Accueil > Pratiques du pouvoir > Positions de la CPU > Compte rendu de la délégation auprès de la CPU (Conférence des présidents (...)

Compte rendu de la délégation auprès de la CPU (Conférence des présidents d’université) le jeudi 20 novembre 2008

dimanche 23 novembre 2008, par Laurence

Le jeudi 20 novembre à partir de 9h une délégation de l’Appel du 8 novembre a distribué devant la Maison des universités un dossier sur la réforme de la formation des enseignants et des concours de recrutement aux présidents d’universités qui entraient en séance (soit une cinquantaine d’entre eux). La délégation demandait en outre d’être reçue par la CPU le matin même. La CPU a accepté très rapidement qu’une délégation de l’Appel soit reçu pour un échange de vues avec une délégation de la CPU. Cette réunion a commencé à 10h30 et a duré 1h15. La CPU y était représentée par M. Lussault et Madame Bonnafous. La délégation de l’Appel du 8 novembre comprenait Jean Fabbri (SNESUP), Jean-Michel Leost (Société des agrégés), Françoise Picard (SUD éducation), Jean Vignes (SFDES), Mathieu Brunet, Jean-Louis Fournel, Laurence Giavarini, Yann Philippe, Patricia Tutoy, (SLU).

La discussion s’est déroulée dans une atmosphère sérieuse et sereine malgré la fermeté de tous les interlocuteurs, chacun pouvant prendre tour à tour la parole. Il est clair que les deux représentants de la CPU présents tenaient à nous faire part de façon courtoise (il semble que les propos aient été plus offensifs en séance plénière) du fait qu’ils avaient pris bonne note de nos inquiétudes, qu’ils comprenaient même une bonne partie d’entre elles mais qu’ils étaient en désaccord profond avec notre stratégie et avec tout refus de préparer les maquettes de master. Selon eux, ce serait faire le choix d’affaiblir les universités dans le bras de fer qu’elles ont actuellement avec le Ministère de l’Education nationale sur cette question. Pour eux tout moratoire prolongé sur la réforme revient donc à « fragiliser » les universités. A la question, qui leur a été posée, de savoir en quoi les universités seraient fragilisées, il a été répondu qu’il serait impensable de laisser les concours avoir lieu sans master dans l’année qui vient, et que les universités sont déjà, de fait, fragilisées par les diminutions d’effectifs et la transformation de la demande des élèves.

Ils nous ont annoncé une déclaration de la CPU (déjà votée à l’unanimité moins trois abstentions le matin même) se contentant donc de demander un délai de quelques semaines et assortissant son approbation de la réforme de quelques nuances. Les principales seraient les suivantes :

a) les masters proposés relèveraient de mesures « conservatoires » (pour ne pas laisser le champ libre à d’autres préparations hors université) et seraient évolutifs au terme d’un processus d’évaluation conduit par des commissions de l’AERES qui intégreraient en leur sein des experts et des membres de l’administration de l’éducation nationale ;

b) ils demanderaient un « schéma » national avec des « éléments de cadrage » pour les masters assorti d’une préparation de « masters académiques » (et non université par université - mesure évidemment destiné à rassurer les syndicats étudiants sur les deux points essentiels pour eux ; Madame Bonnafous note d’ailleurs qu’elle a reçu lesdits syndicats étudiants et qu’ils ne formulent pas du tout les mêmes exigences que nous) ;

c) la demande d’un comité de suivi qui échappe à l’inspection générale
Ce choix de méthode est fondé à la fois sur un parti pris traditionnel de la CPU en faveur d’une mastérisation généralisée et sur la conviction que c’est à partir de la construction expérimentale des nouveaux masters que l’on pourra réfléchir sur cette grande question nationale et non dans un débat préliminaire. Ils font comprendre aussi que l’intégration massive dans les universités des préparations aux concours de l’enseignement primaire ou technologique et aux concours de CPE (enjeu quantitatif beaucoup plus important) vaut bien de fermer les yeux sur l’évolution des concours du secondaire. Ils admettent toutefois que la CPU n’a pas été entendue sur sa condamnation de la « déprofessionalisation » mise en œuvre par la réforme, la CPU déclarant avoir découvert à cette occasion le caractère « idéologique » (et pas seulement budgétaire) des positions du cabinet de Darcos). La CPU se considère comme « marginalisée » sur ce dossier face à l’Inspection générale, le MESR n’étant pas un « opérateur dominant » mais étant soumis en l’occurrence à une « commande contrainte ».

Il nous est rappelé sans cesse que la mastérisation et la LMDisation de toutes les formations ont toujours représenté une ligne constante de la CPU défendue depuis des années avec obstination car elle leur semble s’inscrire dans le rôle central qu’ils veulent voir dévolu aux universités dans tous les domaines de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame Bonnafous insiste à cette occasion sur trois points significatifs :

a) elle rappelle que dans d’autres pays on ne recrute pas les enseignants par concours et que ces pays ne s’en portent pas plus mal ;

b) il est nécessaire de donner une place aux IUFM qui viennent d’être intégrés dans les universités ;

c) il convient de ne pas confondre les difficultés rencontrées par la recherche en LSHS et les effets des futurs masters et concours.

