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"Facs : l’examen de conscience", par Véronique Soulé, Libération, 6 mai 2009

mercredi 6 mai 2009, par Elie

A chaque établissement son système pour valider un semestre mouvementé.

Pour lire cet article sur le site de Libération.

Président de l’université de Limoges, Jacques Fontanille est « plutôt optimiste » sur la sortie de la crise actuelle. Comme beaucoup, son université a été touchée de façon très inégale : « Massivement en lettres et en sciences humaines où il y a eu jusqu’à quatre semaines sans cours, épisodiquement en sciences et à l’IUT [Institut universitaire de technologie] ». Aujourd’hui, les cours ont repris, un système de rattrapage a été mis au point, et un nouveau calendrier d’examens a été fixé. En clair, l’année devrait être sauvée. Mais sur le climat général et les tensions politiques à venir, Jacques Fontanille est nettement « moins optimiste ».

La question des examens est désormais au cœur de la crise. Qu’ils soient ou non solidaires avec les enseignants-chercheurs, la plupart des étudiants redoutent de perdre leur année. La grève a été lancée le 2 février, et certains n’ont eu aucun cours depuis. Dans la plupart des cas toutefois, la situation est plus nuancée. Seuls certains départements ont été touchés, ou les cours ont repris entre deux blocages. Des enseignants, déchirés entre leur volonté de protester et celle de ne pas abandonner leurs étudiants, ont aussi gardé le contact, corrigeant des traductions, conseillant des lectures, etc.

« Il n’y aura pas de diplômes bradés ou sans rattrapage », a clamé hier, à l’Assemblée nationale, Valérie Pécresse. Pressée d’en finir avec une crise qui s’éternise, la ministre de l’Enseignement supérieur, épaulée par ses amis de l’UMP, a fait de la question des examens son cheval de bataille. D’après elle, de nombreuses concessions ont été faites et le mouvement doit s’arrêter. Elle surfe donc sur l’inquiétude des familles et entend bien exploiter un sujet porteur : des enseignants égoïstes et arc-boutés sur leurs privilèges, soutenus par de dangereux étudiants gauchistes...

Rattrapage. En réalité, les universitaires ne l’ont pas attendue pour trouver des aménagements et faire passer des examens sans que le diplôme ne soit dévalorisé. Dans une trentaine d’universités, des cours de rattrapage ont débuté durant les vacances de printemps, le week-end ou le soir. « Nous avons des journées de huit à neuf heures », précise Jacques Fontanille, qui est aussi vice-président de la CPU (Conférence des présidents d’université).

Par ailleurs, vingt-cinq universités ont décalé leurs dates d’examens, de quelques jours ou quelques semaines, généralement jusqu’à la mi-juin, afin de ne pas empiéter sur les stages ou les jobs d’été des étudiants. Sept universités, qui ont connu de longs blocages, ont dû reporter leurs sessions de rattrapage à septembre - Amiens, Besançon, Montpellier III, etc.

Il a aussi fallu parfois aménager les épreuves elles-mêmes. Dans certains cas, on a simplifié l’examen et modifié le contenu. Par exemple, une matière qui était évaluée par deux écrits et un oral ne comporte plus qu’un écrit et un oral. Ou alors, tout le programme n’ayant pu être rattrapé, l’évaluation se fait davatange sur la méthodologie - à partir d’une analyse de textes - que sur l’acquis des connaissances.

« Leurres ». Les universités avaient déjà dû adapter les examens après le mouvement anti-CPE (hiver 2005-2006). Mais la crise est plus longue. Et certains enseignants-chercheurs, répondant à l’appel de la Coordination nationale des universités, refusent d’« organiser la tenue des examens ». Pour eux, les gestes de la ministre sur les décrets contestés ne sont que des « leurres ». Et après treize semaines de mobilisation, ils refusent d’abandonner sans avoir pratiquement rien obtenu. D’autres, comme à Reims hier, ont décidé de boycotter les jurys du bac - où siège un professeur d’université. Cela ne devrait toutefois pas empêcher ces examens de se tenir : les protestataires seront remplacés par des enseignants volontaires.

D’après le ministère, il ne resterait plus qu’une quinzaine d’universités (sur 83) touchées à des titres divers. La plupart connaissent des grèves partielles. Quatre, bastions de la contestation, restent quasiment bloquées : Aix-Marseille-I, Bordeaux-III, Paris-IV-Sorbonne et Toulouse-II-le Mirail. « Cela diminue doucement, mais cela diminue », affirme l’entourage de la ministre. Le décompte de l’AFP fait, lui, état d’une vingtaine d’établissements perturbés.

Difficultés. D’après l’Unef, premier syndicat étudiant, cinq à dix universités risquent d’avoir des difficultés à organiser des examens. Devant la reconduite du blocage, le président de Bordeaux-III, Patrice Brun, a évoqué une fermeture administrative, « ce qui serait la fin des cours et des examens ». A Paris-IV, la direction a promis de faire le maximum pour valider l’année universitaire mais n’a pas exclu un « semestre neutre » - les étudiants auraient alors une licence en cinq semestres au lieu de six.

« La sortie de crise est d’autant plus difficile que Valérie Pécresse a fait le choix du pourrissement et du durcissement, s’inquiète Jean-Baptiste Prévost, président de l’Unef. En même temps, en enfermant le débat sur la question des examens, la Coordination lui a fait un cadeau inespéré. »