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Intégrité scientifique : lettre ouverte à la ministre de la recherche - Sylvestre Huet, Blog {Sciences2}, 16 novembre 2018

samedi 17 novembre 2018, par Mam’zelle SLU

Madame la Ministre,

j’ai été nommé membre du Conseil de l’intégrité scientifique, afin que, avec ses onze autres membres, et dirigé par Olivier Le Gall, ce Conseil « oriente et supervise » les activités de l’Office de l’Intégrité Scientifique (OFIS).

La création de ces structures indépendantes du pouvoir politique, hébergées par le HCERES (Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), a fait suite au rapport de Pierre Corvol (2016) sur la mise en œuvre de la charte nationale de déontologie des métiers de la recherche rédigée en 2015. Elle montrait l’engagement du gouvernement sur le sujet délicat et important des méconduites, fraudes et autres manquements à l’intégrité scientifique. Et surtout découlait d’un constat de carence, d’un traitement erroné ou insuffisant de ces sujets par les institutions et leurs directions, qu’il s’agisse des Etablissements d’enseignement supérieur ou des Organismes de la recherche publique, malgré les efforts accomplis ici ou là, comme à l’Inserm depuis 1999.

Ayant comme spécialité professionnelle l’information sur les sciences, les technologies et leurs relations avec la société, je fus, comme citoyen, sensible à cette demande d’une action bénévole au service d’un but républicain. Notre société doit en effet pouvoir s’appuyer sur sa recherche scientifique avec confiance pour éclairer ses décisions politiques chaque fois que la connaissance scientifique y joue un rôle. Or, cette confiance, si elle ne peut exiger que les scientifiques disposent par avance des réponses à toutes les questions que l’on pourrait se poser, suppose un respect total de l’intégrité scientifique.

Fraudes, manipulations de données, présentations biaisées de résultats, plagiats, vols d’idées… tout cela doit être évité. Mais lorsque cela survient toutefois, il faut les combattre avec vigueur. L’exemple des déformations des résultats et méthodes des sciences du climat, ou des sciences médicales (vaccination), jusque dans la production scientifique, a montré à quel point notre société est sensible à un mésusage de la science et risque de prendre de mauvaises décisions si elle ne fait pas preuve de vigilance sur ce point. De nombreux signaux montrent que ces méconduites, si elles demeurent très minoritaires, connaissent une augmentation sensible au plan international et touchent des domaines variés. Le site retractionwatch data base recense ainsi depuis 2002 près de 300 cas de rétractations d’articles dont l’un des co-signataires travaillait en France.

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et la fin…

L’attitude du pouvoir politique

Dans un tel contexte, l’attitude du pouvoir politique est un signal décisif pour indiquer aux hésitants avec quel sérieux il faut prendre le discours officiel sur le respect absolu de l’intégrité scientifique. Le soupçon d’intervention dans le cas d’Anne Peyroche constitue de ce point de vue un signal désastreux. Vous aviez l’occasion de préciser votre position lors de la conférence annuelle des signataires de la charte nationale de déontologie des métiers de la recherche, le 23 octobre dernier – date fixée afin de vous permettre de la clôturer par une intervention. Vous ne vîntes pas. Et votre représentant, le Directeur général de la recherche et l’innovation, Bernard Larrouturou, infligea à l’assemblée un propos confus et vague, indigne de sa fonction, dont on espère qu’il ne reflète pas l’engagement du ministère sur ce sujet.

C’est pourquoi, constatant que les signaux que vous envoyez à la communauté scientifique ne sont pas en phase avec ce qui a motivé la création de l’OFIS et du CoFIS, mais toutefois sans rompre la confidentialité sur les débats qui s’y déroulent, je tenais à marquer publiquement mon désaccord.

Je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de ma considération la plus distinguée.

Sylvestre Huet