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Réguler l’enseignement supérieur privé lucratif, une urgence. Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 4 novembre 2013

mardi 12 novembre 2013

Les établissements d’enseignement privé à but lucratif se multiplient et attirent toujours plus d’étudiants, notamment vers les métiers de la santé. Les effectifs des facultés(publiques) de santé ont progressé de 19 ,7% en sept ans entre 2004 et 2011. En outre, des fonds d’investissements n’hésitent pas à acheter des instituts de formations paramédicales, optique, prothésiste et ostéopathe.

Le déplorable précédent de l’enseignement de l’ostéopathie

Depuis que le métier et le diplôme d’ostéopathe ont été reconnus parla loi Kouchner de 2002, les instituts de formation privés, qui facturent de 7 000 à 8000 euros l’année, ont proliféré. La France en détient même le record du monde, avec 55 établissements en formation initiale, voire 74 en incluant les formations destinées aux professionnels de santé, médecins et kinés. Le gouvernement de l’époque, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a pris cinq ans après la promulgation de la loi pour préciser, par décret, le contenu minimal de la formation et les critères d’accréditation des établissements. Cette inertie est le résultat de l’ intense lobbying des médecins et des masseurs kinésithérapeutes, qui ont tout fait pour retarder l’émergence d’une nouvelle profession. Conclusion : outre le trop grand nombre d’écoles, qui compromet l’avenir professionnel même des étudiants, bien des cursus proposés sont de piètre qualité, comme l’a montré un rapport de l’Inspection Générale de l’Education Nationale et de l’Enseignement Supérieur, de 2010.

Un numérus clausus dépassé et inefficace

Le gouvernement actuel va-t-il commettre la même erreur ? Il semble peu présent et actif face à l’initiative de l’université privée portugaise Fernando Pessoa, qui a déjà ouvert deux antennes en France, à Toulon et Béziers, ou sont dispensées des formations de dentiste, d’orthophoniste et de kiné à des tarifs variant de 7 500 à 9 000 euros. La seule réponse des pouvoirs publics a été de porter plainte pour escroquerie. l’Instruction est en cours. Or, le centre de Toulon recrute sa deuxième promotion, celui de Béziers accueillent deopuis octobre 2013, 80 étudiants court-circuitant ouvertement le numérus clausus des dentistes, des orthophonistes et des kinés. Car le paradoxe est là : le numérus clausus limite drastiquement le nombre d’étudiants de ces filières publiques, décourageant des vocations mais ne bride nullement l’installation de nouveaux professionnels. Ainsi en 2012 27%de nouveaux médecins inscrits à l’ordre ont un diplôme étranger, c’est le cas de 23% des nouveaux dentistes notamment en provenance de Roumanie et d’Espagne. Autrement dit on élimine massivement des candidats aux études de santé par une sélection impitoyable, mais on ouvre grandement les portes aux diplômés de l’étranger. Il n’est pas étonnant que nombre de jeunes soient tentés de partir étudier ailleurs. Avec Fernando Pessoa c’est encore mieux les établissements étrangers viennent à eux.

Dans la loi relative à l’Enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013, Jean -Yves le Déaut, député Ps a fait adopter un amendement pour réglementer ce type d’établissement privé dispensant des formations aux métiers de la santé, les obligeant à passer une convention avec une université. Mais il manque un décret d’application qui tarde à venir. Pendant ce temps sur le terrain, les établissements fleurissent et consolident leurs positions .

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