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"Puissante manifestation à Paris des universitaires, chercheurs et étudiants", par Sylvestre Huet, journaliste à "Libération", sur son blog Sciences2 (5 février 2009)

jeudi 5 février 2009, par Elie

Pour lire cet article sur le site de Sciences2.

A 15 000, même de débonnaires universitaires peuvent déborder un barrage de CRS s’il est trop faible. C’est ce qui s’est passé sous mes yeux, devant le Panthéon vers 16H.

La manifestation parisienne (photo Reuters/Charles Platiau), plus importante que prévu par les organisateurs et la préfecture de police, aurait dû se terminer à deux pas du ministère de Valérie Pécresse. Enhardis par leur nombre, les manifestants ont continué, dans un désordre joyeux.

Après avoir enfoncé le barrage policier, ils ont longé la Sorbonne, se sont répandus sur le boul’mich puis sur le boulevard Saint Germain, coupant la circulation, tandis que les CRS couraient dans tous les sens sous les ordres contradictoire de leurs supérieurs... Amusant. Du moins pour les participants, tout heureux de ce bon tour joué à la maréchaussée, et de pouvoir ainsi montrer leur détermination et leur colère. Sur le trottoir, deux universitaires un tantinet rigolards se séparent en se félicitant de "ce galop d’essai pour la manifestation de mardi prochain". Il est temps de retourner au journal pour bloguer et écrire le papier de demain.

Ces deux sentiments - colère et détermination - ressortent en effet de ce long cortège parti de Jussieu. La tête est vigoureusement occupée par les étudiants de Paris-3 et Paris-7. On y relève des banderoles de nombreuses universités (Paris-1, 3, 4, 5, 6, 7, 11, 12, 13, Marne La Vallée, Versailles Saint Quentin), et institutions scientifiques (Muséum national d’histoire naturelle, Inalco, EHESS, ENS..), plusieurs centaines d’enseignants et d’étudiants des IUFM (Instituts universitaires de formations des maîtres) formant un groupe serré en fin de cortège. Il est au deux tiers constitué d’universitaires et de chercheurs (Cnrs surtout) dont la tenue vestimentaire et le comportement signale le peu d’habitude de battre le pavé. "C’est la deuxième fois de ma carrière que je fais grève", me souffle un professeur plus près de la retraite que du concours de recrutement. Les étudiants sont aussi en nombre pour les universités d’Orsay, Paris3, Paris 6, 7et 12 essentiellement.

Les revendications des manifestants sont clairement exprimées par écrit et par oral : retrait du décret sur les statuts des universitaires, retrait de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants, annulation des suppressions d’emplois dans la recherche et l’enseignement supérieur. Mais pancartes, slogans et banderoles montrent une contestation plus large, plus politique parfois. "Moins de traders, plus de chercheurs", dit celle-ci. "Ici bat le coeur de ceux qui veulent penser et dire". "La réflexion, le discernement, le raisonnement et non l’obéissance font la qualité de notre métier", affirment les étudiants et enseignants de l’IUFM de Paris. D’autres sont plus directs : "Pécresse démission !".

Bruno Jetin, maitre de conférence en économie à Paris-13 résume les raisons de
sa présence à la manifestation : "je suis en grève jusqu’à ce que le ministère nous donne satisfaction. Ce que Valérie Pécresse nous propose, c’est une perte de temps de recherche et d’indépendance intellectuelle, la perspective de formation au rabais des enseignants. Je ne crois absolument pas au discours de la ministre lorsqu’elle prétend que cette réforme est pour notre bien. La ministre se trompe lourdement sur la force et la détermination de notre mouvement. Son projet met en cause les raisons les plus profondes pour lesquelles nous avons choisi ce métier".

Je croise Jean-Louis Fournel, porte parole de SLU - Sauvons l’Université - qui me déclare : "plus le gouvernemnet attendra poru reculer et plus le prix politique à payer sera élevé pour lui. La grève s’étend et se renforce, les A-G du personnel enseignant sont très fournies, les étudiants commencent à bouger... je suis certains que la journée du 10 sera très forte."

Suit Jean Fabbri, le secrétaire général du Snesup : "la mobilisation est remarquable. A Paris comme en province. Les votes de plus en plus nombreux des conseils d’Universités contre les réformes de Valérie Pécresse comme la participation massive aux A-G et aux grèves montrent que le refus est majoritaire ches les universitaires. Il faudra bien que le gouvernement en tienne compte. La ministre est en train de perdre ses soutiens. Les Présidents d’Universités qui voulaient accompagner cette réforme sont lâchés par leurs élus. Je ne vois pas d’autre issue à cette crise majeure que dans un recul du gouvernement".

Gaël Sattonay, maître de conférence en chimie à Orsay (Paris-11) : "nous voulons le retrait de la réforme de nos statuts, l’arrêt du démantèlement du Cnrs et des moyens pour nos universités. Personne n’est dupe des promesses de Valérie Pécresse, nous avons compris que la modulation des services, c’est plus d’heures de cours pour la majorité d’entre nous".

Des étudiantes en licence scientifique générale d’Orsay, visant l’IUFM, me font part de leur crainte d’une formation baclée avec la "mastérisation", l’abandon de l’année de stage.