que l’on travaille davantage ensemble. Après discussions, nous avons décidé de créer ce nouvel établissement."

"Personne ne nous a demandé de le faire, insiste Olivier Faron, le futur directeur général de l’ENS Lyon. Nous ne voulions pas d’une simple addition de deux écoles afin de réduire les coûts ou les effectifs, mais imaginer un projet scientifique cohérent, en jouant sur l’interface entre sciences exactes et sciences humaines." "Séparer ces deux domaines est aujourd’hui un non-sens absolu. Nous devons préparer nos étudiants, qui s’orientent pour la plupart vers la recherche, à des carrières sinueuses", poursuit M. Samarut.

La séparation dont parle M. Samarut remonte aux années 1980. Si la première Ecole normale supérieure - la "vraie", assurent certains -, aujourd’hui installée rue d’Ulm à Paris, a été créée en 1794, les ancêtres des établissements lyonnais sont les ENS de Fontenay et de Saint-Cloud, créées, elles, en 1880 et 1882. La première était réservée aux filles, la seconde aux garçons. En 1987, les composantes de sciences exactes de ces écoles s’associent et s’installent à Lyon. En 2000, les sections littéraires rejoignent sous la forme de l’ENS-LSH la capitale des Gaules.

Au centre de nombreux réseaux de recherche, ces deux ENS et leurs 90 équipes de recherche, ont depuis trouvé leur place au sein de la recherche lyonnaise. C’est dans ce cadre qu’une nouvelle histoire commune débute pour un établissement qui accueille près de 2000 étudiants, dont 1 000 élèves fonctionnaires normaliens et 400 doctorants, et compte quelque 600 enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs et 600 personnels administratifs et techniques. Et pour les convaincre de l’intérêt de cette fusion et les rassurer, les dirigeants ont multiplié réunions et assemblées générales.

Pour certains chercheurs, "c’est toujours un mélange de scepticisme et de curiosité qui prévaut face à cette fusion", relève le professeur de biologie Vincent Laudet. "La création d’une école unique est intellectuellement très séduisante, reconnaît Pierre-Marie Morel, professeur de philosophie. Au-delà de l’intérêt gestionnaire, la réunion sous un même toit de toutes les disciplines permet de poursuivre un idéal de formation à la culture générale. De même, il existe de grands domaines de recherche convergents entre mathématiciens ou philosophes."

"A l’école, nous nous parlions déjà entre disciplines, mais cette fusion devrait faciliter les choses, poursuit Catherine Hänni, chercheuse en paléogénétique. La santé et la biologie sont liées à l’histoire de la société humaine. Pour comprendre une épidémie, par exemple, on doit faire travailler médecins, historiens ou géographes..."

"Si l’interdisciplinaire est nécessaire, tout dépendra de la qualité des programmes de recherche communs", résume Emmanuelle Boulineau, maître de conférences de géographie. Tout cela prendra du temps. "Si l’excellence est ce qui nous unit, beaucoup nous sépare encore", constate Pierre Lescanne, professeur d’informatique.

Pour faciliter les rapprochements, la direction compte développer des lieux de rencontres. "Outre l’utilisation d’une même cantine, par exemple, cela peut passer par un nouveau bâtiment réunissant, à mi-parcours entre les deux sites, les chercheurs de toutes les disciplines", estime M. Samarut. Tout dépendra des financements trouvés par l’école, qui bénéficie de 100 millions d’euros (masse salariale incluse) de budget.

La direction de l’école souhaite que cette fusion améliore aussi la visibilité internationale de l’ENS tant en formation qu’en recherche. Pour cela, elle veut créer des coopérations stratégiques avec un petit nombre d’établissements, dont l’Université normale de Chine de l’Est, avec laquelle a été monté un institut de recherche conjoint, ou l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. La coopération devrait être facilitée. Le futur vice-président de cette école, Philippe Gillet, actuel directeur de cabinet de Valérie Pécresse, n’est autre que l’ancien directeur de l’ENS sciences exactes.

Philippe Jacqué


Ulm et Cachan, deux écoles normales supérieures

ENS Ulm Créée en 1794, puis fermée avant d’être rouverte en 1808, Normale-Sup s’est installée rue d’Ulm en 1847 et a fusionné, en 1985, avec l’ENS de jeunes filles de Sèvres, installée alors boulevard Jourdan, à Paris. Ulm compte aujourd’hui 2 300 étudiants, dont 900 élèves fonctionnaires et 650 doctorants. Lieu de formation des futurs enseignants et enseignants-chercheurs, l’école a formé onze Prix Nobel.

ENS Cachan L’ENS Cachan est l’héritière de l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique, créée en 1912. Elle forme 2 100 étudiants, dont 1 300 élèves fonctionnaires, à des disciplines générales et technologiques. Son antenne rennaise, installée en 1994 sur le campus de Ker Lann, devrait devenir autonome en 2012 et devenir l’ENS Bretagne (380 étudiants). L’ENS Cachan devrait, elle, déménager à Saclay.