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"Retour sur la lettre pétition adressée au comité de visite de l’AERES à l’EHESS", compte-rendu du 4° Grand Débat de l’EHESS du 30/04/09, par Michel Barthélémy, chargé de recherche au CNRS (Centre d’étude des mouvements sociaux - EHESS)

lundi 4 mai 2009, par Elie

Le quatrième « grand débat de l’EHESS » a eu pour thème la réception de la
lettre pétition adressée au comité de visite de l’AERES (1) chargé
d’évaluer l’établissement « EHESS » dans son ensemble. Cette évaluation
administrative fait suite aux évaluations scientifiques des centres de
l’Ecole. Programmée pour la période 27-30 avril, cette visite a finalement
été reportée sine die.

La visite administrative serait-elle sans importance ?

La « section des établissements » est l’une des trois sections de l’AERES
(les deux autres sections étant : « unités de recherche » et « formations
et diplômes ») (2). Elle est compétente pour l’évaluation des universités,
établissements d’enseignement supérieur, organismes de recherche, ANR,
pour l’ensemble de leurs missions et activités. Elle est également
compétente pour la validation des procédures d’évaluation des personnels
de ces établissements et organismes.

La description des profils des six membres de ce comité de visite fait
ressortir une orientation marquée d’administrateurs de la recherche issus
de disciplines, pour les chercheurs et universitaires, assez éloignées des
sciences sociales.

L’argument développé dans cette partie découle de l’enquête sur les
profils et la méthodologie suivie par les membres des comités AERES pour
procéder à l’évaluation des établissements d’enseignement supérieur.
L’accent est mis sur un certain de mots-clés de la démarche telle qu’elle
est présentée sur le site de l’agence (sous l’intitulé : « Le guide de
l’expert »). Il en ressort que le protocole et les critères d’évaluation
qui ont la faveur de l’agence sont étrangers au monde de la recherche et
de l’enseignement supérieur. Le point étant que le « danger » représenté
par cette visite est que l’établissement visité accepte que lui sont
appliquée une grille d’évaluation contestable car reposant sur une vision
des choses qui ne tient aucun compte de la spécificité du milieu ainsi
évalué. Ce qui peut à terme peser négativement sur l’organisation des
activités de l’établissement, le choix de ses priorités, l’évaluation
interne de ses résultats, en surdéterminant ces derniers de l’extérieur
par les propres outils et concepts de l’AERES (stratégie, pilotage,
gouvernance, tableaux de bord, sentiment d’appartenance, adhésion au
projet d’établissement.), eux-mêmes largement empruntés au monde de
l’entreprise et à la démarche qualité qui y est appliquée. Ce qui va
naturellement avec la logique de l’orientation hiérarchique qui prévaut
dans ce milieu. Ainsi les universitaires administrateurs sont-ils une
catégorie liée de manière cohérente à celle du président-manager
d’université. Ils sont le produit et les agents des réformes en cours.
C’est tout cela qui serait implicitement accepté par les établissements
jouant le jeu, sans réserves, de l’agenda imposé par ces agences. Par
conséquent, c’est ce risque qu’entendait dénoncer la lettre-pétition.

La réception de la lettre-pétition

- La question de l’arrogance supposée de l’Ecole

La pétition a suscité un ensemble de réactions dont un certain nombre
favorables et d’autres hostiles à des degrés divers. Les rédacteurs de ce
texte se sont interrogés sur les motifs des interprétations faites par
certains lecteurs et ayant conduit à ces réactions plus ou moins fortes.
Une analyse du petit corpus de messages reçus conduit à une ventilation en
quelques types de réactions. Parmi les plus critiques, on trouve les
points de vue suivants :

- l’Ecole ferait preuve d’arrogance par rapport à l’université en
s’appuyant sur une spécificité la mettant à part des universités et de la
forme d’évaluation qui leur est appliquée. L’une des phrases de la
pétition ayant pu déclencher l’ire de certains commentateurs pourrait
avoir été celle-ci : « La spécificité de notre Ecole ne peut en outre
qu’être dissoute par des critères standardisés qui privilégient en réalité
les démarches les plus conformistes », si elle a pu être entendue comme
signifiant qu’il n’y a qu’à l’Ecole des Hautes Etudes qu’il n’y a pas de
démarche conformiste cependant que celle-ci est de règle à l’université ;

- l’idée qu’il est normal que les agents de l’Etat se soumettent à des
évaluations externes, conduites par les autorités administratives et non
pas par les membres de la communauté (3).

