Accueil > Statuts et précarité > Le dernier avatar du projet de décret statutaire, par Céline Ruet, MCF à (...)

Le dernier avatar du projet de décret statutaire, par Céline Ruet, MCF à l’université de Paris 13

jeudi 9 avril 2009, par Laurence

Depuis la première version du projet de décret statutaire, nous nous opposons collectivement à une offensive menée contre la dignité de notre métier et les conditions de possibilité de toute activité universitaire : de la liberté et du temps pour penser.

Selon le Code de l’éducation «  Le service public de l’enseignement supérieur a pour mission le développement de la culture et la diffusion des connaissances et des résultats de la recherche. Il favorise l’innovation, la création individuelle et collective dans le domaine des arts, des lettres, des sciences et des techniques… » (art. L 123-5). « Le service public de l’enseignement supérieur s’attache à développer ...la recherche fondamentale, la recherche appliquée et la technologie. Il assure la liaison nécessaire entre les activités d’enseignement et de recherche » (art. L23-6).
La réalisation des ces missions suppose des conditions adéquates de travail, aux termes de l’article L123-9 Code de l’éducation qui dispose : « A l’égard des enseignants-chercheurs, des enseignants et des chercheurs, les universités et les établissements d’enseignement supérieur doivent assurer les moyens d’exercer leur activité d’enseignement et de recherche dans les conditions d’indépendance et de sérénité indispensables à la réflexion et à la création intellectuelle. »

Le dernier avatar du projet de décret est-il propre à assurer la liaison nécessaire entre enseignement et recherche et à établir les conditions nécessaires à la réflexion et à la création intellectuelle ?

Aux termes du nouveau projet décret, qu’est-ce qu’un enseignant-chercheur, quel est le travail qui le définit (I) ? Quelle est la condition de celui-ci (II) ?


I qu’est-ce qu’un enseignant chercheur ?

Le décret du 6 juin 1984 toujours en vigueur détermine en son article 3 une série de missions des enseignants chercheurs déjà définies de manière extensive. Mais cette définition n’est couplée à aucune quantification de l’activité de recherche. Seuls les services d’enseignement en présence d’étudiants sont quantifiés (durée annuelle de référence de 128 heures de cours).

Le socle « dur » de la réforme en cours consiste à développer les possibilités d’étendre les activités et le temps de travail des enseignants-chercheurs, et de rendre ainsi plus difficile un exercice du métier conforme au concept d’enseignant-chercheur, indissociablement enseignant et chercheur.

1° la métamorphose (incomplète ?) de l’enseignant -chercheur en PATF (personnel à tout faire)

Le projet de décret développe les missions et fonctions de l’enseignant chercheur en trois articles (2, 3, 5) comportant de nombreuses redondances.

La détermination d’une double mission d’enseignement et de recherche est complétée par l’affirmation que les enseignants-chercheurs concourent à l’accomplissement des missions du service public de l’enseignement supérieur (incluant, depuis la loi du 10 août 2007, l’insertion professionnelle) et de la recherche respectivement précisées à l’art L123-3 du Code de l’éducation et à l’art L112-1 du Code de la recherche.
Puis l’article 3 développe une série de tâches (extrait : « Ils participent à l’élaboration et assurent la transmission des connaissances au titre de la formation initiale et continue incluant le cas échéant, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Ils assurent la direction, le conseil, le tutorat et l’orientation des étudiants et contribuent à leur insertion professionnelle. Ils organisent leurs enseignements au sein d’équipes pédagogiques et en liaison avec les milieux professionnels. Ils établissent à cet effet une coopération avec les entreprises publiques ou privées »).

Certaines de ces activités sont mentionnées de manière nouvelle par le décret statutaire : tutorat des étudiants (déjà mentionné par l’art L 952-3 du Code de l’éducation), contribution à leur insertion professionnelle (résultant également de l’article 2 du projet qui vise le concours apporté aux missions de service public de l’enseignement supérieur). A cet égard sans doute serait-il bienvenu de demander que les missions des enseignants-chercheurs puissent être distinguées des missions assumées par le service public de l’enseignement supérieur. On ajoutera que la mention de l’utilisation, « le cas échéant, des technologies de l’information et de la communication » est susceptible d’avoir des implications non négligeables (cours en ligne, conseils donnés aux étudiants par courriels), dans la mesure où une telle utilisation ne serait pas cantonnée aux enseignements à distance, l’expression « le cas échéant » pouvant donner lieu à des interprétations diverses.

