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Le crédit impôt recherche : un incontestable effet d’aubaine pour les groupes - Yves Mamou, Le Monde, 30 juin 2010

mercredi 30 juin 2010

Le crédit impôt recherche (CIR) se réduit-il à un effet d’aubaine pour les grandes entreprises ? Cette ristourne fiscale de 30 % sur les dépenses de recherche et développement (R&D), jusqu’à 100 millions d’euros, présentée comme le principal outil de remise à niveau de la compétitivité industrielle en France, a coûté 5,8 milliards d’euros en 2009. Et avait provoqué l’an dernier une vive polémique entre le Medef et la Cour des comptes.

Pour voir clair sur ce dispositif très coûteux pour les finances publiques en ces temps de rigueur, la commission des finances de l’Assemblée nationale avait mis en place une mission d’évaluation et de contrôle (MEC).

Le rapport, qui devait être rendu public mercredi 30 juin, établit deux évidences : la première est que le CIR réformé en 2008 "n’a pas permis le "bond en avant" du volume de dépenses de R&D attendu". La dépense nationale en R&D a atteint 2,07 % du PIB au lieu des 3 % recherchés. Malgré le CIR, la France n’investit pas autant dans la recherche que le Japon ou l’Allemagne. La seconde évidence est qu’en 2008 le CIR a représenté un incontestable effet d’aubaine pour les grandes sociétés. La " possibilité laissée aux groupes de calculer le CIR au niveau de chaque filiale" a permis à certains d’entre elles de contourner le plafond de 100 millions d’euros et "de multiplier par trois leurs créances vis-à-vis de l’Etat".

La MEC a ainsi calculé que vingt grandes entreprises avaient, en 2008, capté à elles seules 1,2 milliard d’euros, soit "28,5 % du CIR". Le rapport cite même le cas de sociétés ayant racheté des PME dans le seul but de "gonfler le montant du crédit d’impôt recherche".

Pire : les restitutions de CIR aux grandes entreprises venaient réduire le montant de l’impôt de la holding de tête, sans profiter aux filiales menant des programmes de recherche. Pour "améliorer l’efficacité de la dépense", la MEC souhaite déplacer le plafond de 100 millions d’euros de la filiale à la holding et d’obliger les grandes entreprises à restituer aux filiales dotées de R&D le bénéfice fiscal tiré du CIR.

Travail commun

La MEC propose aussi de maintenir le "remboursement accéléré" des dépenses de R&D, mis en place en 2008 pour atténuer les effets de la crise, mais de le réserver "aux seules PME non intégrées au plan fiscal à un grand groupe". Toujours pour limiter les "effets d’aubaine et les stratégies d’optimisation fiscale", la MEC veut aussi restreindre de 75 % à 33 % la masse salariale des chercheurs éligibles au CIR, ce qui économiserait, selon elle, 865 millions d’euros par an.

D’autres mesures sont également proposées pour faciliter la vie des entreprises. Le maquis des textes fiscaux consacrés aux dépenses éligibles au CIR pourrait être réduit si l’administration fiscale s’en tenait au "manuel de Frascati" publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et qui est à ce jour la seule référence méthodologique internationale pour les études statistiques des activités de R&D. Quant au contrôle, il sortirait grandi d’un travail commun entre les équipes du fisc et celles du ministère de la recherche.


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/economie/arti...