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"François Hollande et les universitaires : une incompréhension ?", "Anne Fraïsse précise sa lettre à F. Hollande", "Le bilan de Sarkozy pour la recherche par Bruno Chaudret (CNRS)", trois billets de S. Huet, blog Sciences2, et un article : "L’Université sur le qui-vive face au PS" Libération, 5 mars

lundi 5 mars 2012

L’Université sur le qui-vive face au PS
Enseignants et chercheurs se sont heurtés rudement à la politique de Sarkozy. Ils se manifestent à nouveau, alors que Hollande doit préciser son programme et tenter de dissiper des malentendus.

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François Hollande et les universitaires : une incompréhension ?

Ce soir François Hollande va tenter de résoudre un « problème de compréhension », avance Vincent Peillon, le responsable du pôle éducation, enseignement supérieur et recherche du candidat socialiste.

Dans son discours à Nancy, et lors de son déplacement dans les Vosges, il doit exposer son programme sur l’Université et la recherche qui fait l’objet d’un vif débat, à gauche et entre universitaires et scientifiques.

François Hollande devrait annoncer la tenue d’assises, débouchant « dès l’automne » espère Peillon sur une nouvelle « loi-cadre » pour l’enseignement supérieur, à la place de la LRU votée en 2007. Mais aussi la création de « 5.000 postes en cinq ans », la réforme du Crédit d’Impôt Recherche pour le conditionner à l’embauche de titulaires d’une thèse, le « rééquilibrage » des crédits entre les appels d’offres (Agence nationale de la recherche) et les crédits de base des laboratoires…

Cela suffira t-il à rétablir la confiance entre le candidat socialiste et ce milieu peu nombreux mais influent ? Pas sûr. Les origines du fameux « problème de compréhension » sont profondes. Elles se traduisent par des paroles vives de la part des universitaires et scientifiques qui se sont mobilisés lors du mouvement de 2009, la plus longue grève d’universitaires depuis 1968.

Anne Fraïsse, présidente de Montpellier-3, écrit une lettre salée à Hollande . Les animateurs du mouvement de 2009, soutenus par Sauvons l’Université et Sauvons la Recherche, expriment dans « L’Appel du 23 février » leur volonté de voir les revendications de 2009 écoutées par le pouvoir politique.

Cet après-midi, à l’Institut Cochin, une brochette d’universitaires et de scientifiques fera la promotion du texte de deux neurobiologistes, Yehezkel Ben-Ari, grand prix de l’Inserm et Joël Bockaert, de l’Académie des sciences, qui réclame la mise à bas de l’ensemble des réformes sarkozystes. Le C3N (le Comité national du Cnrs et ses conseils scientifiques) déclare : « Contrairement à ce que disent François Hollande et Nicolas Sarkozy, la réforme de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n’est pas une réussite ! ».

Pourquoi « nous prête t-on des propos qui ne sont pas les nôtres ? », s’interroge Peillon. Qui affirme avoir été « choqué par la lettre d’Anne Fraïsse, les gens ne s’écoutent plus, il y a des préjugés. Il faut dépasser cela, retisser les liens après les traumatismes. » Les traumatismes ? Peillon précise : « je suis frappé de voir à quel point le milieu est profondement atteint, y compris dans son intégrité morale, sa vocation, par les réformes et le discours de Sarkozy, les mécanismes de mise en concurrence qui ont créé aussi des fractures en fonction des positions des uns et des autres dans le nouveau système. Il faut reconstruire de la cohesion, au bénéfice du plus grand nombre ».
L’analyse de Vincent Peillon n’est pas fausse. Mais très incomplète, voire un peu faux cul. C’est le résultat des divisions qui ont traversé la gauche - les positions du PCF, du parti de gauche et des écologistes ont été beaucoup plus nettes dans leur soutien au mouvement de 2009 et la dénonciation des structures mises en place par le pouvoir - mais aussi le PS, les universitaires et scientifiques durant cinq ans.

Des universitaires, proches ou membres du PS, n’ont pas caché qu’ils partageaient certaines réformes. Le premier directeur de cabinet de Valérie Pécresse, Philippe Gillet qui a joué un rôle important dans le jury des IDEX, ne s’était-il pas engagé pour Ségolène Royal ?

Les annonces de « milliards supplémentaires », à distribuer par des appels d’offres compétitifs, avec gagnants et perdants, ont certes opposés ceux qui espéraient faire partie des premiers - les universités « intensives en recherche » - et les autres - les petites, les sciences humaines et sociales, les producteurs d’une recherche plus éloignée de la valorisation économique.