Elle en conclut même que cette réforme est une « chance » pour la réorganisation de la recherche en LSHS… Au passage, les représentants de la CPU ont agité la menace d’universités dépouillées de la formation aux masters d’enseignements au profit de l’Institut catholique de Paris et de préparations privées ou sauvages. Bref, il est impensable pour la CPU d’envisager « des concours sans masters ». Ses deux représentants ont aussi dit leur accord sur la place des concours au sein des masters, rappelant que c’est là une demande antérieure de la CPU. Ils ont exprimé une claire distance à l’égard de la question des concours en tant que principe d’évaluation et de recrutement des futurs enseignants : ils considèrent que le lieu de validation des connaissances des candidats à l’enseignement n’est en rien le concours mais seulement le master, le concours n’ayant qu’une fonction de « tri » des candidats potentiels. A l’évocation du risque de l’augmentation des reçus/collés il nous est ainsi répondu que les masters d’enseignement peuvent préparer à autre chose qu’aux seuls concours d’enseignants et que les « métiers de la formation » sont une source d’emploi pour l’avenir.

Nous soulignons alors que la position de la CPU invalide l’appréciation et la compétence que les enseignants-chercheurs peuvent avoir concernant leur mission et leur connaissance de la formation nécessaire aux futurs enseignants, appréciation et compétence qui se sont exprimées dans les nombreuses motions votées à ce jour. En outre, cette même position acte une dévaluation du statut intellectuel et social des enseignants chercheurs. Elle manifeste une subordination des universités à l’égard du ministère. M. Lussault ne refuse pas le terme de « subordination ». A la question posée du caractère discriminant de la 5e année d’étude non payée (pour le M2) et du problème des étudiants d’origines sociales défavorisées, Mme Bonnafous répond par son souci de cette question.

Le seul élément (un peu) positif et ne relevant pas de promesses vagues - du type « nous serons attentifs à préserver le poids des disciplines dans les masters » - semble à cet égard leur engagement à demander un cadrage national fort des masters (pensés par ailleurs largement au niveau académique) et des concours : cet élément est probablement fortement lié à la nécessité à une tentative de la CPU pour avoir de son côté les syndicats étudiants fortement demandeurs sur ces deux points.

Il est patent à ce propos que les présidents sont très attentifs à l’état de la mobilisation dans les universités et en dehors : d’un côté, ils soulignent les fortes disparités entre les différentes universités sur ce point (tout en relevant que c’est l’un des rares points sur lesquels la CPU n’est pas unanime puisqu’aux universités à dominante juridique ou médicale ou sciences dures qui se moquent de la question s’opposent les universités LSHS + Maths qui eux sont mobilisées) ; de l’autre, ils relèvent non sans une certaine gourmandise que les syndicats du primaire ou du secondaire ne nous suivent pas et que, comme les syndicats étudiants, les syndicats n’ont pas la moindre revendication sur la date des premiers concours réformés (ce qui n’est plus vrai d’ailleurs puisque le SNES semble avoir demandé officiellement le report des concours réformés à 2011)… Ils nous signifient que nous nous trompons d’adversaire et que nous devrions nous préoccuper seulement des concours et non des masters. Il est clair à cet égard qu’ils ne voient pas ou font semblant de ne pas voir l’incompatibilité entre examen et concours dans la même année de préparation de M2 ce que nous leur avons rappelé sans grand succès.

A l’issue de la discussion, une dernière question fut posée concernant la position de la CPU face à l’avenir des IUT. La réponse fut “académique” : dans le cadre de la mise en application de la nouvelle loi « Libertés et Responsabilités des Universités » (LRU), le nouveau système de répartition des moyens par l’Etat retire toute dotation directe (financière et humaine) aux IUT. Ceux-ci négocieront désormais leurs moyens au sein de leurs universités de rattachement pour des formations qui pourront devenir celles que décideront les conseils d’administration d’université. Aucune position tranchée de la CPU sur l’avenir des IUT au sein des universités (mais lisez la position de l’AG des directeurs d’IUT).

En conclusion il va de soi que la délégation de l’Appel du 8 novembre tout au long de cet entretien a maintenu et défendu ses argumentations et convictions face à la surdité de nos interlocuteurs à ce que nous leur demandions explicitement (à savoir se fonder sur les dizaines de motions de leurs universités pour exprimer un soutien aux revendications énumérées dans le texte de l’Appel). On ajoutera que face aux positions exprimées par la CPU, il est important de répéter que nous devons nous occuper des masters et des concours en même temps : si nous voulons avoir une chance réelle de faire reculer le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur les masters, il faut sortir de cet engrenage de l’urgence manipulée, en obtenant du ministère de l’éducation nationale le report des concours. Nous avons donc un adversaire à deux têtes et deux domaines d’intervention : il faut en tenir compte dans notre réflexion et nos décisions.


Pour la délégation de l’Appel du 8 novembre