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Rendez-vous avec Vincent Berger : compte-rendu - Urgence pour l’emploi scientique, 7 novembre 2014

vendredi 7 novembre 2014, par Pr. Shadoko

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Rendez-vous avec Vincent Berger : compte-rendu

Vincent Berger, conseiller de F. Hollande pour les questions d’enseignement supérieur et de recherche, a reçu mardi 4 novembre une délégation de directeurs d’unités signataires de la Lettre au Président de la république rendue publique le 13 octobre (DU) et du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS). La rencontre a eu lieu dans les locaux de l’Elysée, V. Berger était seul et la délégation composée de Frédéric Barras, Didier Chatenay, Bruno Chaudret, Sophie Duchesne et Alain Trautmann. La discussion a été directe et a duré 2 heures.

Dans un premier temps nous avons présenté les raisons de notre demande de rendez-vous en insistant sur l’inquiétude qui traverse le milieu de l’ESR tant du point de vue des emplois que des moyens alloués à l’ESR. Nous avons remis copie de la lettre signée maintenant par plus de 830 DU et rendu compte du résultat de la consultation menée auprès des signataires. Les actions en cours ont été évoquées ainsi que les perspectives de mobilisation. Nous avons insisté sur le fait que, contrairement à 2004, l’ensemble des personnels de l’ESR était mobilisé, qu’il ne s’agissait pas d’un mouvement de chercheurs, encore moins d’un mouvement isolé de directeurs d’unités. Nous avons également signalé qu’au-delà des personnels, les étudiants eux-mêmes s’inquiétaient tout particulièrement des difficultés budgétaires de bon nombre d’universités et de l’impact de ces difficultés sur les conditions de vie étudiante.

Nous avons également souligné la forte déception provoquée par l’absence de rupture avec le quinquennat Sarkozy concernant l’ESR.

Vincent Berger nous a expliqué qu’il connaissait bien les chiffres dans le domaine de l’emploi et considérait que les difficultés concernant les flux entrants étaient réelles. Il est allé jusqu’à reconnaître qu’au vu de l’évolution des départs à la retraite, le pire était à venir, au moins jusqu’en 2019.

Il a par contre contesté le sentiment d’absence de rupture avec le quinquennat Sarkozy, en mettant en avant l’action des divers gouvernements de ce quinquennat dans les domaines sociétaux, l’école et même l’ESR, avec la politique de bourses pour les étudiants et les aménagements de la LRU. Il a reconnu que les conclusions des Assises n’ont pas toutes été suivies d’effets mais a argué du fait que tout n’était pas facile à faire.

Selon lui, le budget de l’ESR a été préservé malgré un contexte de grandes difficultés budgétaires : tout au long de l’entretien, il est revenu sur la nécessité de diminuer la dépense publique. Tous les domaines de l’Etat se voient imposer des mesures d’économie ; dans ce contexte, l’augmentation des moyens alloués à l’Education Nationale et la "sanctuarisation" du budget de l’ESR doivent être considérés comme des faits positifs. Les efforts d’économie vont se poursuivre et la préservation du budget de l’Education Nationale et de l’ESR reste l’objet de débats au sein du gouvernement, ce qui signifie que même cela n’est pas définitivement acquis.

Nous avons insisté sur les risques que la politique de l’emploi scientifique et du financement de l’ESR font peser sur les perspectives de développement du pays, d’une façon qui pourrait devenir irréversible dès lors qu’on commence à observer une crise des vocations. VB a contesté cette irréversibilité : la situation pour lui est transitoire.

Concernant les moyens alloués à de l’ESR, nous lui avons fait part d’un sentiment de gâchis de l’argent public disparaissant dans des projets n’ayant que peu d’impact réel sur nos capacités à mener nos projets de recherche, sinon négativement, l’amoncellement d’appels à projets ne faisant que complexifier le paysage. VB s’est lancé dans un plaidoyer des initiatives d’excellence (IDEX, Labex et autres) mises en œuvre pour doter les grandes universités recherche des moyens d’accomplir leurs missions ; plaidoyer dont nous lui avons indiqué qu’il manifestait surtout son éloignement de la situation réelle des laboratoires et des universités. Nous avons aussi souligné les conséquences que va engendrer la baisse du CPER : VB a reconnu les conséquences que cela ne manquerait pas d’avoir sur le financement de l’ESR mais ajouté que nous avions là une illustration de l’ampleur des coupes de budget dans les secteurs qui ne relèvent pas directement de l’autorité du MESR..

Il a insisté pour que nous parlions du CIR. Selon lui, les attaques contre le CIR sont vouées à l’échec, car celui-ci est au cœur de la stratégie du gouvernement. Les niches fiscales que le CIR recèle, que VB a d’ailleurs contestées pour l’essentiel, n’ont rien de particulier. Il ne voit aucune raison de s’attaquer plus spécifiquement au CIR qu’au CICE, voir au Pacte de responsabilité, et nous assure que des économies réalisées sur le CIR ne reviendraient pas à l’ESR.

La suite de la discussion a porté sur l’emploi. Concernant l’emploi des jeunes docteur.e.s, il nous a assuré que le Président partageait nos préoccupations. Nous avons insisté sur le fait que pour la communauté le terme emploi scientifique concernait tous les métiers de l’ESR et qu’il ne s’agissait pas seulement de recruter des enseignants-chercheurs ou des chercheurs mais aussi des ingénieurs et des techniciens dans toutes les branches professionnelles, en sachant que toutes sont touchées par la précarité. Mais pour VB, le problème actuel est un problème de flux de (jeunes) entrants dont la cause est démographique, liée à la baisse des départs en retraite. Ici, la notion de plan pluriannuel de l’emploi ne lui semble pas un sujet tabou. Pour le reste, il affirme que les effectifs de l’ESR sont en augmentation continue et constante depuis plus de 10 ans. Il nous a clairement indiqué que nous ne sommes pas crus quand nous disons que la situation est grave : les prix Nobels récents, la progression de nos universités au classement de Shangaï, la bonne place des auteurs français parmi les « highly cited papers », tout ça manifeste au contraire la bonne forme de l’ESR. Pour le gouvernement, l’Education Nationale et l’ESR restent des priorités mais à l’heure actuelle, être prioritaire peut seulement signifier que le budget ne baisse pas ou qu’il baisse moins que d’autres.

Commentaire des rédacteurs :

Nous ne pouvions pas espérer de ce rendez-vous des annonces, venant d’un conseiller du Président. Néanmoins, la discussion n’a pas laissé augurer que le gouvernement puisse changer de position dans un avenir proche. Le discours tenu par V.Berger est resté très proche de celui de G. Fioraso : la politique menée est la seule possible dans un contexte de fort déficit budgétaire et de désindustrialisation avancée ; comparativement, l’ESR est bien défendue et bien traitée. Comme GF, il nous conseille de ne pas nous acharner sur le CIR et ne reconnaît comme problème que celui de l’emploi des jeunes, mais n’avance pas pour l’instant de proposition pour y remédier. Nos tentatives pour le convaincre du gâchis auquel nous assistons n’ont rencontré aucun écho. Le mouvement lancé il y a plusieurs mois a été relayé par les médias et a touché une partie de la population. Mais il n’a pas fait bouger d’un pouce les pouvoirs publics. L’avenir de notre système d’ESR tient tout entier sur le rapport de forces que nous allons réussir à créer et dans lequel les DU auront un rôle important à jouer.