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Loi Recherche : malgré l’épidémie, l’exécutif avance à marche forcée - Rouguyata Sall, Médiapart, 11 juin 2020

jeudi 11 juin 2020, par Mam’zelle SLU

Après une longue attente, les chercheurs découvrent enfin le projet de loi de programmation concocté par leur ministre, Frédérique Vidal. Les envolées lyriques sur l’importance du secteur prononcées pendant l’épidémie ne se traduisent pas dans le texte.

Cinq jours – pas un de plus – pour décortiquer un texte d’ampleur qu’ils attendent de pied ferme depuis un an et demi. Alors que le projet de loi de Frédérique Vidal, ministre de la recherche, a été rendu public dimanche dernier, les représentants de l’enseignement supérieur et de la recherche sont déjà convoqués vendredi 12 juin en Cneser (l’instance consultative du ministère appelée à rendre un avis), en vue d’une adoption dès le 8 juillet en conseil des ministres. Un calendrier express « inacceptable  » pour l’ensemble des syndicats.

Car ce texte est capital pour la communauté scientifique. Présenté par l’exécutif comme « la » solution pour freiner le décrochage de la recherche française, il planifie le budget du secteur pour une décennie (de 2021 à 2030), prétend « créer de nouveaux dispositifs de recrutement » pour renforcer « l’attractivité des métiers scientifiques » et « consolider les dispositifs de financement et d’organisation de la recherche ».

Depuis les propositions mises sur la table par des groupes de travail montés par le gouvernement (en septembre dernier), plusieurs collectifs de chercheurs s’inquiètent du renforcement du financement « par projet », au lieu de budgets pérennes favorisant davantage la recherche sur le temps long. Ils dénoncent des changements dans les critères d’évaluation destinés à booster la compétition. Ils redoutent de nouvelles formes de contrat de travail issues des modèles anglo-saxons, à l’heure où ils réclament plutôt des postes permanents (ceux qui font la spécificité du modèle français).

Trois mois après la dernière manifestation organisée par la coordination nationale des facs et labos en lutte, ces collectifs s’apprêtent donc à retourner dans la rue pour exiger le retrait du projet de loi, sans surprise par rapport aux travaux préparatoires. En pleine pandémie du Covid-19, et alors que la France était lancée dans la course aux vaccins et traitements, les discours de l’exécutif pouvaient pourtant laisser croire à une réorientation…

Début mars, Frédérique Vidal débloquait en effet 8 millions d’euros pour 20 projets prioritaires de recherche. Une semaine après, Emmanuel Macron, en marge d’une visite à l’Institut Pasteur, déclarait : « La crise du Covid-19 nous rappelle le caractère vital de la recherche scientifique et la nécessité d’investir massivement pour le long terme. J’ai décidé d’augmenter de cinq milliards d’euros notre effort de recherche, effort inédit depuis la période de l’après-guerre. » Si les mots sont là, les chiffres baissent en réalité : deux mois plus tôt, le gouvernement évoquait dix milliards d’euros sur sept à dix ans.

Il n’y aura donc pas d’effet positif du Covid-19 sur la loi recherche. « Il y a un déphasage entre un très grand discours sur l’utilité de la science et la réalité qui renvoie l’essentiel de l’effort budgétaire à 2030 », déplore Pierre Ouzoulias, sénateur PCF et chercheur de profession. Il en conclut que la recherche n’est pas une priorité budgétaire de ce gouvernement. « La LPPR dit cinq milliards sur dix ans, sauf que c’est un engagement que la ministre prend pour trois mandatures, ça n’a pas de valeur.  » D’autant que l’enveloppe supplémentaire de 400 millions pour 2021 annoncée en mars par le ministère de Frédérique Vidal s’élève finalement à 104 millions.

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