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La vraie leçon de Mathias Fink à Nicolas Sarkozy - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 7 avril 2009

mardi 7 avril 2009, par Laurence

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Cet après-midi, Nicolas Sarkozy a visité une entreprise de haute technologie Supersonic Imagine. Fondée sur la base des découvertes du physicien Matthias Fink, elle a développé des outils d’imagerie médicale dont les technologies rompent avec celles utilisées auparavant. Elle compte aujourd’hui près de 100 personnes, alors que sa naissance ne remonte qu’à 2005.

Le chef de l’Etat a choisi cette société et son inspirateur pour se positionner en homme politique dont l’action permettrait de booster la liaison entre la recherche et les entreprises, le monde économique. Il est vrai que la droite prétend jouer ce rôle, accusant la gauche... et surtout ces universitaires et ces scientifiques des organismes de recherche de contrarier cette liaison, indispensable à une économie dynamique. Assez drôle si l’on se rappelle que c’est la loi sur l’innovation de Claude Allègre en 1999, favorisant les liens entre universitaires et entreprises, en particulier pour la création de start up fondés sur des découvertes de la recherche publique qui constitue le support juridique de l’aventure de Mathias Fink avec Supersonic Imagine.

L’ennui, surtout, c’est que cette posture est une imposture. Il suffit, pour s’en convaincre, de se reporter au texte de ... Mathias Fink, publié dans la Lettre du Collège de France qui vient de paraître. Si Mathias Fink y écrit l’éditorial, c’est qu’il est le premier titulaire de la chaire d’Innovation technologique, récemment créée... et financée par Liliane Bettencourt, la richissime actionnaire de l’Oréal. Or, que dit Mathias Fink dans ce texte sur les freins à l’innovation technologique, réels, dans notre pays ?

« Les grandes écoles forment nos élites et les dirigeants de nos grandes entreprises mais, à quelques exceptions près, elles ne développent pas de véritables programmes de recherche et elles ne délivrent que très peu de thèses. Ce sont les universités qui sont principalement en charge de la recherche, de la formation par la recherche et des thèses. Leur paupérisation, le manque de souplesse de leur gestion et la médiocrité des salaires fragilisent cette mission. (...) Les grandes écoles forment des ingénieurs de très bonne qualité mais dont le cursus est très éloigné de la recherche. Très peu d’élèves ingénieurs font des thèses et, bien souvent, une thèse se révèle être une moins value pour une embauche dans une grande entreprise. Les patrons des grandes entreprises sont bien évidemment recrutés au sein de ces grandes écoles et l’absence d’une formation par la recherche dans leur cursus se ressent dans leur comportement. »

Cet extrait du texte de Mathias Fink - dont je vous recommande la lecture - pointe le problème majeur de notre système et... le refus du gouvernement actuel d’y porter remède.

Valérie Pécresse, à cette accusation, va se récrier que, justement, elle s’en occupe. Qu’elle veut, par le contrat doctoral unique, revaloriser la thèse et en faire une expérience professionnelle, qu’elle parle sans arrêt de ce lien entre recherche et entreprise... Certes, mais tout cela, disons le tout net, c’est du flan.

Si le gouvernement de Nicolas Sarkozy voulait vraiment booster l’innovation technologique, il commencerait par intégrer les écoles d’ingénieurs aux Universités. Il ne le fait que timidement, accompagne les volontaires, mais hors de question pour lui d’obliger les plus importantes d’entre elles et la plupart des INSA de le faire sans tarder.

Puis, il mettrait en place un véritable programme pour faire passer à une portion importante de ces ingénieurs des thèses leur permettant de se lier à la recherche, sinon, l’intégration aux universités resterait sans effet. Cela suppose de ne pas regarder de travers tel directeur de labo de l’Ecole Polytechnique qui ose suggérer que les X-mines X-Pont et autres membres de l’élite dirigeante future se voient contraints de passer une thèse pour intégrer leur école d’application.

Et surtout, cela exige de créer... 5000 allocations de thèse (de CDD demain avec le contrat doctoral) réservés aux élèves ingénieurs. Un chiffre trop élevé ? Non, juste de quoi rejoindre le Royaume-Uni quant au nombre de thèses passées par an (15 000 contre 10 000 en France). Et encore, nous serons toujours loin de l’Allemagne où l’on passe 25 000 thèses par an, notamment parce que les ingénieurs le font. Or, Valérie Pécresse refuse absolument une telle politique, ambitieuse.

Mathias Fink évoque également la difficulté à financer le développement des start up de haute technologie. Le gouvernement de Nicolas Sarkozy prétend répondre à cette question par la seule fiscalité, avec le crédit d’impôt recherche. "Le meilleur au monde", s’est vanté le Président dans son fameux discours du 22 janvier. L’ennui, c’est que cette politique n’est absolument pas ciblée au plan industriel, qu’elle stérilise des crédits importants dont la recherche publique à besoin et que son augmentation considérable semble bénéficier surtout aux grands groupes, avec des effets d’aubaines qui augurent mal de son efficacité sur l’effort de recherche réel.
La mobilisation volontariste d’un service public du crédit destiné à soutenir l’innovation technologique serait bien plus efficace. Mais qu’attendre de responsables politiques qui ont préféré applaudir les banquiers lorsqu’ils se sont vautrés dans l’argent facile des subprimes, des crédits à la consommation et de la spéculation hasardeuse sur l’immobilier... avant de faire semblant de les gronder lorsque tout ce château de cartes s’est effondré ?