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Evaluation des enseignants : pourquoi ce n’est pas si simple, Entretien avec Fabrizio Butera, Éducpros, 30 novembre 2011

mercredi 30 novembre 2011

Propos recueillis par Sophie de Tarlé

Comment mieux évaluer les enseignants ? Le projet du gouvernement de modifier les modalités d’évaluation, en incluant notamment la progression des élèves, a soulevé la polémique. Fabrizio Butera, professeur de psychologie sociale à l’université de Lausanne, est coauteur de l’ouvrage L’évaluation, une menace ? (PUF, 20 €). Selon lui, l’application à l’éducation d’un système fondé sur la réussite personnelle et la compétition augmente la probabilité d’apparition de la triche.

Que pensez-vous d’un projet où l’avancement des enseignants se ferait en partie en fonction des progrès des élèves ?

Ce serait une catastrophe. Cela me rappelle une affaire que j’ai suivie cet été à Atlanta. Un système de triche massive de la part des enseignants a été découvert après deux ans de scepticisme face à des résultats soudain mirobolants. La fraude a concerné 44 écoles et impliqué 178 professeurs et principaux. Que s’est-il passé ? Les écoles publiques recevaient des gratifications en fonction des résultats des élèves. Ce qui a poussé les enseignants et la direction à modifier les résultats.
Cet exemple montre bien que l’évaluation, lorsqu’elle comporte une gratification économique, peut avoir des effets pervers. Dès qu’on évalue les enseignants sur les progrès de leurs élèves, les enseignants se mettent naturellement à être plus tolérants dans leurs corrections, ce qui donne une illusion de performance. Les moyennes passent de 9 à 10, puis de 10 à 11, etc. Et ils peuvent même, si une partie de leur salaire en dépend, être amenés à tricher, d’autant qu’ils ont en plus l’impression de faire plaisir.
Les études que nous avons menées avec Caroline Pulfrey établissent que l’application à l’éducation d’un système fondé sur la réussite personnelle et la compétition augmente la probabilité d’apparition de la triche. Appliqué aux enseignants, cela donnerait des élèves plus ignorants.

Que faire si un enseignant ne parvient à faire progresser ses élèves ?

Il n’y a pas de solution toute faite. Mais il faut dissocier l’analyse des progrès des élèves de l’évaluation de l’enseignant dont va dépendre son avancement. Si les résultats de ses élèves sont mauvais, il ne faut pas le menacer de baisser son salaire, mais au contraire soutenir l’enseignant, l’envoyer en formation pour qu’il revoit ses méthodes par exemple. Le plus important est de donner un retour régulier aux enseignants sur leur travail.

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