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Le Conseil supérieur de l’éducation ne veut pas de Parcoursup - F. Jarraud, "Le Café pédagogique", mars 2018

mardi 6 mars 2018, par Laurence

Qui veut encore de Parcoursup ? Apparemment personne. Soumis au vote du Conseil supérieur de l’éducation, le décret instituant Parcoursup a été rejeté par 36 voix contre et 0 pour. Il ne s’est trouvé personne pour soutenir cette réforme défendue par le premier ministre lui même. Comment expliquer cela ?

"Cette transformation lève des verrous. Elle donne de nouvelles garanties pour l’égalité des chances. Elle ouvre des perspectives aux lycéens". Le 30 octobre le premier ministre en personne est venu présenter la réforme de l’entrée en université qui a abouti à la mise en oeuvre de la plateforme Parcoursup. "On va passer du supérieur pour tous à la réussite pour chacun... " Le bac est et demeurera "le seul passeport pour entrer dans le supérieur" avait promis F Vidal. "Ils seront la génération pionnière, la première génération à bénéficier d’un système qui met fin au hasard aveugle et permet une orientation personnalisée" confirmait JM Blanquer quelques semaines plus tard.

Six mois plus tard la loi Vidal a été adoptée facilement par le Parlement et la plateforme fonctionne alors que le décret qui l’autorise n’est pas encore publié ce qui a entrainé un recours de sénateurs. Et la réforme gouvernementale n’arrive même pas à obtenir le soutien d’une partie du Conseil supérieur de l’éducation. Le gouvernement a perdu petit à petit le soutien des organisations qui au départ soutenaient la réforme.

Comment expliquer cette situation ? Il y a bien sur la réalité du projet gouvernemental. Dès le 15 octobre , pour le Café pédagogique, le plan étudiants supprimait le droit à la poursuite d’études dans le supérieur pour légitimer la sélection dans toutes les filières. Le plan étudiants n’ouvrait pas le nombre de places suffisant pour permettre l’accès de tous les bacheliers dans le supérieur. Il dégradait très nettement l’avenir des jeunes les plus fragiles. Et pire encore il piégeait une partie des étudiants en changeant les règles du jeu à quelques mois du bac. Il est apparu aussi rapidement que la sélection se ferait au bon plaisir des universités et que la concurrence entre elles pousserait les attendus jusqu’à des sommets ne tenant aucun compte de la situation réelle des étudiants. Même P Mathiot n’a pu s’empêcher d’expliquer aux sénateurs le 31 janvier les défauts de Parcoursup !

Les mois qui ont suivi, malgré les concertations n’ont fait que confirmer ces orientations. Au dernier moment l’accord trouvé entre le Sénat et l’Assemblée, en février, a encore aggravé la situation en limitant le droit du recteur à affecter les étudiants et en faisant dépendre les places en université de leurs débouchés économiques. Ce dernier épisode a fait perdre à Parcoursup ses derniers soutiens. Au final les oppositions contre la nouvelle loi de sélection se sont multipliées.

Du coté lycéen, on prépare des manifestations le 15 mars. Toutes les organisations (Sgl, Fidl, Unl, Unl Sd), parfois rivales, font front commun contre Parcoursup. " On a une hausse du nombre d’étudiants. En face le ministère nous dit qu’il y a 200 000 places libres. Mais elles le sont parce que personne ne veut les prendre. Ce sont des filières qui n’intéressent pas", nous a confié Ugo Thomas, président du SGL. "Dans Parcours Sup 900 000 candidats vont entrer 10 voeux. Comment seront gérés en un temps court ces 9 millions de voeux ? En fait chaque université va faire son petit algorithme pour trier les candidats... Il y aura donc la sélection des attendus et en plus celle des universités dans la façon de traiter les dossiers".

Du coté des syndicats enseignants, le Snes a marqué son opposition. Il appelle les enseignants à ne pas participer à la procédure de sélection qui se met en place. "Les attendus et les chiffres proposés sur Parcoursup sont dissuasifs, voire intimidants, en particulier pour les jeunes de classes populaires et leur famille, plus sensibles aux risques objectifs de la poursuite d’étude", estime le Snes qui relève par exemple la baisse des capacités d’accueil en 2018 en droit (Paris 1 : 640 places cette année, 690 l’an dernier) ou en médecine (en Ile de France : 2900 places de moins que l’an dernier, presque 25%). "Les attendus locaux posent des exigences élevées voire extravagantes, qui ne semblent avoir été conçues par certaines universités que pour leur permettre de faire leur marché parmi les bacheliers", estime le syndicat. Le Snes " appelle les enseignants à ne pas barrer la route aux élèves, à porter en conseil de classe des avis favorables sur toutes les formations anciennement non sélectives". Il invite aussi les professeurs principaux à ne pas renseigner le pavé « éléments d’appréciation » de la fiche Avenir.

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