Un point supplémentaire est que ce sentiment diffus selon lequel l’Ecole
se sentirait au-dessus des autres pour pouvoir être évaluée, sous-entendu,
comme les universités. Vrai ou faux, ce sentiment fait obstacle à une
relation équilibrée entre les universités et l’Ecole, afin de pouvoir
ouvrer ensemble pour éviter ce qui se profile et concernera finalement
tous les établissements d’enseignement supérieur. Pour bien appuyer sur ce
que les réformes en cours vont signifier, un exemple est donné d’une
université de la région parisienne en pointe dans le « nouveau management
public ». Dans cette université, ce ne sont plus les universitaires qui
décident des cours qu’ils donnent. Ces cours sont proposés par le
département mais sont validés par la présidence. Les cours sont constitués
autour de thèmes (tant d’heures sur un sujet, tant d’heures sur un autre)
conçus en fonction du management général de l’université. Par ailleurs,
c’est la présidence qui décide l’ouverture ou la fermeture de cours en
fonction du nombre d’étudiants inscrits. Ce qui vaut également pour les
masters de recherche (qui requièrent 25 étudiants au minimum). Les
critères étant plus souples pour les masters professionnels, cette mesure
permet de supprimer les masters de recherche de cette université. La
recherche y est définie sous la forme de fiches-projets sous une forme
standardisée.

Par ailleurs, le fait que les membres de l’AERES soient nommés change la
nature de l’évaluation. Les membres du CoCnrs eux sont élus. Chaque
chercheur électeur est libre de consulter les cv de chacun avant de voter
pour les candidats. Lesquels sont de toute façon des gens qui participent
à la recherche, et sont donc des « pairs » élus par la communauté des
chercheurs et non pas désignés par le pouvoir politique. En outre, on a
l’impression que l’AERES participe d’une logique autoritaire de
gouvernement que l’on retrouve partout en France, selon laquelle la
compétence doit être désignée par le haut et non pas par ceux qui
partagent une communauté de langage et de pratiques au sein d’un
environnement professionnel. Ce qui aboutit à l’idée qu’il y a une seule
vérité et que celle-ci est construite par des personnes compétentes
individuellement et n’émerge donc pas d’un débat. La quantification est
inhérente à cette logique de gouvernement, au sens où, à partir du moment
où l’on est possession de chiffres, le débat n’a plus lieu d’être. Le
politique dispose par là-même des moyens de juger la communauté de la
recherche indépendamment d’elle-même. Or, la totalité de l’action publique
est établie en objectifs chiffrés. L’AERES n’est qu’une expression parmi
d’autres de cette logique d’ensemble, au-delà des personnes qui y
participent. Car inscrit dans cette structure et dans la logique de
gouvernement que l’on a aujourd’hui, cela ne peut rien donner d’autre que
ce dont il est fait le constat (4).

Une suggestion est faite d’établir des monographies circonstanciées sur
les comités de visite de l’AERES, tant la méthode choisie semble aberrante
s’il s’agit de connaître l’activité d’un centre de recherches par un
déplacement de quelques heures sur place.

Parmi les arguments en faveur de l’AERES on trouve :

- que les modes nouveaux d’évaluation représentent un progrès par rapport
à la situation précédente, au sens où ils se traduiraient par une plus
grande transparence ainsi que par la prise en compte de composantes de
l’activité des universitaires qui n’étaient jusque là pas considérées ;

- qu’il est bon de différencier l’évaluation consacrée à la partie
administrative (organisation et structure) de la vie des agents et
établissements d’enseignement supérieur et de recherche, de l’évaluation
du registre proprement scientifique ;

- que l’AERES représenterait malgré tout une évaluation faite par des « 
pairs » plutôt que par des agents totalement extérieurs au monde de la
recherche et de l’enseignement supérieur et à ses caractéristiques
distinctives. En outre, la composition des comités de visite par
disciplines, mettrait la communauté à l’abri de la scientométrie dans ses
aspects les plus durs.

