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"Recherche : Valérie Pécresse reprend l’initiative", par Philippe Jacqué, Le Monde, 17 juin 2009

mardi 16 juin 2009, par Elie

Pour lire cet article sur le site du Monde.

Après un printemps marqué par le conflit dans les universités, Valérie Pécresse reprend l’initiative en matière de recherche, avec le soutien de Bercy. Dans sa lettre plafond, Eric Woerth, en charge du budget, a confirmé à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qu’elle bénéficiera bien en 2010 de 1,8 milliard d’euros supplémentaires, dont 800 millions pour la seule recherche. Valérie Pécresse veut user d’une partie de cette somme pour "accompagner" la réorganisation du CNRS en dix instituts. Elle en aura bien besoin tant les chercheurs se disent sceptiques à l’égard de la réforme proposée.

Pour tenter de les convaincre, la ministre a effectué, lundi 15 juin, une visite surprise au conseil scientifique du CNRS, qui doit donner son avis sur le nouveau contrat d’objectifs et de moyens du CNRS avec l’Etat (2009-2013). "C’était une surprise, mais cela ressemblait plus à une pression exercée sur le conseil scientifique", persifle un de ses membres. Dans son discours, la ministre a rappelé que le CNRS "doit rester un opérateur de recherche, mais devenir davantage agence de moyens". En revanche, comme le prévoit le projet de décret de réorganisation de l’organisme, il devra abandonner ses prérogatives en matière d’évaluation de ses laboratoires au profit de l’Aeres, l’agence nationale d’évaluation.

Cette mesure est jugée "inacceptable" non seulement par les syndicats, mais aussi par le comité national, l’actuel organe d’évaluation du CNRS, qui contestait en assemblée extraordinaire le 10 juin, non seulement "la réalité de l’indépendance de l’Aeres", mais aussi sa façon de "noter" les laboratoires. Mme Pécresse estime pour sa part que "l’évaluation des laboratoires doit être externe et transparente" pour pouvoir fonder "une politique d’allocation des ressources en fonction de la performance".

Devant le conseil scientifique, la ministre a également défendu la création d’un dixième institut au sein du CNRS consacré aux technologies de l’information, qui ne fait toujours pas l’unanimité. A l’avenir, explique au Monde Valérie Pécresse, cet institut sera appelé à travailler avec l’Institut national de la recherche en informatique et automatique (Inria) et les universités sur le modèle de l’Alliance nationale des sciences de la vie et de la santé (rassemblant sept organismes et les universités). "L’Alliance des sciences de la vie a permis d’accélérer de manière extraordinaire les travaux sur la grippe H1N1 : grâce à elle, on estime à six mois le temps gagné sur ces recherches", poursuit la ministre.

De même, "l’avenir est à la coopération des organismes de recherche et des universités", insiste-t-elle, qui défend les quelque 1 200 unités mixtes de recherche (UMR) universités-organismes. Si ces dernières doivent conserver leurs doubles ou multiples tutelles scientifiques, Mme Pécresse souhaite une seule tutelle de gestion.

La ministre annonce au Monde qu’elle va lancer l’expérimentation de la "délégation globale de gestion" des UMR. "L’université, qui héberge la majorité des UMR, doit à l’avenir assurer la gestion des laboratoires qu’elle héberge pour le fonctionnement courant des équipes", explique-t-elle. Outre l’université Paris-VI qui teste ce dispositif avec le CNRS depuis le début de l’année, Paris-V et Aix-Marseille-II l’expérimentent avec l’Inserm, tandis que l’INRA va le faire avec ses partenaires.

Afin de faciliter la tâche des universités, le ministère va leur fournir un guide des "bonnes pratiques administratives" : délégation de signatures pour les dépenses courantes au directeur de laboratoire, mise en place de cartes "affaires" et "achats", comptabilité toutes taxes comprises, etc.

Concernant le financement des laboratoires, Valérie Pécresse a demandé à l’Agence nationale de la recherche (ANR) de s’appuyer sur les travaux stratégiques des organismes de recherche et de moduler à l’avenir les durées des appels à projets selon les disciplines. La ministre souhaite voir passer la proportion des "projets blancs" (appel à projets non thématiques) de 35 % en 2009 à 50 % en 2010 et revoir à la hausse le preciput (part d’un contrat de recherche revenant à l’hébergeur) qui passerait à 20 % contre 15 % aujourd’hui.

Enfin, le ministère vient de créer avec l’ensemble des acteurs, dont les syndicats, un groupe de travail pour arrêter une prospective de l’emploi scientifique public pour les dix prochaines années, discipline par discipline, dans les universités et les organismes de recherche.

Philippe Jacqué