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Une étudiante, deux enseignants : trois regards sur la rentrée - Le Monde, 17 septembre 2009

jeudi 17 septembre 2009

Une étudiante amère et deux enseignants-chercheurs partagés entre colère sourde et réflexion racontent leur rentrée.

pour lire cet article sur le site du Monde

Jamila Asermouh, 21 ans, étudiante en 3e année de psychologie à l’université Toulouse-II (Le Mirail). "La rentrée universitaire ? Ce n’est pas avant le 26 octobre au Mirail. J’ai passé mes examens début septembre et les rattrapages ne sont pas prévus avant la mi-octobre. En fait, j’ai passé mon été à réviser, alors que je devais travailler au mois d’août... Malgré ces efforts, je l’ai un peu mauvaise. Je pensais que les examens seraient plus abordables, quand même. Après seulement deux semaines de cours effectifs et le reste sur polycopiés, nous donner des évaluations aussi difficiles, c’est bas et révoltant. De toute manière, il n’y avait pas grand monde dans les amphis. D’habitude, ils sont blindés. Est-ce que certains ont jeté l’éponge ? Dans mon entourage, beaucoup de mes amis ont décidé de poursuivre à Paris, et d’attendre une année avant de s’inscrire en master. Le Mirail, c’est bien, mais à distance... Même si ce n’est pas l’envie qui me manquait d’en faire autant , je n’ai pas pu m’inscrire ailleurs, faute d’avoir validé mon année. A Toulouse, je sais que l’Institut catholique qui propose également psychologie est pris d’assaut. Même si c’est cher, les parents préfèrent payer pour que leurs enfants aient des cours..."


Jean-Yves Rochex, professeur en sciences de l’éducation à Paris-VIII (Saint-Denis).
"Chez nous, les cours reprennent le 5 octobre. Depuis fin août, je reçois des étudiants qui s’inscrivent en thèse ou viennent soutenir des mémoires de master. C’est le calendrier habituel. La fac n’a pas été bloquée de manière durable pendant le mouvement, mais surtout les jours de manifestations. Même en étant en grève, on a réussi à maintenir les contacts avec nos étudiants, puis à tenir les examens sur la base d’un réel travail de leur part. Je suis opposé aux blocages, qui nous font perdre les plus fragiles, d’autant que la majorité de nos étudiants sont salariés. Le mouvement n’est ni un échec ni un succès. Je n’ai jamais vu un mouvement aussi massif depuis que je suis à l’université. Le refus de remettre au ministère les maquettes de masters d’enseignement, dans le cadre de la réforme de la formation des maîtres, a été impressionnant. Le gouvernement est passé en force pendant l’été, mais l’affaire n’est pas terminée. Cette réforme impensée, incompréhensible menace à terme les concours d’enseignement, je ne crois pas aux démentis sur ce point. C’est un coin enfoncé dans le statut de la fonction publique. Nous sommes devant une logique de transformation de l’enseignement supérieur sur le modèle des championnats de foot : la Ligue 1, la Ligue 2 et le mercato... Je ne sais pas ce qui va se passer maintenant, mais la colère est toujours présente."

Patrick Rozenblatt, directeur de l’Institut d’études du travail, université Lyon-II (Lumière). "Nos cours ont commencé depuis le 9 septembre. Ces dernières semaines, je travaille sur notre programme quadriennal, que nous devons rendre en urgence au ministère selon un calendrier aberrant. En fait d’autonomie, nous sommes entrés dans un processus qui accumule les injonctions et ne stimule pas la recherche. L’autonomie budgétaire s’accompagne de contraintes sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Cette réforme, finalement, crée plus de coercition que d’autonomie. Tout le processus actuellement à l’oeuvre vise à refermer les vannes de la diffusion des savoirs. Notre institut accueille aussi des étudiants venus du monde du travail. Là où, il y a quelques années, nous avions vraiment du temps à leur consacrer, nous en manquons aujourd’hui. Je dis souvent par provocation que nous aimerions travailler à l’américaine, en étant proches des étudiants, mais les moyens font défaut. En fait, on jongle. Notre université va organiser des ateliers de la refondation. Il faut absolument que le débat se développe. Le mouvement n’a pas suffisamment appelé la société à une réflexion sur ce qu’elle attend de l’enseignement supérieur."