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Les universités veulent aider les étudiants à réussir, Denis Peiron, La Croix, 19 septembre 2011

lundi 19 septembre 2011

Ces dernières années, la plupart des universités ont mis en place des dispositifs spécifiques, plus ou moins originaux, pour tenter d’enrayer l’échec et les abandons en première année.

D’une « fac » à l’autre, d’une filière à l’autre, l’efficacité de ces mesures est variable.

C’est une image qui lui colle à la peau. L’université serait cet univers kafkaïen dans lequel l’étudiant, simple numéro, serait livré à lui-même, esseulé dans des amphis surpeuplés, incapable de comprendre ce que le système attend de lui et qui, du coup, se laisserait vivre jusqu’à ce que tombe, impitoyable, le couperet des partiels…

Bien qu’en léger recul, le taux d’échec enregistré en début de licence tend à accréditer ce cliché, avec environ un étudiant sur deux qui ne passe pas en seconde année. Et pourtant, « la fac » bouge. Encouragés par un « plan licence » au bilan controversé, nombre d’établissements ont pris ou renforcé des mesures afin qu’université rime enfin avec succès pour le plus grand nombre.

Encadrement pédagogique

À Nantes, cette préoccupation est présente bien en amont des inscriptions. « Partant du constat que nombre d’échecs sont ceux de personnes qui se sont trompées d’orientation, nous proposons chaque année à des centaines de lycéens de suivre, dans la matière de leur choix, une journée de cours ou de travaux dirigés, aux côtés des étudiants, pendant leurs vacances d’hiver ou de printemps », raconte son président, Yves Lecointe.

Pour lui, il faudrait aller encore plus loin – sans toutefois lever le tabou de la sélection à l’entrée de la première année – en proposant aux étudiants, avant qu’ils n’arrêtent définitivement leurs choix, des tests leur permettant de prendre conscience de leur niveau par rapport aux exigences de chaque filière.

Pour des jeunes que le lycée a mal préparés à l’autonomie, la question de l’encadrement pédagogique est également cruciale. L’université de La Rochelle, parmi bien d’autres, l’a bien compris. « Nous avons notamment renforcé l’enseignement de la méthodologie et ramené de 40 à 24 étudiants les effectifs en travaux dirigés, ce qui permet un accompagnement plus personnalisé et un repérage rapide des difficultés », souligne Anne Aubert, vice-présidente en charge de la réussite et de l’insertion professionnelle des étudiants.

Des mesures qui ont contribué à améliorer de six points le taux de poursuite en deuxième année, tandis que le taux de sortie de l’université à l’issue de la première année a baissé de deux points.

Initiatives

Si, dans leur tentative de combattre l’échec en début de licence, la plupart des facs conjuguent plusieurs recettes, certaines s’illustrent par leur inventivité ou leur audace. C’est le cas, par exemple, de l’université d’Avignon, la première, il y a deux ans, à évaluer l’ensemble de ses élèves sur la base du seul contrôle continu.

Cette pratique incite les étudiants à travailler plus régulièrement, en prenant notamment appui sur la correction des tests précédents. Conséquence : dans certaines filières, le taux de réussite a grimpé de 5 %. L’université Panthéon-Assas (Paris II), elle aussi, a innové, en créant trois parcours différents au cœur de la première année de licence : un « collège du droit » réservé aux meilleurs, un cursus traditionnel et un « parcours réussite » pour les étudiants identifiés comme étant les plus faibles.

Ceux qui le suivent bénéficient d’un tutorat et sont dispensés de trois modules de droit (rattrapés l’année suivante) pour pouvoir effectuer une remise à niveau en français oral et écrit, ainsi qu’en culture générale.

Autres initiatives : celles de l’université de Picardie, à Amiens, qui prête des ordinateurs portables à 400 étudiants issus de milieux modestes et qui, par ailleurs, a mis en place un livret nominatif pour consigner le suivi qu’assurent professeurs référents et étudiants tuteurs.

Accompagnement ciblé

Dans certains établissements, ce type d’accompagnement s’adresse à tous les étudiants de première année. Dans d’autres, comme à Nancy et Metz, il est beaucoup plus ciblé. « Nous avons d’abord mené une étude auprès de 2 000 personnes pour identifier les facteurs d’échec : être titulaire d’un baccalauréat professionnel ou technologique, obtenir son bac avec une année – ou plus – de retard, ne pas avoir sélectionné comme premier choix, au moment de l’orientation, la filière dans laquelle on s’est finalement inscrit et, enfin, exercer un emploi salarié parallèlement aux études », énumère Véronique Chloup, coresponsable du Bureau d’aide à l’insertion professionnelle des universités de Lorraine.

« L’année d’après, forts de ce constat, nous avons identifié 600 étudiants susceptibles de décrocher. Nous leur avons proposé de bénéficier d’un dispositif spécifique, comprenant un tutorat assuré par des étudiants aguerris et des rendez-vous réguliers avec un professeur référent, afin de cerner et de mieux combattre leurs difficultés. Même dans les cas où l’aide n’a pas été suffisante, j’estime le bilan positif : beaucoup nous ont confié que cet accompagnement leur avait permis de s’accrocher, de ne pas se sentir dévalorisés », assure-t-elle.

Pour certains, une réorientation rapide a été nécessaire. Vers une autre filière de l’université ou, plus fréquemment, vers d’autres établissements d’enseignement supérieur, qui proposent des rentrées décalées. « Certains BTS proposent d’effectuer un cursus normal en dix-huit mois, au lieu de vingt-quatre, en sacrifiant une bonne partie des périodes de vacances. De même, des instituts universitaires technologiques offrent désormais la possibilité de commencer les cours en janvier ou février, pour les terminer deux ans plus tard », explique Véronique Chloup.

Ce qui, paradoxalement, peut parfois permettre une meilleure insertion professionnelle puisque les étudiants obtiennent leur diplôme à un moment de l’année où le marché du travail compte généralement moins de candidats.

DENIS PEIRON