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Public Sénat, François Vignal, 14 janvier 2021

lundi 18 janvier 2021, par Mariannick

« Le gouvernement met des milliards pour les entreprises mais les universités peuvent crever ! » dénonce le communiste Pierre Ouzoulias

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Face à la détresse des étudiants, chez qui on constate des tentatives de suicides, les TD vont reprendre à la fac par demi-groupe, a annoncé le gouvernement. « Il y a eu une prise en compte mais qui n’est pas à la hauteur », pour le syndicat Snesup-FSU. L’université manque surtout « de moyens », selon le sénateur PCF Pierre Ouzoulias. Une grève est prévue le 26 janvier.

« Les étudiants sont une source de préoccupation majeure », a assuré Jean Castex, jeudi soir. Tellement majeure, que le premier ministre n’avait tout simplement pas dit un mot sur les universités, une semaine plus tôt, lors du précédent point sur la situation sanitaire. Mais face au désarroi grandissant, alors que les cours à distance durent depuis des semaines pour les étudiants, l’exécutif a commencé à réagir.

La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a annoncé aux côtés du premier ministre la reprise des travaux dirigés (TD) en présentiel par « demi-groupe » pour les étudiants de première année, à partir du 25 janvier. Une nouvelle étape, après la mise en place de groupes de 10, pour les étudiants les plus fragiles. La mesure n’a en réalité à peine eu le temps de s’appliquer. Pour l’heure, la perspective d’un retour de tous semble encore bien éloignée. Par ailleurs, « le nombre de psychologues dans les établissements va être doublé durant le deuxième semestre », a ajouté Frédérique Vidal. Il y a urgence. Les étudiants sont nombreux en situation de détresse.

Le Snesup-FSU non-reçu par Jean Castex : « Ça nous irrite énormément »

Autre signe de bonne volonté de la part de l’exécutif, vendredi matin, Jean Castex a rencontré par visioconférence les organisations syndicales étudiantes (l’UNEF et la FAGE), la conférence des présidents d’Université (CPU) et celle des grandes écoles (CGE). Une rencontre qui s’est étonnamment faite sans le Snesup-FSU, premier syndicat de l’enseignement supérieur… « C’est un point qui nous irrite énormément. On a l’impression que les personnels ne comptent pour rien dans la lutte contre l’échec étudiant massif qui se profile », réagit auprès de publicsenat.fr Christophe Voilliot, co-secrétaire général du syndicat enseignant. « Nous avons fait un courrier intersyndical pour demander à être reçu par le premier ministre. Nous n’avons pas reçu de réponse » constate-t-il.

Quant aux annonces, Christophe Voilliot reconnaît « une prise de conscience » sur les psychologues, « après, il faut les trouver et les rémunérer ». Pour les TD, « c’est une avancée par rapport à la situation actuelle, mais c’est ambigu. Ça laisse en suspens plusieurs problèmes. Ça ne concerne que les étudiants de première année, mais pas les autres ».

Le sénateur PCF Pierre Ouzoulias, lui-même chercheur, reconnaît aussi une avancée sur les TD, « mais ça fait des mois que les facs proposent ça. Et il faut embaucher pour le faire, ou vous acceptez que le cursus pédagogique soit divisé par deux ». « Il faut plus de moyens pour l’université », continue le communiste. Mais lors des débats sur le projet de loi de programmation de la recherche, en fin d’année, « j’ai demandé des moyens pour faire face à la crise sanitaire. La ministre m’a répondu que ce n’était le sujet », rage Pierre Ouzoulias. De son côté, le syndicat étudiant Unef a lancé sur change.org une pétition titrée « 1,5 milliard pour sortir les étudiant(e) s de la galère ».

Plusieurs tentatives de suicides rapprochées

Aujourd’hui, le malaise est tel chez les étudiants que certains vont jusqu’à commettre l’irréparable, par des tentatives de suicide. Dans la nuit du 8 au 9 janvier, un étudiant en droit de Lyon 3 s’est défenestré. Quatre jours plus tard, le mardi 12, une autre étudiante, toujours à Lyon, s’est aussi défenestrée depuis sa résidence universitaire. Début décembre, un étudiant s’était donné la mort dans sa résidence universitaire sur le campus de la Doua, à Villeurbanne, en banlieue de Lyon.