L’article 5 fait référence aux dispositions légales en la matière. Il dispose que « les fonctions des enseignants chercheurs s’exercent dans les domaines énumérés aux articles L 123-3 et L952-3 du Code de l’éducation ainsi que de l’article L 112-1 du Code de la recherche ».

Dans la première version du projet de décret le temps de travail de référence était abordé en deux temps. D’abord pour introduire la notion de modulation envisagée sur la totalité du travail de référence dans la fonction publique. Puis pour déterminer le temps de travail de référence pour les enseignants chercheurs, entre une moitié consistant en un enseignement d’une durée de référence de 128 heures (à laquelle s’ajoutait la mention de certaines tâches) et une moitié consistant en une activité de recherche soutenue et reconnue comme telle. De manière incontestablement cohérente, le premier projet de décret précisait, s’agissant des services d’enseignement : « Ces activités s’accompagnent des heures consacrées à la préparation et au contrôle des connaissances afférentes, aux tâches d’intérêt collectif correspondant à la mission d’enseignement ainsi qu’aux actions de formation à distance, du tutorat et de suivi de stages… ».

Le projet de décret actuel maintient de façon plus discrète une référence au temps de travail de la fonction publique et dispose seulement : «  ces services d’enseignements s’accompagnent de la préparation et du contrôle des connaissances ». Où sont donc passées les tâches diverses ?

Si le terme de « préparation »possède une capacité d’extension (dans la mesure où il ne vise pas expressément la seule préparation des cours), on peut relever que les tâches d’intérêt collectif, (ainsi que le tutorat), ne sont plus mentionnés comme étant associés aux 128 heures, temps de travail de référence du service d’enseignement.

Cette constatation pourrait avoir son utilité dans la mesure où l’on voudrait nous imposer l’accomplissement de tâches supplémentaires, en sus de notre service d’enseignement .

Cependant, le problème réside dans la possibilité d’une modulation, accroissant le temps de travail au-delà de la durée de référence.

Une telle modulation peut porter non seulement sur les enseignements mais encore sur l’ensemble des activités des enseignants chercheurs.

Ceci résulte de l’article 7 (remplaçant l’article 7 du décret de 1984). La référence aux articles L. 123 -3 et L 952 -3 du Code de l’éducation, opérée par l’art 7 en ce qui concerne les principes généraux de répartition des services entre les différentes fonctions des enseignants -chercheurs et les décisions individuelles d’attribution de service, a en effet pour objectif de préciser que la modulation est susceptible de porter sur l’ensemble des champs d’activités des enseignants chercheurs.

Il en résulte une capacité indéfinie d’extension des charges de travail au détriment de l’enseignement et de la recherche, au-delà du temps du travail de référence.

Par ailleurs, celui-ci, qui est déterminé par un partage moitié enseignement moitié recherche, peut-il être lui-même considéré comme satisfaisant ?

2° enseignant-chercheur : moitié enseignant, moitié chercheur ?

Un collègue a relevé de manière pertinente que les termes d’enseignant- chercheur avaient été substitués en 1984 à celui d’universitaire. Universitaire : un terme unique qui manifeste le caractère indissociable de l’activité d’enseignement et de l’activité de recherche. Renouveler ses connaissances, prendre le temps de la réflexion, de la distance critique, formuler des hypothèses, proposer une interprétation …etc., est-ce de l’enseignement ou de la recherche ?

Le partage de notre temps de travail de référence en deux parties égales (moitié enseignement moitié recherche), parfois avancé comme une évidence, est fictif à plusieurs titres, quoiqu’il soit très efficace pour augmenter nos obligations et nous rendre ainsi éventuellement défaillants.

Ce partage est tout d’abord fictif en raison des taches administratives, qui peuvent parfois déjà, à l’heure actuelle, être difficilement repoussées, parce qu’elles apparaissent comme des corollaires d’une activité pédagogique ou de recherche, ou qu’elles sont susceptibles d’accompagner un projet intellectuel. Le temps n’ayant pas la propriété d’être indéfiniment extensible, la mise en œuvre d’une modulation à la hausse aura nécessairement pour conséquence de réduire le temps consacré à la recherche, ou à la préparation des cours.

