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Universités : à Aix-Marseille I, « pour se rendre en cours, il faut s’armer de courage » - Jade Lindgaard, "Médiapart", 18 février 2009

dimanche 22 février 2009, par Laurence

A quoi ressemblent la vie et l’étude à l’université ? Parfois, à des façades de bâtiment enveloppées de filets pour éviter que des pierres ne s’éboulent, à des fils électriques qui pendent dans le vide, des salles de cours taguées, des radiateurs incrustés de rouille, des faux plafonds troués et des couloirs sans lumière.

Alors que le mouvement de contestation dans les universités s’est étendu aux étudiants, qui élargissent du coup sa palette de revendications à la question des conditions d’étude dans les facs, Mediapart a reçu un document qui témoigne de l’état de misère dans lequel vivent certaines universités françaises. Ce diaporama a été conçu par des étudiants de l’université de Provence (Aix-Marseille I). Il montre le bâtiment principal du campus Schuman dévolu aux lettres et sciences humaines.

Un peu plus de 15.000 étudiants (sur un total de 23.000 inscrits à l’université de Provence) suivent leurs enseignements dans ce bâtiment construit à partir de 1964 et terminé en 1967. « C’est vrai que c’est un bâtiment dégradé, reconnaît Chantal Rouillé, directrice de cabinet du président de l’université, Jean-Paul Caverni, l’année dernière des plaques sont tombées de la façade. » « Il y a un problème avec le béton qui a été utilisé pour la construction du bâtiment, précise Virginie Haefflinger, responsable de la communication de l’établissement, la façade a été décroûtée pour en ôter les pierres qui tombaient. Des filets de retenue ont été posés. La façade est affreuse mais sécurisée. » Quant aux fils électriques laissés à l’air libre : « Nous sommes en contentieux avec la société qui devait gérer le plateau électrique. Ça paraît hallucinant mais nous sommes bloqués », ajoute la directrice de la communication.

Le contrat de plan Etat-région (Cper) 2007-2013 prévoit des crédits de sécurisation et de rénovation de la façade du bâtiment du campus Schuman, ainsi que la construction d’un nouveau bâtiment pour héberger les bureaux de l’administration. Et la fac d’Aix-Marseille I va bénéficier du plan Campus (pour un montant qui n’a pas encore été précisé par le ministère).

« Ça met en colère d’étudier dans de telles conditions »

Les photos du diaporama des étudiants de l’université de Provence ont été prises début février, précise un enseignant-chercheur qui a coordonné le reportage : « Elles sont toutes authentiques. Il manque du faux plafond dans un couloir sur deux, l’escalier sombre qui conduit aux toilettes se trouve dans la zone des arts plastiques, la table de ping-pong fait face à la cantine des étudiants. » Mais il y a aussi les dégradations invisibles : « Les réunions dans les salles à 15° car le chauffage ne monte pas jusqu’au 6e étage ; la fuite d’eau à proximité des fils électriques. » Selon ce maître de conférences présent sur le campus depuis trois ans, « pour en arriver là, c’est un parcours hyper sélectif, hyper dur. On est à bac +8... Ce n’est pas un environnement très valorisant ».

Emilie, étudiante en deuxième année de psychologie, confie que « certaines photos m’ont impressionné car on est habitué à voir ça, on ne s’en rend plus compte. Les fils électriques, le rideau déchiré, la salle de cours taguée, je les vois souvent. Quand on rentre dans l’amphi, les murs sont tachés, c’est pas terrible. Les profs se résignent souvent à parler sans micro à cause des problèmes techniques. Dans les toilettes, il y a rarement du papier. Et parfois, on ne sait pas très bien si on marche dans la pisse ou dans de l’eau qui a coulé par terre ».

Pour Fabienne, étudiante salariée : « C’est terrible, ça met en colère d’étudier dans de telles conditions. » Elle se souvient d’une visite sur un campus suédois avec « des tapis partout, une cafétéria géniale, des salles de cours accueillantes... » « J’avais l’impression d’être dans un autre monde », dit-elle.

Une partie des enseignants-chercheurs de l’université de Provence sont en grève depuis début janvier.