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Paris-Saclay : Macron acte le divorce entre Polytechnique et les universités - Camille Stromboni, Le Monde Campus, 25 octobre 2017

vendredi 27 octobre 2017, par Laurence

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En déplacement à Saclay, dans l’Essonne, le chef de l’Etat a annoncé à la place la création d’un « pôle d’excellence autour de deux ensembles universitaires  »

La page est définitivement tournée. Le projet d’un « Cambridge » à la française, unissant tous les fleurons de notre enseignement supérieur dans une seule grande université, au cœur de Saclay, est enterré. Lors d’un déplacement sur le plateau francilien, mercredi 25 octobre, Emmanuel Macron a acté le schéma qui circulait depuis plusieurs semaines : la cohabitation de deux pôles distincts avec, d’un côté, un ensemble baptisé « université Paris-Saclay  », avec l’université Paris-Sud en son sein, et, de l’autre, une alliance d’écoles autour de l’Ecole polytechnique.

Le président de la République a dressé la feuille de route de ce « cœur battant de la science française ». « Une grande partie des réponses aux défis contemporains vient d’ici  », a défendu le président, soulignant la nécessité de «  gagner la bataille de l’intelligence » et « d’être à la pointe de l’excellence scientifique  ». Onze mille enseignants-chercheurs, 76 000 étudiants, 400 brevets par an… la surface scientifique du site a de quoi impressionner, représentant entre 15 % et 20 % du potentiel de recherche français.

Complexité

Mais la complexité de rapprocher la vingtaine d’établissements présents et les réticences de certains à se fondre dans un modèle commun – au premier rang desquels l’Ecole polytechnique (Le Monde du 24 octobre) – ont mené le projet institutionnel dans l’impasse. La Cour des comptes jugeait déjà le projet « au point mort » en février, alors que plus de cinq milliards d’euros ont été engagés depuis dix ans – dont 700 millions sur le projet scientifique.

« C’est quand même le troisième président de la République qui vient donner une impulsion à Saclay  », glisse malicieusement une universitaire venue écouter Emmanuel Macron. Nicolas Sarkozy avait donné le coup d’envoi du rapprochement entre écoles et universités du plateau en 2008. François Hollande avait fait lui aussi du projet une priorité nationale.

Emmanuel Macron a préféré jouer l’apaisement, remisant au passé les «  luttes intestines » et les « résistances ». Il veut désormais avancer avec deux pôles « complémentaires ». L’université Paris-Saclay réunira les universités Paris-Sud, Versailles-Saint-Quentin et Evry, l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, CentraleSupélec et l’Institut d’optique Graduate School. Tandis qu’une alliance de grandes écoles va se constituer avec l’Ecole polytechnique, l’Ensta, l’Ensae, Télécom ParisTech et Télécom SudParis. Restent deux poids lourds qui devront choisir leur camp dans les jours qui viennent : HEC et AgroParisTech.

Goût amer

« Je fais le pari qu’un tel écosystème sera capable de faire éclore une licorne dans les toutes prochaines années », a défendu le président Macron, justifiant tout de même cette scission. « Certains auraient voulu une université complète, je ne suis pas sûr que forcer les acteurs à aller dans un schéma qui n’est pas le leur ait beaucoup d’avenir.  »

L’ancienne ministre de l’enseignement supérieur aujourd’hui présidente du conseil régional d’Ile-de-France, Valérie Pécresse (Les Républicains), a estimé que c’était «  la bonne décision. Il était temps de débloquer la situation, et de sortir des atermoiements de l’ère Hollande ».

Il y avait urgence à trancher. Le regroupement Paris-Saclay doit de nouveau déposer son dossier, le 18 décembre, devant le jury international de l’Initiative d’excellence (IDEX), cette compétition organisée par l’Etat pour distinguer nos champions universitaires. L’université Paris-Saclay a été sommée de faire ses preuves, sous peine de sortir de ce club de l’excellence et de perdre la trentaine de millions d’euros annuels qui l’accompagne.

Du côté des acteurs du plateau, cette confirmation du divorce laisse à certains un goût amer. « Tout ça pour ça !, résume Marie Leprêtre, déléguée régionale à la CFDT Ile-de-France, qui siège au conseil d’administration de l’établissement public. Il a fallu attendre dix ans pour découvrir que Polytechnique veut faire cavalier seul avec ses écoles ? C’est un véritable échec, un immense gâchis. Mais maintenant il faut avancer. » L’élue ne manque pas cependant d’être inquiète quant à la « concurrence  » à venir entre ces deux pôles voisins. « Car les moyens financiers, eux, ne vont pas bouger  », alerte-t-elle.