A cela il convient d’ajouter un certain optimisme dans la possibilité
d’amender et d’améliorer le fonctionnement de l’AERES, par un certain
nombre de suggestions : faire en sorte d’éviter que l’évaluation se fige
dans un certain professionnalisme, revoir le mode de désignation des
experts, en passant de la nomination à l’élection par les pairs, etc.

Les remarques critiques à l’égard de l’AERES mettent l’accent sur la
mainmise des politiques sur la science, avec la crainte de la conformité
intellectuelle qui pourrait en découler, et se traduisant par un
étouffement de la créativité en privilégiant les recherches qui permettent
d’obtenir des résultats rapides sur celles qui peuvent ouvrir de nouveaux
champs mais à plus long terme et sans garantie initiale de retombées
clairement définies.
Parmi ces critiques, il y a également l’indigence de l’évaluation (le
temps minimal de la visite) et celle du rapport (un Powerpoint de 7 pages,
p.e.) rapportée au travail mené en comité national (s’agissant du Cnrs),
notamment fait par des collègues dont les références épistémiques sont
diverses, et qui forgent de manière concertée les moyens d’élaborer un
jugement partagé.

La remarque qui revient désormais de façon quasi récurrente et qui
consiste à s’interroger sur le fait de savoir pourquoi, s’il est si
problématique qu’on le dit, le nouveau régime d’évaluation qui se met
actuellement en place n’a pas suscité de lever de boucliers à l’origine,
appelle plusieurs réponses. L’une d’entre elles est de dire que les
personnes impliquées, les directeurs-trices et les membres d’UMR qui
allaient être évaluées étaient dans l’expectative et redoutaient les
mesures de rétorsion en cas de refus de l’évaluation. Une autre consiste
tout simplement à reconnaître que, pour certains, cette évaluation à venir
n’avait pas suscité d’inquiétude particulière. Ils n’avaient donc pas
d’apriori. C’est seulement à partir des premiers « retours d’expérience »
des centres visités que leur attention a été attirée sur les risques que
ce régime d’évaluation pouvait faire courir, en tant que pièce d’un
système complet qui en contenait d’autres, à l’exercice de la recherche.

- Différence vs. arrogance

Le statut particulier de « Grand établissement » dont jouit l’Ecole avec
six autres établissements (dont le Muséum d’histoire naturelle, le Cnam,
le Collège de France, Dauphine,.) aurait pu conduire ces établissements
précisément à souligner leur différence avec les universités, à la fois
sur leurs missions et sur leur fonction en terme d’élaboration et de
diffusion des savoirs, et qui se manifeste également dans leur modalité de
recrutement de leurs personnels. Cette perspective aurait pu permettre de
construire un débat visant à faire admettre des différences de modes de
fonctionnement et d’orientations entre les établissements de recherche et
d’enseignement supérieur. Sachant par ailleurs que ces différences,
soulignées par des statuts, n’empêchent en rien la solidarité de ces
établissements avec les universités dans le combat qu’elles mènent en ce
moment pour une autre approche de l’autonomie que celle qui leur est
octroyée par le gouvernement. Par ailleurs, cette spécificité entre les
établissements n’interdit pas les coopérations scientifiques entre eux.

Il n’y a pas d’arrogance dans cette pétition, laquelle, d’une part, ne
concerne pas la défense du statut de l’Ecole, et, d’autre part, est
centrée non pas sur l’évaluation en général, mais sur le régime
particulier d’évaluation qui se met en place à travers l’AERES, à partir
de l’expérience qui en a été faite à l’EHESS.

La perspective du mouvement

Il ne s’agit pas de marquer une différence en soi de l’Ecole par rapport
aux universités. L’objet de la mobilisation consiste à appeler à une
réforme radicale de l’AERES si celle-ci veut devenir légitime au sein de
la communauté. Il faut donc convaincre les collègues de cesser de jouer ce
jeu. C’est pourquoi il faut tous, universités et Ecole, argumenter dans
les mêmes termes car nous sommes tous dans le même bateau. Le but est de
parvenir à l’arrêt du fonctionnement de l’AERES telle qu’elle fonctionne
aujourd’hui, sous la forme d’une agence de notation.