Ce partage est également fictif parce qu’il ignore le temps de formation continue et le temps de réflexion que nécessitent aussi bien l’enseignement que la recherche. Nous ne pouvons être des enseignants et des chercheurs que parce que nous pouvons consacrer un certain temps à la culture (selon nos disciplines culture juridique, historique, philosophique…etc et pour tous culture tout court). Ce temps n’est pas seulement celui consacré directement à la préparation des cours, ni précisément à telle ou telle recherche particulière. C’est un temps pour découvrir, approfondir, établir des relations entre des idées, bref un temps pour penser.

Enfin, ce partage du temps de travail est fictif parce qu’il fait fi de la réalité de l’enseignement universitaire : si certains dispensent leurs enseignements dans une seule spécialité avec ses satellites, d’autres ont dû déployer, en fonction des nécessités du service, leurs activités dans un champ beaucoup plus vaste et tenter ainsi la difficile gageure de réunir plusieurs spécialités, en sus de celle acquise par leurs années d’études et de thèse.

Il semble ainsi tout à fait abusif de poser que notre temps de travail est constitué pour moitié par une «  activité de recherche reconnue comme telle par une évaluation… ».

Ce partage illusoire du temps de travail a été curieusement peu contesté en lui-même, alors qu’il fournit la base de notre évaluation à venir. C’est parce que notre temps de recherche serait ainsi quantifié que nous devrions fournir officiellement une production équivalente à la moitié de notre temps de travail. Cette approche quantitative postule que l’évaluation de notre recherche soit destinée à inclure des critères quantitatifs et non seulement qualitatifs. Lesquels ? Aucun de ces critères n’est explicité par le texte (il en est fait mention seulement dans le projet de décret relatif au CNU, à l’article 2 : « … Pour chaque section, les critères, les modalités d’appréciation des candidatures, d’évaluation des enseignants- chercheurs et de formulation des avis sur leurs activités sont publics ainsi que le rapport annuel rendant compte de chacune de ces activités ».

Nous risquons ainsi d’être considérés comme défaillants sur le fondement d’un partage du temps fallacieux ; c’est la raison pour laquelle il est nécessaire que le service de référence soit déterminé uniquement, comme dans le décret de 1984, par un temps de service d’enseignement.

Il est sans doute difficile, dans le contexte actuel, de réclamer le temps de la réflexion. Mais ne pas le réclamer ouvertement conduit à accepter la condition future de l’enseignant-chercheur, car le partage en deux parties égales du temps de travail de référence, malgré son inexactitude, sert de justification à la nécessité de la modulation.


II Quelle est la condition de l’enseignant-chercheur ?


1° l’enseignant-chercheur est soumis à une évaluation

L’évaluation supplémentaire instaurée par le projet de décret (qui s’ajoute aux procédures déjà existantes) s’étend à toutes les activités des enseignants-chercheurs (cf. article 6 du nouveau projet de décret). Comme celles-ci, on l’a vu, sont extrêmement nombreuses, l’enseignant-chercheur devient un des professionnels les plus contrôlés qui soient.

Nul doute que ce contrôle tout azimut soit propice à l’indépendance et à la sérénité indispensables à la réflexion et à la création intellectuelle, chères à notre Code de l’éducation. Croit-on ainsi qu’il puisse favoriser la prise de risque intellectuelle, ou l’approfondissement d’une réflexion ? D’autant que ce contrôle est en lui-même générateur d’une charge de travail autonome, qui viendra encore s’imputer sur le temps de travail effectif consacré à l’enseignement et la recherche.

