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Universités : le Sénat veut soumettre les libertés académiques aux « valeurs de la République » - Lucie Delaporte, Médiapart, 30 octobre 2020

vendredi 30 octobre 2020, par Elie

Un amendement adopté au Sénat stipule que la recherche universitaire devra désormais « s’exprimer dans le cadre des valeurs de la République ». Une formulation ambiguë qui fait craindre aux enseignants-chercheurs, échaudés par les récentes déclarations de Blanquer sur « l’islamo-gauchisme » à l’université, une tentative de mise au pas politique.

C’est un amendement, adopté au cœur de la nuit de mercredi à jeudi, qui passe particulièrement mal dans le monde universitaire. Alors que le Sénat examinait la loi de programmation de la recherche, la sénatrice Laure Darcos (LR) a introduit l’amendement suivant : « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République. » Une formulation qui, pour paraître anodine, pourrait saper – par le biais d’une formulation ambiguë – les fondements des libertés académiques, selon lesquelles la recherche est libre, dans le cadre de la loi, de toute tutelle qu’elle soit politique ou, jadis, religieuse.

L’amendement, soutenu par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal, modifie ainsi un article essentiel du Code de l’éducation, selon lequel « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité ». Aux principes de « tolérance et d’objectivité », il faut donc désormais ajouter le cadre du « respect des valeurs de la République ».

Pour justifier cet ajout, le texte précise qu’il s’agit de défendre « les libertés académiques [qui] ne sont plus, en France, à l’abri d’atteintes manifestes ». Évoquant des débats annulés dans certaines facs, des enseignants menacés, il s’inscrit aussi explicitement dans le sillage de l’émotion née de l’attentat contre Samuel Paty, assassiné par un islamiste pour avoir montré à ses élèves des caricatures du Prophète. « Le terrible drame survenu à Conflans-Sainte-Honorine montre plus que jamais la nécessité de préserver, au sein de la République, la liberté d’enseigner librement et de former les citoyens de demain », précise ainsi l’exposé des motifs. «  Il s’agit, par cette disposition, d’inscrire dans la loi que ces valeurs, au premier rang desquelles la laïcité, constituent le socle sur lequel reposent les libertés académiques et le cadre dans lequel elles s’expriment », précise enfin le texte.

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