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Le gouvernement taille à la hache dans les crédits de fonctionnement des universités - Blog "Le Sup en maintenance", 9 mars 2013

vendredi 15 mars 2013, par Mariannick

Lire aussi du même auteur « Une promotion qui passe mal » (12 mars 2013). Où l’on verra que “la continuité, c’est maintenant”.


La ministre l’avait promis, les coupes budgétaires ne toucheraient pas les crédits récurrents des universités. Mme Fioraso avait même annoncé à grand renfort de trompettes à la mi-décembre que les budgets des universités augmenteraient en 2013, de 1,67% à 3,18%. Certains l’ont crue.

En recevant cette semaine les notifications budgétaires pour 2013 ceux-là doivent se souvenir de l’aphorisme du petit père Queuille, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».

Il y a d’abord les lignes qui disparaissent. Évanouie la « compensation boursière », c’est-à-dire la somme que l’État remboursait aux universités pour compenser l’exonération des droits d’inscription dont bénéficient les boursiers. Elle serait maintenant incluse dans la ligne « autres crédits déterminés par le modèle d’allocation des moyens » le célèbre « modèle SYMPA »… En 2012, mon université a reçu à ce titre 169.731 €, une somme qui ne couvre pas d’ailleurs nécessairement la totalité des exonérations. Faire financer par les universités à la place de l’État la formation des étudiants boursiers, voici une belle conception de l’autonomie et de l’action sociale en faveur de la jeunesse.

Il y a aussi les lignes qui s’incrustent. C’est le cas de la dernière ligne : la « réserve de précaution ». La « réserve de précaution » est une fraction des crédits que l’on vous annonce… mais que l’on ne vous donne pas. Encore une « technique de communicant » à la petite semaine pour faire croire que les budgets ne baissent pas. Mais qui peut aujourd’hui s’y laisser prendre ?

Avant que les universités soient autonomes, ces crédits mis en réserve étaient notifiés aux établissements qui avaient la responsabilité de les préserver. Maintenant que les universités sont autonomes, l’État décide à leur place. Il ne donne plus les crédits et lorsqu’il les libère c’est par une politique de guichet. Pour 2013, ce sont -241.656 € perdus pour mon université.

Il y a surtout les lignes qui apparaissent. Cette année, c’est la ligne « Fonctionnement 2013 – contribution au redressement des comptes publics ». Une surprise cette petite nouvelle qui justifie une ponction supplémentaire de -400.427€.

Bien entendu on nous expliquera que la conjoncture est difficile, mais comment accepter qu’une université qui forme près de 20.000 étudiants dont plus de 40% sont boursiers soit pénalisée quand la commission des finances du Sénat a été capable de prélever 4,9 millions d’euros sur les crédits « vie étudiante » pour les donner à l’enseignement supérieur privé à l’automne dernier ? Il y a d’excellents établissements d’enseignement supérieur privé (et de très mauvais également), mais gérer c’est faire des choix et quand l’argent manque, l’État doit logiquement assumer le service public et laisser le secteur privé financer l’enseignement privé.

Et puis il y a la meilleure, ou la plus scandaleuse, cachée dans le tableau annexe qui détaille la masse salariale transférée, la ligne « jour de carence » : -62.344 €. Alors que Marylise Lebranchu annonce la fin du jour de carence en 2013, mesure « injuste, inutile, inefficace et humiliante », sa consœur Mme Fioraso retire aux universités une somme qui correspondrait au montant du jour de carence qu’elles sont supposées prélever sur la paye de leurs agents pendant l’année 2013.

Et la Direction des affaires financières n’y va pas de main morte ! Coût réel du jour de carence pour les personnels de mon université en 2012 : -17.803,71 €. Coût calculé par la DAF : -62.344 € ! Trois fois plus que le coût réel de la mesure.

Récapitulons, 169.731€ de compensation boursière, -241.656 € de mise en réserve, -400.427 € de « contribution au redressement des comptes publics », -62.344 € de rétrocession d’un jour de carence prétendument en cours d’abrogation... total -874.168 € de crédits en moins pour mon université en 2013 !

Que représente cette somme ? Plus que les crédits de « contractualisation » (700.000€) censés traduire le partenariat entre les universités autonomes et le ministère de l’enseignement supérieur. Où est l’autonomie des universités dont Mme Fioraso, après Valérie Pécresse, se fait le héraut ?

Où sont les priorités données à la jeunesse et à la réussite en 1er cycle annoncées lors du lancement des assises de l’enseignement supérieur quand les coupes budgétaires sont trois fois supérieures aux crédits présentés à grand renfort de publicité ?

Mon université a bénéficié de 13 postes en 2013 au titre des promesses du président de la République (362.700 €) et le gouvernement lui retire aujourd’hui près de 900.000 € soit l’équivalent de 31 postes selon les calculs du ministère ! Il ne faudra pas ensuite se lamenter sur la perte de confiance dans la parole politique quand chaque annonce est contredite 3 mois plus tard.

Au final, la LRU aura réussi l’exploit de plonger dans la faillite tout le système universitaire français en moins de 6 ans. Les gouvernements qui se succèdent semblent s’en satisfaire en continuant leur travail de sape contre les universités. Non seulement les universités n’ont aucune autonomie, mais il n’y a pas non plus de politique en faveur des étudiants, notamment des plus précaires.

Tout cela laisse un sentiment d’amertume et d’indignation. Amertume de voir un gouvernement socialiste utiliser les mêmes artifices de communication éculés que la droite employait jusqu’à la nausée. Indignation quand on constate que toutes les promesses faites en faveurs de la jeunesse, des plus défavorisés et du service public de l’enseignement supérieur sont balayées et que l’on se soucie beaucoup plus de préserver les privilèges de quelques-uns ou de satisfaire les clientèles qui frappent à la porte.

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