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Parcoursup : hâtivement conçu, sous-optimal… désastreux ? - François Belorgey, Marianne, 3 août 2018

dimanche 5 août 2018, par Laurence

Parcoursup, sous-optimal par nature

Fin d’année dernière : la pression monte pour changer le système d’affectation post-bac, « corriger les bugs d’APB  » et marquer sa différence politique l’année qui suit l’élection générale. D’autant plus qu’un mini Baby-boom de l’an 2000 arrive au Bac.

Il faut faire vite. Avec une consigne : ne pas être attaquable, notamment interdire tout mécanisme de départage par tirage au sort, point décrié d’APB.

Résultat, Parcoursup est sous-optimal : si A est admis à X mais préfère Y en liste d’attente, et que B est admis en Y mais préfère X qu’il a en attente, rien ne se passera sur Parcoursup, qui fera deux déçus là où APB aurait fait deux satisfaits.

Parcoursup décrypté ?

Cette situation où A et B sont mécontents alors qu’ils pourraient être tous les deux satisfaits avec la même ressource (mais Parcoursup ne le sait pas, puisque les préférences ne sont pas demandées) est hélas très réelle, et générale. Elle reste vraie pour toute permutation de n acteurs améliorant la satisfaction de CHACUN d’entre eux (aucune satisfaction baissée).

APB recherchait l’optimisation des préférences exprimées en fonction des places ouvertes. Pour améliorer la satisfaction globale de n élèves, il pouvait donc baisser celle de certains d’entre eux, avec un (vrai) algorithme. Contestable bien sûr, comme à chaque fois qu’on fait quelque chose, avec des erreurs certainement, mais vraie optimisation néanmoins, suivant un principe de recherche de l’intérêt général au service du plus grand nombre.

Parcoursup ne fait rien de tout cela, il se contente de regarder. Il n’y a aucun algorithme intelligent : Parcoursup ne connait pas les préférences, seulement le "Non", "Oui" et "liste d’attente". Et il empêche d’avoir deux "Oui" en même temps et force à choisir. C’est tout !!

Sans classement des préférences au préalable, impossible en effet de faire tourner un algorithme, quand bien même celui-ci ne ferait qu’augmenter la satisfaction de chacun.

Ce n’est pas très compliqué, ce serait un milieu …cela ne lèserait personne. Et ce n’est pas fait.

Parcoursup se contredit lorsque, en cas de proposition acceptée et des vœux en liste d’attente, il affiche :

« Vous avez accepté une proposition d’admission. Vous avez plusieurs vœux pour lesquels vous êtes en attente. Lorsque vous acceptez une proposition d’admission, il vous est demandé de maintenir ou renoncer à vos vœux en attente : maintenez uniquement les vœux que vous PRÉFÉRERIEZ obtenir à la place de la proposition que vous souhaitez accepter. »

Ce message en clair : "le vœu obtenu était le combientième sur votre liste de préférence ? Pourriez-vous enlever tous ceux qui sont en-dessous, s’il vous plait ?" Bref, il exige un classement relatif par rapport à la formation obtenue. Parcoursup "ne demande pas de classer ses vœux", mais réclame de classer le vœu dont l’admission a été obtenu au regard de tous les autres : qu’est-ce, sinon un classement ?

C’est un problème essentiel ... et une catastrophe car hormis quelques chanceux qui ont eu leurs premiers choix, un tel système ne fait par construction quasiment que des mécontents.

Ne rien faire, pour ne pas être critiquable

Serait-ce trop simple de classer les vœux en attente (et celui obtenu le cas échéant), au moins de chercher les permutations qui ne dégradent la situation de personne au regard des préférences exprimées ?

Oui, car il faudrait prendre ses responsabilités, faire des choix, donc assumer un risque.

Il faudrait classer les permutations avantageuses pour chacun : toutes ne sont pas faisables simultanément, notamment celles qui font intervenir le même élément. Par exemple : "je remonte de N1 les préférences exprimées avec la permutation p1, et de N2 avec la permutation p2, qui est non compatible avec p1 car elle a un élément commun à permuter. N2>N1, donc je choisis N2.  »

Mais ... si N1=N2, des critères deviennent nécessaires (par ex. : valoriser la permutation qui amène le plus de choix en position 1, voire ... tirer au sort si cela reste égal tout de même). Or, qui dit critères dit risque comme pour APB. Donc inacceptable.

Autre signe d’une construction hâtive : la mise à jour nocturne, une seule fois par jour. Pourquoi ne pas appliquer au fil de l’eau les modifications ? Cela permettrait sur le principe de faire plusieurs « tours » chaque jour, certes sans retour en arrière. À l’heure du « fast trading  », ce sont des mécanismes connus … qui demandent un développement soigneux, des tests et une sécurisation des choix exprimés.

Aussi, quel est finalement l’intérêt pour le candidat de connaître son classement en liste d’attente ? Qu’il soit deuxième ou dernier sur la liste, cela change-t-il son désir de cette formation-là ? Que peut-il faire ? Rien, sinon supputer, calculer, espérer, stresser ... Pourquoi lui faire miroiter tant de soi-disant « oui » qui sont en réalité autant de « non » ?

Une catastrophe pour un enseignement supérieur français en concurrence ?

Parcoursup génère une situation sous-optimale. Tout se passe comme si sa philosophie était : « peu importe qu’ils soient contents, du moment qu’ils sont casés quelque part … ». Son seul kpi est le nombre de formations acceptées, non la satisfaction.

Il essaye même de tromper, en surlignant depuis mi-juillet le % (complémentaire) de ceux qui ont un choix à faire dans les deux jours parmi ceux auxquels la formation a été proposée, là où le seul critère utile serait le % des admis qui ont effectué leur inscription administrative, information parfaitement connue … mais non diffusée.

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