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Carte scolaire : le bilan de l’assouplissement, Marie-Estelle Pech, Le Figaro, 3 février 2012

vendredi 3 février 2012

Sur le site du Figaro

Un rapport détaille l’effet des mesures prises en 2007. Il se fait surtout sentir dans les établissements d’éducation prioritaire, délaissés par certains élèves pour de meilleurs collèges.

C’était en 2007 une des promesses de campagne de Nicolas Sarkozy : la carte scolaire allait être abolie. Cette dernière a été maintenue mais des directives nationales fixent désormais beaucoup plus clairement qu’avant les modalités de dérogations. Elles sont attribuées prioritairement aux élèves handicapés, aux boursiers, à ceux qui suivent un enseignement particulier, ceux dont un frère est scolarisé dans l’établissement voulu, etc.

L’objectif du gouvernement était double, il s’agissait d’élargir la liberté de choix des familles et de renforcer la diversité sociale dans chaque établissement. La nouveauté principale, selon un copieux rapport de l’École d’économie de Paris et de la Cepremap (centre pour la recherche économique et ses applications) sur le sujet, datant d’octobre 2011, a résidé « dans l’introduction d’un critère boursier qui vise à favoriser la mixité sociale ».

Les parents ont bien entendu le message. Le nombre de demandes de dérogations est en augmentation depuis 2007. Elles ont presque doublé à Paris. Au total, 8% des collégiens et des lycéens ont bénéficié d’une dérogation en 2009 contre 4% en 2006. Les boursiers sont en revanche très peu nombreux à s’être saisis de la possibilité qui leur est désormais offerte. Les demandes émanant de leur part ne représentent que 7 à 8% du total !

Pas de grand bouleversement

Cet assouplissement n’a « pas profondément bouleversé les grands équilibres de l’enseignement secondaire » car le nombre de demandes est « bien trop faible pour avoir des effets détectables sur l’échelle nationale ». Au niveau local, quelques effets sont néanmoins perceptibles, essentiellement dans l’éducation prioritaire : la réforme a contribué à amplifier l’érosion des effectifs d’une partie des collèges de l’éducation prioritaire, surtout ceux qui concentrent les populations les plus défavorisées.

Cette baisse des effectifs est estimée entre 5% et 9%. Et elle a en revanche permis de favoriser l’accès d’une partie de ces élèves à des établissements publics de meilleur niveau, surtout lorsqu’ils sont proches des ZEP. En clair, lorsqu’une famille souhaite changer son enfant d’établissement, elle ne vise pas forcément le supposé « meilleur » établissement de la ville, mais celui qui, censé être « un peu meilleur », reste à proximité du domicile familial.

L’assouplissement n’a pas vraiment permis d’ouvrir l’éventail de choix de la majorité des familles. Logique puisqu’est conservée l’affectation prioritaire des élèves dans leur établissement de secteur. Concrètement, les familles vivant près des établissements publics les plus cotés n’ayant aucun intérêt à demander une autre affectation, le nombre de places disponibles pour les élèves résidant hors secteur « reste fortement contraint ».

Une « fuite » vers le privé pas exclue

Le taux de demandes de dérogation varie de façon importante d’une académie à l’autre et il est plus élevé dans les parties les plus urbanisées du territoire, là où les possibilités de choix et entre établissements sont plus grandes. Paris est la ville qui présente le plus fort taux de demande en 2009, avec 36,1%. Viennent ensuite les inspections académiques des Hauts-de-Seine, du Rhône, des Bouches-du-Rhône et du Nord, avec des taux compris entre 15,7% et 18,2%. Dans l’Est ou le Centre, il oscille entre 4% et 8,6%. En réalité, hormis Paris, Lyon, Nantes et quelques grandes villes, il n’existe le plus souvent qu’un seul lycée par secteur…

Par ailleurs, l’augmentation du nombre de dérogations accordées a été « neutralisée au niveau global par le départ d’une partie des élèves vers le privé », affirme le rapport. Ainsi, on ne peut exclure que la réforme de 2007 ait entraîné une « fuite » vers le privé des catégories sociales favorisées inquiètes de voir baisser le niveau de leur collège public de secteur ou frustrées de ne pas avoir obtenu la dérogation souhaitée.