Aux termes de l’article 6, « Chaque enseignant -chercheur établi, au moins tous les quatre ans, a rapport mentionnant l’ensemble de ces activités et leurs évolutions éventuelles remises au président directeur de l’établissement qui en assure la transmission au conseil national des universités... L’avis émis par le conseil d’administration en formation restreinte sur les activités pédagogiques et les taches d’intérêt général figurant dans le rapport d’activité de l’intéressé est jointe à cette transmission est communiqué à l’intéressé ». Un seul rapport, dira-t-on, tous les quatre ans (au moins), ne conduit pas à une charge de travail bien importante. Mais il faudra bien que le conseil d’administration puisse donner un avis pertinent sur l’accomplissement des tâches de toutes sortes, sans s’en tenir au rapport de l’intéressé. Si l’on prend l’exemple très simple de l’encadrement des tuteurs, activité indemnisée ou non indemnisée selon les cas, effectuée en supplément des activités d’enseignement et de recherche, on peut constater les capacités d’extension bureaucratique d’une activité censée être quantitativement faible au regard de l’ensemble des tâches . Gageons que l’existence d’une évaluation sera de nature à développer l’inflation bureaucratique. Le responsable aura intérêt à passer une partie de son temps à se ménager la preuve du travail effectué, à exiger lui aussi des rapports de la part des tuteurs…etc, …ou bien à délaisser, s’il le peut, une tâche de cette nature. On voit ici que l’idéologie du contrôle, avec la préoccupation constante du sauve-qui-peut individuel qui en résulte, au détriment du travail réellement effectué, est susceptible de produire l’effet inverse de celui recherché.

L’évaluation a une double portée. Elle est prise en considération par les établissements lors de la définition de leur politique en matière indemnitaire et de promotion. Mais elle sert également à la mise en œuvre de la modulation, et permet ainsi en retour de justifier une sanction résidant dans un accroissement des charges de services. Rappelons en effet que « le président ou le directeur de l’établissement arrête les décisions individuelles d’attribution des services des enseignants chercheurs dans l’intérêt du service après avis motivé, du directeur de la composante directeur de l’unité de recherche de rattachement, après consultation du conseil de la composante, réuni en formation restreinte aux enseignants. Ces décisions prennent en considération l’ensemble des activités mentionnées au premier alinéa du II et de leur évaluation par le conseil national des universités.

Cependant, si l’idée de sanction est ainsi réintroduite, l’observation vaut uniquement dans un sens : une bonne évaluation ne fait pas en elle-même barrage à une modulation, la mauvaise évaluation n’étant pas une condition de la modulation. C’est sans doute ce que le ministère appelle un statut «  équilibré ».

2°) l’enseignant-chercheur peut être soumis à une pression aux fins de modulation

La modulation du service d’un enseignant-chercheur peut avoir lieu à la hausse comme à la baisse ; elle peut concerner les activités d’enseignement comme les diverses tâches relevant des diverses fonctions des enseignants chercheurs.

La protection conférée par le texte consiste en l’exigence d’un accord écrit, mais le caractère très fragile de cette garantie a été de nombreuses fois relevé.

La modulation à la hausse favorise la possibilité de multiples pressions, peu compatibles avec l’indépendance et la sérénité que le Code de l’éducation déclare nécessaires à la réflexion et à la création intellectuelle.

La modulation individuelle des services s’inscrit dans un cadre général déterminé par la loi LRU, le système d’allocation des moyens SYMPA, et l’article 7 III du projet de décret qui dispose : «  les principes généraux de répartition des obligations de service et les décisions individuelles d’attribution de service ne peuvent avoir pour effet de compromettre la réalisation des engagements de formation prévue dans le cadre du contrat pluriannuel entre l’établissement et l’État ».
La modulation favorise donc également la concurrence et les tensions entre collègues. Les décharges de service légitimement obtenues par les uns pour certaines tâches administratives devront être compensées par une augmentation des heures d’enseignements pour d’autres.

Par ailleurs, quelles seront à terme, dans ce cadre contraint, et dans un contexte de restrictions budgétaires, les conséquences d’un désaccord lorsqu’il aura été demandé à l’enseignant-chercheur d’accepter, dans l’intérêt du service, certaines tâches, administratives ou d’enseignement et qu’il les aura refusées ? Et quelles seront à terme les conséquences d’une évaluation insuffisante en matière de recherche ?

Reste la question de la rémunération de ce travail supplémentaire. L’enseignant-chercheur peut-il être amené -ce qui postule l’existence d’une pression- à accepter un travail gratuit, sans aucune contrepartie, susceptible de rendre de surcroît encore plus difficile l’accomplissement de son travail de recherche , l’enfermant ainsi dans une « punition » dont il ne verrait pas concrètement qu’il puisse y être mis un terme ?

Lors du CTPU du 24 mars 2009, le ministère a introduit un amendement au texte : " Lorsqu’ils accomplissent des enseignements complémentaires au delà de 128 heures de cours ou de 192 heures de travaux dirigés....., les enseignants-chercheurs perçoivent une rémunération complémentaire dans les conditions prévues par le décret 83-1175 du 23 décembre 1983".

