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Formation des enseignants : les mystères de la mastérisation (3) Lentement mais sûrement s’indigne l’enseignant - Luc Cédelle, Blog "Interro Ecrite", 9 mars 2010

jeudi 11 mars 2010

Après les parties I et II de ce long billet, voici le début de la partie III.

La réforme de la formation des enseignants (dite « mastérisation ») a soulevé jusqu’à présent - même si la situation pourrait rapidement évoluer à mesure que cette réforme s’approche du terrain - plus d’opposition à l’université qu’à l’éducation nationale, alors même que celle-ci est la première concernée. Les raisons en sont multiples. L’une des principales est la profonde division des syndicats d’enseignants sur les questions de la formation au métier. Cette division traverse la FSU, fédération majoritaire.

Le SNES-FSU, plus important syndicat du secondaire, milite depuis longtemps pour la hausse du niveau universitaire de recrutement des professeurs, base de départ pour une revalorisation conséquente. Cette organisation, même si certains de ses membres sont engagés dans des mouvements pédagogiques, entretient depuis environ une décennie des rapports distants avec ces derniers. Lesquels, fervents défenseurs de la « professionnalisation », sont par là-même très attachés à l’année de formation en alternance que supprime la réforme.

Rupture momentanée du front syndical

Le 28 mai 2009, lors de l’examen des projets de décrets sur la mastérisation par un Comité technique paritaire ministériel (CTPM), la FSU a momentanément rompu le front syndical : sur les textes relevant du champ de syndicalisation du SNES, elle s’est, comme le SNALC, abstenue alors que toutes les autres organisations votaient contre.

En elle-même, l’abstention de la FSU dans une instance paritaire consultative ne saurait lui attribuer la responsabilité du passage de la réforme. Mais cette attitude a beaucoup choqué les autres syndicats qui lui en veulent encore un an plus tard. Ils rappellent que cette rupture du front syndical a été précédée et suivie d’un durcissement de leurs interlocuteurs ministériels. Depuis, le SNES, dont de nombreux militants sont restés gênés de cet épisode, a cependant eu l’occasion d’exprimer de multiples désaccords envers les modalités de la réforme en cours et de « recoller » progressivement au camp des opposants.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le Snesup-FSU, syndicat disposant d’une majorité relative parmi les enseignants-chercheurs est resté sur une ligne d’opposition totale à cette réforme.

Le SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, est quant à lui très attaché à la dimension « métier », aux sciences de l’éducation et aux IUFM. Dans cette affaire, le SNES a une fois de plus côtoyé le SNALC (syndicat héritier de la droite enseignante, même s’il se veut désormais apolitique), tandis que son homologue du primaire penchait de l’autre côté, vers le bloc minoritaire formé par le SE-UNSA et le SGEN-CFDT, tous deux historiquement défenseurs des réformes pédagogiques et résolument favorables à la « professionnalisation ».

L’empilement des annonces

La division syndicale n’a pourtant pas été la cause directe du faible écho rencontré dans un premier temps par l’opposition à cette réforme. Cependant, elle reste à coup sûr un facteur de retardement des réactions, dans un milieu professionnel dont les membres, absorbés par leurs tâches quotidiennes, désabusés face à l’empilement des annonces politiques, réagissent lentement mais sûrement, attendant pour cela que de « vraies » mesures atteignent le niveau de leur établissement ou de leur école.

Une autre raison de la non-mobilisation de 2009 dans l’éducation nationale est la relative faiblesse du syndicalisme enseignant, toutes tendances confondues. Au moment où la réforme est annoncée en 2008, puis mise sur les rails, à l’été 2009, ce syndicalisme traverse une mauvaise passe dont il n’est d’ailleurs toujours pas sorti. Il est en échec sur tous les sujets, à commencer par la poursuite de la politique gouvernementale des suppressions de postes. Il est également confronté à l’inefficacité de ses formes d’action traditionnelles et à une sévère démoralisation de sa base.

Stratégies patientes

Le monde enseignant regarde alors en spectateur le mouvement universitaire, avec un mélange de sympathie admirative et de perplexité, notamment devant une grève sans conséquences sur la feuille de paye. Abstraction faite de tout jugement de valeur, cette particularité contribue à renforcer l’écart entre ces deux milieux sociaux.

En outre, la formation des enseignants, par définition, ne concerne de prime abord « que » les nouveaux arrivants et n’est donc pas un thème de mobilisation facile pour leurs syndicats. Habitués aux stratégies patientes, ces derniers gardent la capacité de faire monter des thèmes de protestation, mais tant que la réforme n’est pas mise en œuvre, ses présumés inconvénients restent théoriques. Or, son impact possible sur le terrain ne commence à se dessiner qu’au début du premier semestre 2010, alors que les rectorats sont censés mettre la dernière main aux préparatifs de la rentrée.

Et cet impact, même si, en dehors des officiels du ministère, chacun s’accorde à le prévoir très négatif, reste difficile à évaluer. Hormis la « faute » initiale consistant à réduire objectivement la formation professionnelle des enseignants au moment même où l’on proclame que les « résultats » de notre système éducatif doivent s’améliorer, les conséquences concrètes de la réforme font l’objet d’appréciations variables. Elles diffèrent selon les interlocuteurs (ministère, rectorats, syndicats…), selon le niveau d’enseignement (primaire ou secondaire), selon les académies concernées et selon l’évolution des décisions, qui n’est visiblement pas terminée.

Réalité probable

Lire la suite de la partie III ici, et la partie IV ici


Voir en ligne : Blog de L. Cédelle