Sur les réseaux sociaux, le malaise s’exprime. Le hashtag #etudiantsfantomes a été lancé par des étudiants de Montpellier pour donner la parole aux jeunes en détresse.

« Les résidences universitaires se transforment en une espèce de prison pour certains étudiants »

« Il y a des suicides, des tentatives de suicide et toute une série de gestes de désespoir. Les résidences universitaires, avec l’étroitesse des locaux, ne sont pas conçues pour y vivre et y travailler 24h/24h. Ça se transforme en une espèce de prison pour certains étudiants » selon Christophe Voilliot, qui liste les sources d’anxiété : « Interrogation sur leur avenir, la valeur de leur diplôme, les stages qu’ils doivent faire, la possibilité de trouver un emploi ». Il ajoute :

Les suicides, ce sont les étudiants désespérés. Mais c’est le côté émergé de l’iceberg, car il y a tous ceux en souffrance.

« Ça fait six mois que tout le monde dit que les conditions des étudiants est catastrophique, qu’on va avoir des drames. Et la réaction de la ministre, c’est de dire qu’on ne peut pas rouvrir les facs car il y a le risque de prendre des bonbons sur la table. Une réponse aussi triviale à un drame aussi profond, c’est catastrophique » pour Pierre Ouzoulias. Le sénateur fait référence à des propos de Frédérique Vidal pour illustrer la nécessité d’éviter les flux et les contacts, en laissant les facs en bonne partie fermées.

« Là, il y a eu un changement car ils ne sont pas aveugles. Il y a eu ces tentatives de suicide et cet incendie a priori volontaire d’un local d’enseignement, des blocages à Paris, toute une série de signes qui les ont alertés. C’est un peu remonté en termes de préoccupation. Le fait que Frédérique Vidal était présente à la conférence de presse, c’est symbolique », note Christophe Voilliot, avant d’ajouter : « Il y a eu une prise en compte mais qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Et on nous laisse de côté. On a du mal à comprendre. En termes de dialogue social, ce n’est pas un bon signe. D’où la nécessité d’une journée de grève pour marquer le coup ». Celle-ci est prévue pour le 26 janvier dans l’ensemble de l’éducation nationale et le supérieur. « On va revendiquer plus de moyens pour assurer l’enseignement en présentiel » précise le syndicaliste.

« Il y a un certain nombre d’activités que le gouvernement accepte de sacrifier : l’enseignement supérieur et la culture »

Pour Pierre Ouzoulias, la « responsabilité » de la situation revient au gouvernement, malgré la pandémie. « Le message politique envoyé aux étudiants, et au-delà à la jeunesse, c’est qu’ils n’intéressent pas le gouvernement. Il met des milliards pour les entreprises mais pour l’université, ils peuvent crever ! Pour ce gouvernement, l’université peut crever », s’indigne le sénateur communiste.

Et le deux poids deux mesures, entre des classes prépa, où les cours sont maintenus physiquement, et les facs, passe mal. Dans une tribune publiée dans Le Monde, le professeur des universités Olivier Esteves dénonce « des universités sacrifiées face à des prépas protégées ».

« Quand il s’agit de sauver l’élite, il n’y a pas de problème. Les prépas, c’est l’élite française, c’est là qu’on va retrouver les énarques. En revanche, on accepte de sacrifier l’université. Ce n’est pas un problème sanitaire, c’est un problème politique et économique », selon Pierre Ouzoulias, qui conclut : « Il faut que le gouvernement arrête de se dissimuler derrière les prescriptions sanitaires du Conseil scientifique pour assumer politiquement ses choix. Il y a un certain nombre d’activités qu’il accepte de sacrifier : l’enseignement supérieur et la culture ».