Il aurait été plus clair d’énoncer : lorsqu’ils accomplissent des heures d’enseignement au-delà de 128 heures de cours...les enseignants-chercheurs perçoivent une rémunération complémentaire...etc.).

Les enseignements sont-ils susceptibles d’être considérés comme complémentaires, dès lors que le temps de travail de référence est dépassé, toute modulation à la hausse des enseignements s’accompagnant alors d’une rémunération complémentaire, ou bien sont-ils complémentaires seulement en l’absence d’une modulation ou lorsqu’ils sont effectués au-delà du service modulé ?

La première interprétation paraît la plus directe, en raison de la référence au seuil des 128 heures et du contexte immédiat du terme utilisé. Le terme "complémentaires", qui fait problème, est en effet inséré dans un paragraphe qui vise à déterminer le temps de travail de référence (Article 7 I).

Cependant il existe une ambiguïté en raison de l’insertion même du terme "complémentaires" ainsi que du maintien de la notion de modulation. Un enseignement est dit complémentaire par rapport à un service (c’est-à-dire qu’ « il n’y a pas d’heure complémentaire à l’intérieur même du service attribué ») ; or précisément le service peut être modulé au-delà du temps de travail de référence : " Le service d’un enseignant-chercheur peut être modulé pour comporter un nombre d’heures d’enseignement inférieur ou supérieur au nombre d’heures de référence mentionné au I".

Toutefois dans ses discours et communiqués la ministre se réfère au …service de référence pour déterminer le service au-delà duquel sont rémunérés les heures complémentaires (Voir à cet égard, sur le site du ministère, Rubrique Enseignants-chercheurs, le texte approuvé par le CTPU du 24 mars, Actualité du 23 mars (sic), indiquant que 5 précisions ont été apportées, dont la « mention du paiement des heures complémentaires au-delà du service de référence »).Or, comment le service de référence pourrait-il désigner un autre service que le service général et abstrait, distinct du service modulé, individualisé ? Le service de référence est un élément commun, nécessairement déterminé par une norme générale indépendamment des décisions individuelles d’attribution de services, et à partir duquel le service de tel enseignant-chercheur est susceptible de varier.

Il est vrai que le texte lui-même ne fait pas mention du service de référence mais seulement du temps de travail de référence. Cependant la détermination des services d’enseignement par rapport à une durée annuelle de référence, n’implique-t-elle pas l’existence d’un service d’enseignement de référence ? Le service de référence peut cependant être considéré comme incluant à la fois le service d’enseignement de référence et la recherche reconnue comme telle. Il serait assurément plus clair de préciser : « service d’enseignement de référence ».

Il convient donc d’exiger un texte dépourvu d’ambiguïté, seul propre à assurer une sécurité, sans se satisfaire aucunement des déclarations ministérielles.

En revanche pour ce qui concerne la rémunération des tâches administratives (destinées, selon la ministre, à faire ,dans le cadre d’un référentiel national, l’objet d’équivalents horaires pour l’instant non précisés) la situation est très claire. Celles-ci ne sont pas comprises dans la rémunération des "enseignements complémentaires" et leur prise en compte dépend de la décision des instances locales. Elles peuvent ainsi soit donner lieu à une décharge de service, soit à une prime, soit à rien.

A cet égard le projet de décret statutaire pourrait être attaqué au regard du principe d’égalité.

Comment en effet pourrait-on soutenir que le principe d’égalité des fonctionnaires d’un même corps n’est pas en cause, alors que des tâches parfaitement identiques et faisant l’objet d’un référentiel national sont susceptibles d’être ou non prises en considération, au gré des décisions locales ?

Certes on pourrait objecter que les tâches administratives sont déjà à l’heure actuelle, prises en considération de manière très variable selon les universités. Mais la situation est complètement nouvelle, dans la mesure où un encadrement national est posé, et dans la mesure où l’objet de la modulation d’un service individuel peut porter sur de telles tâches.

En conclusion, continuons ! Parce que nous ne sommes pas hommes et femmes à être ainsi menés, parce que nous voulons garder le plaisir d’enseigner et de penser librement, et que telle est notre mission.


Céline Ruet,
Maître de conférences université Paris 13