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Pour le président de Paris 2, jamais la LRU ne passera sans le soutien des universitaires, par Jade Lindgaard, Mediapart, 9 avril 2009

jeudi 9 avril 2009, par Mathieu

Quasiment pas touchée par la grève qui secoue l’enseignement supérieur depuis neuf semaines, l’université de Panthéon-Assas (Paris 2) a joué un rôle significatif dans le conflit par l’intermédiaire de ses juristes, fers de lance de l’opposition au nouveau décret sur le statut des enseignants-chercheurs. Pour son président, Louis Vogel, il n’y aura pas de sortie de crise sans amélioration des conditions de travail des universitaires. Et jamais une réforme ne passera sans leur soutien. Entretien.


Comment sortir de la crise à l’université ?

Louis Vogel, président de Paris 2 Panthéon-Sorbonne.

La première chose à faire pour sortir de la crise, c’est de valoriser les étudiants et les enseignants-chercheurs. Ils sont maintenant opposés aux réformes en cours de façon un peu globale. Il faut les remettre en position de discuter.
 
Une des raisons de l’opposition des universitaires, c’est l’insuffisance de leur statut économique. Vous ne pouvez pas demander à des gens qui se sont autant consacrés à leurs études de travailler dans des conditions aussi difficiles, sans secrétaire, surchargés de tâches bureaucratiques. Il faut absolument que les enseignants-chercheurs se sentent reconnus, au-delà même des moyens matériels. Il faut renouveler leur statut. Au-delà du statut économique, c’est un statut social. Il faut arriver à les mettre en position d’accepter le changement.

Quand vous allez dans une école de commerce, vous voyez tout de suite que vous n’êtes pas dans une université. Et inversement : la taille des amphis, leur état, l’organisation des locaux, le personnel administratif. On gère un énorme nombre d’étudiants avec des moyens très limités. Faut arrêter avec ça. Il y a une fatigue de ce système. C’est le désarroi.

Comment expliquez-vous l’ampleur et la durée du mouvement qui agite l’université ?

Il y a un malaise à l’université. La loi LRU veut passer d’un système uniforme, massifié, où tout est pareil, à un système diversifié. Ce n’est pas facile à faire. Il faut prévoir des mesures de transitions, des essais, faire des universités pilote. Avoir l’accord des enseignants-chercheurs. Il faut négocier, expliquer, communiquer, donner envie. Discuter pour voir ce qu’ils sont prêts à accepter. Jamais une réforme ne passera si les enseignants-chercheurs n’y adhèrent pas. On ne peut pas imposer ces changements.

On nous dit : « Vous allez être en concurrence. » Pour que les universités l’acceptent, il faut qu’il y ait égalité dans la concurrence. S’il y a des écoles qui peuvent payer leurs enseignants beaucoup plus cher, leur donner des conditions de travail bien meilleures qu’à l’université, faire qu’un professeur se mette en disponibilité et se fasse ensuite embaucher sur un contrat de droit privé à Sciences-Po où il est payé beaucoup plus..., c’est de la concurrence inégale. Je ne suis pas contre le fait que l’on soit en concurrence mais il ne faut pas que les uns puissent tuer les autres.

On ne peut plus dire aujourd’hui qu’on laisse l’université s’enfoncer car en France on a les grandes écoles. C’est fini. Le format d’avenir, c’est l’université. Les grandes écoles sont trop petites, trop faibles, sans aucune visibilité internationale. Elles ne sont pas compétitives au plan international. De plus en plus d’élèves de terminales vont directement faire des études à l’étranger sans plus choisir les grandes écoles. Les universités que l’on connaît dans le monde entier, c’est ce qui correspond à ce qu’on appelle l’économie de la connaissance : des labos où il y a des chercheurs et des enseignants en même temps. Les universités ne fonctionnent pas comme des écoles, avec des enseignants contactuels qu’un président peut virer. C’est une des raisons de la réussite de l’université à l’étranger : un esprit universitaire qui favorise le travail en commun. Soit on arrive à remettre les universités sur pied. Soit on est cuit. Nos enseignants-chercheurs iront travailler ailleurs et nos étudiants partiront vers les grandes universités européennes. On risquerait de disparaître.