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A Paris, un long cortège de "vrais travailleurs" contre Sarkozy, Le Monde, 1er mai 2012

mercredi 2 mai 2012

A lire sur le site du Monde

"Nous n’avons pas à donner de consignes de vote". François Chérèque, le leader de la CFDT, a bien tenté de sauver les apparences, mardi 1er mai, au début de la traditionnelle manifestation. Mais ses précautions ont été balayées par l’ampleur de la mobilisation, qui a clairement tourné en démonstration de force du "peuple de gauche" face au meeting que tenait Nicolas Sarkozy au même moment, à quelques kilomètres, place du Trocadéro.

Sous le soleil et la chaleur, réapparus à Paris pour la première fois du printemps, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans un joyeux capharnaüm, où les syndicats ont eu du mal à tenir l’organisation qu’ils avaient fixée. La police a compté 48 000 personnes, quatre fois plus qu’en 2011, la CGT 250 000, soit 50 000 de plus que ce qu’a revendiqué Nicolas Sarkozy au Trocadéro.

De quoi proclamer que le pari de la mobilisation, lancé par les déclarations de Nicolas Sarkozy, a été clairement gagné par les syndicats. Assaillis de questions par un nombre de journalistes record pas vu depuis les manifestations contre la réforme des retraites, Bernard Thibault et François Chérèque n’ont pu faire partir le cortège qu’à 15 h15.

Un cortège qui a attiré en nombre des nouveaux venus de la fête du travail. "C’est mon premier 1er-Mai, raconte Aurore, 22 ans, chargée de partenariats dans une entreprise de e-commerce, mais aujourd’hui j’ai senti qu’il fallait clairement montrer à qui on appartient et soutenir les syndicats face aux attaques de Nicolas Sarkozy". Elle a voté Mélenchon le 22 avril. " Nous sommes venus pour dire que nous n’avons pas peur des déclarations de Nicolas Sarkozy", abonde un couple de trentenaires, venus tous deux pour la première fois manifester un 1er-Mai.

Les plus expérimentés ont apprécié la différence. "Je viens à tous les 1er-Mai, mais aujourd’hui il est important de montrer que la gauche est là et c’est plutôt réussi", défend Isabelle, retraitée de 61 ans. "Aujourd’hui, c’est assez désorganisé par rapport à un 1er-Mai habituel. Mais c’est assez beau de voir tous ces gens qui se sont mélangés pour dire qu’il y en a marre de Sarkozy", lance Brigitte Guillaud, retraitée de 65 ans.

LA RETENUE N’ÉTAIT QU’APPARENTE

Les leaders syndicaux ont manifesté derrière une banderole sobrement baptisée "Pour la solidarité internationale et le progrès social". Mais, la retenue n’était qu’apparente. Bernard Thibault avait le matin même clairement annoncé qu’il voterait François Hollande. La CFDT faisait discrètement distribuer des auto-collants non siglés mais affichant fièrement : "Nous sommes tous des vrais travailleurs". La politique et la volonté de voir Nicolas Sarkozy battu le 6 mai a clairement pris le dessus sur toutes les autres revendications. Les pancartes "Je suis un vrai travailleur", "Virons Sarko" ou "Sarkon, t’es con" fleurissent un peu partout.

Au moment où le cortège passe devant le point fixe du Parti socialiste, un service d’ordre du PS tente bien d’empêcher les militants politiques de se mêler aux syndicats, mais l’envie est trop forte. Les drapeaux en faveur de François Hollande se mêlent à ceux des syndicats. "C’est choquant que le président ait essayé de diviser une fois de plus, d’opposer en faisant le même jour une contre-manifestation, un contre-1er-Mai en quelque sort ", dénonce Martine Aubry, qui est accompagnée de Ségolène Royal et Manuel Valls.

MÉLENCHON : "LE 1ER-MAI EST ROUGE DEPUIS TOUJOURS"

Un peu plus loin, le front de gauche n’a même pas pris de telles précautions, un orateur demande juste à ses troupes de se serrer un peu pour laisser passer le cortège qui patine à cet endroit. Installé de bonne heure, le point fixe du Front de gauche se voulait imposant. Un stand du PCF, un autre du PG, un troisième commun, une sono et des affiches rouge partout. Sur un tribune improvisée, les leaders du Front de gauche se sont rassemblés pour accueillir la manifestation : Jean-Luc Mélenchon (PG), Pierre Laurent (PCF), Marie-George Buffet (PCF), Martine Billard (PG) ou encore Clémentine Autain (Fase).

Oeillet rouge à la boutonnière et écharpe rouge autour du cou, Jean-Luc Mélenchon a expliqué aux journalistes que "le 1er-Mai est rouge depuis toujours". Pour lui, "ceux qui sont attroupés avec l’à moitié folle là-bas [Marine Le Pen] devant la statue de Jeanne d’Arc ou avec Nicolas Sarkozy n’ont jamais rien fait d’autre que de nous combattre".

Une fois passé le dernier point fixe politique, celui d’Europe Ecologie-Les Verts où Eva Joly et Cécile Duflot s’affichent cote à côte, les manifestants ont enfin la voie libre. A 16 heures, la tête du cortège passe Saint-Michel, la place Denfert-Rocherau n’a pas encore commencé à se vider. Signe de la diversité des revendications, le cortège reste relativement calme.

"IL FAUDRA ALLER LE VOIR À L’ELYSÉE POUR S’ASSURER QU’IL SAUVE NOS EMPLOIS"

Dans une atmosphère bon enfant, les slogans anti-Sarkozy prennent vite le dessus sur tous les autres. "Un quinquennat, c’est déjà trop. Il faut virer Sarko", scandent des militants Sud-Rail. Etudiant à Sciences Po et militant du PS et de l’Unef, Quentin Morel chante sans état d’âme avec eux. "C’est une explosion sympathique, se réjouit-il, Sarkozy avait lancé un défi au peuple de gauche, on l’a gagné".

Placés symboliquement en tête du cortège, les salariés de l’usine PSA d’Aulnay sont un peu moins souriants. Eux scandent surtout leur inquiétude que le constructeur ne décide de fermer le site juste après l’élection. "Nicolas Sarkozy n’a fait que des promesses, il faut voter Hollande, défend bien Nelson, délégué syndical CGT au sein de l’usine, mais après le 6 mai, il faudra aller le voir à l’Elysée pour s’assurer qu’il sauve nos emplois. Mais j’ai bien peur que ça ne change de toute façon rien pour nous", lâche-t-il, inquiet. Un sérieux avertissement pour François Hollande s’il est élu le 6 mai.

Raphaëlle Besse Desmoulières et Jean-Baptiste Chastand