Accueil > Revue de presse > La portée contestataire des études postcoloniales, entretien avec Jacques (...)

La portée contestataire des études postcoloniales, entretien avec Jacques Pouchepadass par Jules Naudet, La Vie des Idées, 16/09/2011

lundi 19 septembre 2011

La Vie des Idées : Qu’appelle-t-on les études postcoloniales ?

Jacques Pouchepadass : Les études postcoloniales sont un domaine de pensée critique né dans les universités anglo-saxonnes dans le courant des années 80, principalement aux États-Unis. Il est issu d’un ouvrage majeur et célèbre publié par Edward Said sous le titre L’Orientalisme en 1978, qui avait pour objectif d’étudier et de critiquer le discours de l’Occident sur l’Orient islamique. La tranche chronologique étudiée par Said dans cet ouvrage concernait toute la période du rapport colonial de l’Occident avec le reste du monde, principalement la période de la seconde grande expansion européenne, du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XXe. Dans cette entreprise, Edward Said était inspiré par la pensée de Michel Foucault. Il a considéré pour son étude l’ensemble de la production savante mais aussi littéraire et notamment romanesque de l’Occident sur l’Orient et il a posé en principe que cet ensemble d’écrits constituait ou plutôt représentait ce que Michel Foucault appelait une formation discursive. C’est-à-dire une sorte d’univers mental et intellectuel qui s’exprime à travers l’intertextualité totale de la période. Cette focalisation sur la textualité, évidemment, avait à voir avec ce qu’on appelle le tournant linguistique, une révolution majeure dans la vie intellectuelle de ces années-là. Il a été pour cette raison précise assez vigoureusement critiqué par la suite, de la même façon que le postmodernisme a été critiqué un peu partout dans le monde et particulièrement en France. L’Orientalisme de Said a fait figure d’innovation totale dans le discours savant sur l’Orient et sur le rapport entre l’Occident et ses « autres » et, dans la foulée, un très grand nombre d’intellectuels se sont mis à travailler dans la même ligne. Il s’agissait principalement d’intellectuels issus des pays de ce qu’on appelait à l’époque le tiers-monde, les pays du Sud comme on dit plutôt aujourd’hui, qui étaient installés dans les universités anglo-saxonnes et notamment aux États-Unis. Du fait même du climat intellectuel à l’intérieur duquel ils vivaient et travaillaient, ces intellectuels étaient prédisposés à adopter cette position de retour critique sur la textualité du colonialisme. À rebours de l’anticolonialisme traditionnel, qui relevait plutôt de la critique politique, économique et sociale, ils passaient à une critique plus épistémique, une critique qui avait pour fondement la textualité du colonialisme. C’est cette généalogie-là qui a donné naissance à ce qu’on appelle depuis lors la pensée postcoloniale telle qu’elle se développe maintenant dans les universités anglo-saxonnes et américaines mais aussi un peu partout dans le monde.

Pour lire la suite sur le site de la Vie des Idées.