Légitimité des évaluateurs et légitimité de l’évaluation

Une intervenante met en cause le système d’élection des membres des
sections du comité national du Cnrs sur liste syndicale, en tant qu’il
n’est pas en soi une garantie de compétence scientifique des personnes
ainsi élues à la fonction d’évaluateur. Une première réponse a consisté à
dire que l’élection au CoCnrs est une élection au scrutin nominal, que
l’appartenance syndicale n’est pas obligatoire. Une autre réponse est
d’avancer que l’élection permet le choix et garantit une évaluation par
les pairs. Une dernière réponse est de dire qu’il est souhaitable d’avoir
une évaluation reposant sur l’objectivité collégiale, fondée sur la mise
en place de systèmes d’équivalence entre scientifiques de différents
bords, courants, de différentes disciplines ou de la même mais de styles
de recherches différents. L’exemple du Cnrs peut être amélioré au lieu
d’être simplement remplacé par un système totalement différent. L’AERES,
via une réforme radicale de son fonctionnement pourrait être le moyen de
cette objectivité élaborée sur un mode collégial que ce soit au Cnrs, ou
dans les universités. Sa transversalité par rapport aux organismes et aux
établissements pourrait devenir alors un atout dans la conception d’un
processus d’évaluation plus conforme aux exigences et pratiques des
milieux de la recherche et de l’enseignement supérieur. On peut au
demeurant voir la différence de conception entre, d’un côté,
l’intervenante qui met l’accent sur la compétence présumée des individus
qui composent un groupe d’évaluateurs, qui est une propriété personnelle
préalable à la composition du groupe dans lequel ces individus siègent et,
de l’autre, cette idée issue de l’expérience de la pratique, d’une
évaluation fondée sur des outils et méthodes ad hoc conçus à partir d’une
activité concertée entre des membres réunis pour évaluer des projets, des
équipes, des travaux, des personnes et ayant à constituer ensemble les
perspectives d’une compréhension commune aux fins de la réalisation de la
tâche qui est la leur. Ce sont deux conceptions assez éloignées l’une de
l’autre, dont vraisemblablement la seconde est celle qui correspond aux
pratiques effectives. L’activité de recherche, et celle de
l’administration de la recherche sont en effet remplies par ceux qui sont
engagés au quotidien dans les tâches de recherche ou/et d’enseignement.

L’idée que les fonctions d’évaluation devraient être réservées aux « 
meilleurs » ouvre la boîte de Pandore. Qui va en décider ? Forcément
arbitraire, car nul ne peut être spécialiste de tout, cette vision des
choses est en outre inapte à rendre compte du fonctionnement d’un petit
groupe de pairs appelé à élaborer ses règles de fonctionnement dans une
certaine difficulté mais pas sans efficacité jusqu’ici et, pourrait-on
ajouter, sous une forme qui respecte l’expression plurielle de la
recherche vivante. Ceci à l’inverse de l’administration de questionnaires
liés à des grilles d’évaluation passe-partout ou de jugements d’autorité
de membres censés être plus compétents que les autres.

- Sur les biais de la lettre pétition

Une gêne éprouvée à la lecture de la lettre-pétition, c’est qu’elle
s’adresse plus à des personnes qu’à des institutions.
Ce qui pose problème, c’est moins le contenu que le statut de la pétition
qui s’adressait aux membres de l’institution. Ensuite elle s’ouvrait aux
membres de l’Ecole. Après elle s’est ouverte bien au-delà. Ce qui était
problématique eu égard à la tournure initiale du texte de la pétition. En
outre la pétition arrivait au terme des évaluations des centres et la
pétition s’achevait sur une préoccupation propre à l’Ecole.

