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"Aucune université ne sera mise sous tutelle financière", assure la ministre de l’enseignement supérieur, Propos recueillis par Nathalie Brafman et Isabelle Rey, Le Monde, 18 septembre 2012

mercredi 19 septembre 2012

A lire sur le site du Monde

Alors que 1,5 million d’étudiants, sur un total de 2,4 millions, font leur rentrée universitaire, Geneviève Fioraso, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, doit tenir, mardi 18 septembre, sa conférence de presse de rentrée. Dans un entretien au Monde, elle reconnaît les difficultés financières d’un bon nombre d’universités, tout en assurant qu’aucune "ne fera faillite". Elle assure qu’elle réussira "à tirer son épingle du jeu" dans le cadre du budget 2013 et s’insurge contre places laissées vacantes dans les formations courtes en deux ans : environ 12 000 pour préparer les BTS (brevet de technicien supérieur) et 8 000 en IUT (institut universitaire de technologie). "C’est intolérable", estime-t-elle. Entretien.

En juin, vous avez annoncé que vingt-trois universités françaises avaient accusé un déficit en 2010 et 2011. Louis Vogel, le président de la CPU [conférence des présidents d’université] ne cache pas son inquiétude concernant les moyens financiers des universités jusqu’en 2013. Quelle est la véritable situation ?

Sans vouloir tomber dans le catastrophisme, la tendance est bel et bien à l’aggravation de la situation financière de certaines universités. Il y a des situations tendues, même si aucune université ne fera faillite ! Onze universités ont accusé un déficit en 2010 et en 2011. Le chiffre de vingt-trois évoqué fin juin portait sur le nombre d’universités en déficit en 2011. Finalement, elles ne seront qu’une vingtaine. Trois universités, dont les comptes étaient en retard, ont finalement présenté un compte positif pendant l’été, après le travail des commissaires aux comptes. Par ailleurs, entre seize et vingt seront en déficit ou auront une trésorerie nulle au début 2013.

La raison de cette situation est très simple : une fois la LRU [loi relative aux libertés et responsabilités des universités] votée, le transfert de la masse salariale, qui représente 90 % du budget des établissements, a été brutal et mal fait. L’évolution des salaires, notamment les effets liés à l’ancienneté, a été fortement sous évaluée de 40 et 50 millions d’euros par an, ce qui, cumulé au fil des ans, représente un manque de 200 millions d’euros. ll n’y a eu aucun accompagnement dans la mise en place de l’autonomie des universités.

Un décret de 2008 prévoit qu’une université accusant un déficit deux années de suite soit mise sous tutelle et que son budget soit établi par le recteur. Allez-vous l’appliquer ?

Non, aucune université ne sera mise sous tutelle. Ce n’est pas notre philosophie. La tutelle rectorale aveugle n’a pas de sens. Elle ne favorise pas l’autonomie. Nous préférons l’accompagnement, pour identifier les causes des déficits, et mettre au point un plan d’action.

Quelle est votre méthode ?

Des équipes d’ingénierie vont travailler avec le rectorat et les universités pour trouver des solutions. Par ailleurs, nous travaillons aussi sur la question du fonds de roulement. La LRU oblige les établissements à avoir un mois de fonds de roulement, comme d’ailleurs tous les établissements publics. Cela n’a pas de sens, étant donné que le paiement des salaires, le premier poste de dépense, est assuré par l’Etat. L’idéal serait que les universités puissent diminuer ce seuil pour avoir un peu plus de marges de manœuvre. Nous travaillons en ce sens avec Jérôme Cahuzac, mon collègue du budget. Enfin, pour les universités réellement sous-dotées, et il y en a, nous mettrons en place des systèmes de péréquation, de mutualisation de certains services. Les 1 000 nouveaux postes dévolus au supérieur seront affectés là où il y en a le plus besoin, avec des objectifs précis. Pour certaines universités, cela peut représenter de 20 à 25 postes.

François Hollande a confirmé, le 9 septembre, que seuls trois ministères (éducation, sécurité et justice) seraient épargnés par les économies. Quel sort sera réservé à l’enseignement supérieur ?

Tous les arbitrages pour le budget 2013 ne sont pas faits, mais je peux vous assurer que nous arriverons à tirer notre épingle du jeu. Le président de la République a placé dans le redressement du pays la formation et la recherche. Je pense qu’on arrivera à distribuer en 2013 plus que ce qui a été réellement débloqué en raison des gels budgétaires

L’augmentation des frais d’inscription à l’université est-elle une piste, notamment pour les étudiants étrangers des pays où il n’y a pas de réciprocité et où les étudiants français paient le prix fort ?

Il n’en est pas question. Nos faibles droits d’inscription sont une chance pour accueillir les étudiants des pays proches, ceux d’Afrique et du Maghreb, et même d’Asie.

Et pour les étudiants français ?

Il n’y aura pas non plus d’augmentation. Ce serait un très mauvais signal adressé aux jeunes des classes modestes. En revanche, nous allons remettre à plat les aides sociales actuelles en vue de la mise en place d’une allocation d’autonomie qui sera distribuée sous conditions de ressources. Nous allons donc revoir le cumul de l’allocation logement et de la demi-part fiscale. Une négociation aura lieu sur ce sujet avec les syndicats d’étudiants en décembre. Notre objectif est que plus aucun étudiant n’ait un travail supérieur à un mi-temps, ce qui est le cas de 15 à 17 % d’entre eux. Or, c’est incompatible avec la réussite.

L’une des vos priorités est la réussite en premier cycle. Comment y parvenir, quels moyens allez vous déployer ?

C’est une mobilisation sans précédent, qu’il faut engager en ayant une vue d’ensemble sur toutes les filières, grandes écoles, IUT, BTS, licence. Il faut revaloriser l’image de l’université, et je fais confiance aux enseignants. Cela devra faire partie des réflexions des Assises de l’enseignement supérieur, qui se tiennent actuellement. L’offre de formations des universités est pléthorique et donc peu lisible : il y a 3 300 intitulés de licence et 6 600 de Master. Une simplification est nécessaire. Mais elle devra être réalisée par les universités elles-mêmes, et non par le ministère de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, les employeurs ont du mal à avoir une visibilité sur les formations universitaires et les jeunes qui ont du mal à décoder les offres de formations sont handicapés.

Les bacheliers professionnels et technologiques ont bien du mal à trouver des places en IUT et en BTS. Ils se retrouvent souvent à l’université, où certains sont en situation d’échec...

Je viens d’écrire aux recteurs d’académie et aux présidents d’université afin qu’ils prennent en priorité ces jeunes en IUT et BTS. Il y a encore des places vacantes dans ces cursus, c’est intolérable ! Cela ne signifie pas qu’on les prédestine à des carrières courtes. Ce que l’on veut surtout, c’est éviter de les envoyer au casse-pipe. Sur cent bacheliers de la filière technologique, seuls dix obtiennent leur licence en trois ans.

Cela signifie aussi qu’ils sont mal orientés...

L’orientation est un sujet essentiel. Nous y travaillons avec Vincent Peillon [ministre de l’éducation]. Notre objectif est de créer un service public de l’orientation territoriale, qui permettra de faire connaître dès le lycée les différents métiers.