Accueil > Revue de presse > « Nos retraites à 62 ans ? Pourquoi pas à 69 tant qu’à se faire baiser ? », (...)

« Nos retraites à 62 ans ? Pourquoi pas à 69 tant qu’à se faire baiser ? », Libération, 12 octobre 2010

mardi 12 octobre 2010

Pour lire cette brève sur le site de Libération

Ils sont bien là ce mardi, présents aux quatre coins du cortège parisien, motivés plus que jamais pour s’opposer à la réforme des retraites, et rappeler au gouvernement que « oui, les retraites, c’est une affaire de jeunes. »

Il a cette affiche collée dans le dos qui interpelle : « Né en 1987, en grève pour ne pas rester au travail jusqu’à ce que mort s’en suive ». A 22 ans, il cumule : « Je suis jeune et cheminot. Et quoiqu’en dise le gouvernement, la réforme, je suis concerné par tous les bouts ».

Le regard dans le vague, il raconte : « La SNCF n’a pas déclaré mes quatre années d’apprentissage à la caisse de retraite, ça ne compte pas dans le calcul de mes annuités alors que j’ai commencé à travailler à 16 ans... Et puis, y a bien plus que le problème des retraites, y a tout le reste. Je me suis pété le dos en portant des ressorts de wagon, je sais très bien que je ne tiendrai pas longtemps, j’ai déjà mal et je galère pour le faire reconnaître comme maladie professionnelle. » Inarrêtable, il ajoute « pour que ce soit bien clair » : « Oui, j’ai 22 ans et oui je suis déjà désabusé par le travail. Et non, je ne suis pas syndiqué. »

« Dès qu’on fait quelque chose, on nous dit qu’on est violents »

Sa veste en cuir noire est recouverte d’autocollants : les désormais incontournables « je lutte des classes » et « rêve générale », à côté de ceux aux couleurs de la Fidl (deuxième syndicat lycéens). Maurane a quinze ans, en seconde depuis deux mois et n’a « pas du tout parlé de la réforme avec les profs ». C’est plutôt à la maison qu’elle en discute avec sa mère. « Elle trouve très bien que je manifeste, elle dit que c’est une bonne cause. »

Plus que le fait de travailler plus longtemps, cette jolie brindille s’inquiète du montant des pensions. « C’est le pire, si on travaille tout ce temps et qu’on n’a rien à la sortie ». Quant aux propos de Luc Chatel sur les jeunes qui n’ont rien à faire dans les rues, elle réplique d’un haussement d’épaule : « De toute manière, dès qu’on fait quelque chose, on nous dit qu’on est violents et dangereux. On a l’habitude. Juste, les jeunes c’est la vie. » Fin de la conversion. Elle entonne un « R.É.S.I.S.T.A.N.C.E ».

Au dessus des têtes, les slogans fleurissent comme des champignons. Du « Métro, boulot, caveau » par-ci, « Sarko, ta retraite on va s’en occuper », par-là. Plus poétique : « Nos retraites à 62 ans ? Pourquoi pas à 69 tant qu’à se faire baiser... » Ou encore « les vieux au bistrot, les jeunes au boulot ».

Son carton-cercueil à bout de bras, Romain, 17 ans, s’est fait « recruter » par ses potes ce matin devant son lycée de Vitry-sur-Seine. Excités comme des puces, ils sont une bonne bande à crier à tue-tête boulevard Montparnasse. Sur le fond, ils trouvent que « 60 ans pour la retraite, c’est déjà pas mal. Plus, c’est vraiment trop. » « On est venu avec nos profs, demain on a droit à une heure d’AG dans le lycée pour discuter de la réforme et voir si on poursuit la grève », explique Julian, visiblement « à fond dans le mouvement ».

Un peu plus loin, on croise Clément, en prépa Normale sup à Cachan. Lui aussi est à bloc contre ce gouvernement qui ose dire que les jeunes ne sont pas concernés par le débat sur les retraites. « Tout le monde sait que la loi sur les retraites est à la base de nos droits sociaux, ça été le socle de notre République. Rien que pour ça il fallait être là aujourd’hui. »