Sur toute cette réflexion sur l’AERES, on a eu trop souvent en tête
souvent de façon implicite le modèle alternatif de l’évaluation au Cnrs.
Or il faudrait comparer avec l’évaluation par le ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche. Par rapport à celle-ci on
constate trois évolutions positives : la clarté de l’identité et du rôle
des évaluateurs, la parité, la visite. Par ailleurs, la question mise en
avant par la pétition qui est de « lire les oeuvres » présente le biais de
limiter l’évaluation à l’activité scientifique, ce qui ne met pas en
évidence les conditions de production desdites oeuvres.


Notes

(1) Cette pétition a
obtenu 278 signatures, dont 258 personnes travaillant à l’Ecole.

(2) Les lignes qui suivent ont été tirées du texte de présentation de
l’AERES et de la section des établissements accessible sur le site de
cette agence

(3) Signalons à cet égard, l’exemple du Conseil d’Etat, et des mesures par
lesquelles ses membres et cette institution préservent leur indépendance à
l’égard des pressions éventuelles des autorités publiques.
http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/03/18/nicolas-sarkozy-la-reforme-du-cnrs-et-le-vieux-statut-mite-d.html

(4) Sur ce dernier point, qui se veut conciliant, on remarquera néanmoins
que le respect du point de vue de tous, et singulièrement de ceux qui
participent aux évaluations de l’AERES et croient à sa méthode, n’est pas
dénué d’ambigüité. En effet, il exonère ces derniers de toute
responsabilité, à titre individuel, dans l’entreprise de « réduction-
traduction » de l’activité d’enseignement et de recherche en données
quantifiées. Laquelle exonération s’étend aux conséquences découlant de
l’évaluation des agents, établissements et organismes de ce secteur, en
tant que l’intérêt de ces derniers est considéré par les politiques à
travers ces seuls signes et que des décisions sont prises par ces derniers
sur cette base là et appliquées aux membres de la communauté qui n’en peut
mais. En somme, que les membres de ces agences communient ou pas avec la
philosophie du « nouveau management public » mis en ouvre par ces agences
de notation, le simple fait qu’ils prennent part à leur fonctionnement,
conduit au résultat constaté. Le paradoxe est que retirer la
responsabilité de leurs actes aux agents, dans l’intention de les prémunir
contre une critique trop acérée de leur action et implication, en fait de
facto des marionnettes au service d’une logique de gouvernement. On ne
peut ici que songer aux travaux de Hannah Arendt sur la capacité de juger,
qui est une propriété dont l’usage transforme l’être humain en une
personne, c’est à dire en un animal politique capable de s’extraire des us
et coutumes, des manières de faire et de penser convenues, routinières,
pour examiner le poids des conséquences, en particulier, de son action
personnelle dans le monde, de sa participation à n’importe quelle
entreprise, individuelle ou collective, et discerner en quoi elle l’engage
vis-à-vis des autres et de lui-même. Ce qui l’autorise à faire la part des
choses dans la manière flatteuse dont se présentent les situations, les
actions qui sollicitent son engagement et en les jaugeant sur leurs traits
moraux et politiques effectifs. H. Arendt souligne que penser n’est pas
affaire d’intelligence ni d’érudition. C’est simplement se rendre
disponible pour considérer à nouveaux frais et sous un regard neuf ou
renouvelé ce qui naguère paraissait être incontestable et frappé du sceau
de l’évidence. Cette posture, naturellement, à la fois commune à tous les
êtres humains, et si rare dans son exercice effectif, n’est, bien entendu
pas recommandée uniquement à ceux et celles qui participent avec entrain
aux réformes gouvernementales actuelles. Les opposants à celles-ci
trouveraient également un avantage à s’y confronter. Ce serait
vraisemblablement le moyen de trouver un moyen de s’entendre entre les
partisans de ces orientations divergentes. Néanmoins, cette note conteste
le propos rapporté dans le texte selon lequel personne ne porterait au
fond la responsabilité de ce que l’action de nombreux acteurs fait émerger
dans les pratiques et la culture de cette communauté. Pour aller plus
loin, cf. Hannah Arendt, Responsabilité et jugement, Payot, 2009. Notons,
en passant, qu’un exemple concret de cette absence de jugement, remplacé
par une suite de stéréotypes, pourrait se trouver dans la façon dont V.
Pécresse « voit » le mouvement universitaire.