Mais certains socialistes confiaient, in petto, que la LRU, la réforme de la gouvernance des universités, la politique de concentration des financements... ils n’étaient pas contre. Le discours déprisant la recherche et l’université avait un fort écho. Il y avait une base objective à cette réaction. Comme je l’ai écrit en 2009, ne pas avoir réformé à gauche l’enseignement supérieur entre 1997 et 2002 ouvrait grande l’autoroute à des réformes de droite car elles pouvaient s’appuyer sur des problèmes réels non résolus (premiers cycles, carte universitaire, relations avec les organismes de recherche, gouvernance...) et prétendre s’y attaquer.

Ce discours a eu un large écho chez certains socialistes, à la CFDT ou au SNES qui a trop longtemps été la dupe du gouvernement sur la mastérisation, et plus largement dans une gauche pas très à gauche. Par exemple, Laurent Joffrin m’a soutenu, au début du mouvement de 2009 "mais enfin, ces réformes elles sont bien non ?". La crise de confiance entre les universitaires et Le Monde ressortit aussi de cette logique qui a vu, durant des mois, un des journalistes du Monde se montrer incapable de compter jusqu’à cinq et croire au discours de la "mastérisation" comme un allongement des études (lire ici et ici sur le site d’Acrimed des analyses de cet épisode).

Le paradoxe, c’est que le mouvement de protestation, lui, n’était pas spécialement le fait de dangereux gauchistes ou de la frange la plus à gauche du milieu universitaire et scientifique. L’engagement de Qualité de la science française, de présidents d’Universités plus centristes que gauchistes comme Georges Molinié (Paris-IV, certaines prises de positions de la Conférence des Présidents d’Université, l’engagement jusquà la grève de personalités comme le juriste Olivier Beaud, le refus très large et allant bien au delà de la gauche, de la réforme de la formation des enseignants, dont tout le monde reconnait aujourd’hui - jusqu’à la Cour des Comptes - que ce fut une mauvaise réforme... Au vrai, dans ce mouvement il y avait vraiment beaucoup de monde et s’y exprimait le sentiment que l’Université et les universitaires étaient mal-traités depuis longtemps. "On aurait dû faire grève depuis longtemps", lachait même Olivier Beaud, lors d’un débat.

Du coup, au bout d’un mois de grève, le PCF, le PS et les écologistes signaient ensemble un texte qui affirmait clairement leur opposition à la LRU.

En outre, le résultat actuel des réformes n’est pas à 100% celui dont rêvaient la droite et Nicolas Sarkozy. La résistance à la mise à l’écart des premiers cycles et des SHS a fait que la plupart des PRES regroupent les Universités toute entière et non seulement les mastères et doctorats. La fusion des universités en province à en fait des partenaires plus puisssants mais pas nécessairement plus dociles au pouvoir politique. Le programme blanc de l’ANR a été augmenté. Le Cnrs n’a pas été transformé en simple agence de moyens comme l’avait annoncé Sarkozy....

Le débat sur le bilan de Sarkozy porte aussi sur les moyens. Les annonces répétées de milliards supplémentaires, largement fictifs, ont surtout permis de différer les dépenses réelles. Résultat ? Alors que nombreux, y compris au PS d’après Peillon, croient que la recherche fut une priorité, « les directeurs des laboratoires reçoivent des dotations pour 2012 en chute libre, jusqu’à 80% pour l’Institut des sciences de l’univers du Cnrs !, explique Bruno Chaudret, président du Conseil scientifique du Cnrs. Ce sont les recherches libres qui ont le plus diminué sous Sarkozy alors qu’elles ont in fine le plus contribué à l’industrie. » Pour lui, un chiffre résume le bilan de Sarkozy : « la France occupe désormais la vingt-sixième position (sur 32 classés par l’OCDE) pour le budget civil de la recherche rapporté au PIB. »

François Hollande a promis que les gagnants de ces compétitions toucheraient bien leur lot. D’où sa formule sur « l’accélération des investissements d’avenir » qui a ulcéré Anne Fraïsse. Problème : comment financer le reste du système universitaire, asphyxié ?

Commment le PS fait-il face à cette « incompréhension » ?

Pour lire la fin du billet sur le blog de S. Huet


Anne Fraïsse précise sa lettre à F. Hollande

Présidente de l’Université Paul Valéry (Montpellier-3), Anne Fraïsse fut l’une des figures de pointe du long (jusqu’à 14 semaines) mouvement de grève des universitaires en 2009.

Membre du bureau de la Conférence des Présidents d’Université, elle a récemment publié une « lettre ouverte à François Hollande », - lire cette note - aujourd’hui cosignée par de nombreux universitaires, où elle fait part de « sa colère » devant la faiblesse de ses propositions pour l’université - lire une analyse de cette questions des relations entre François Hollande et les universitaires et scientifiques, alors que le candidat socialiste doit s’exprimer ce soir sur l’enseignement supérieur et la recherche. Elle précise ici le sens de sa démarche. Sa dernière réponse vise manifestement la réaction d’Axel Kahn (qui vient d’être remplacé comme président de l’Université Descartes Paris-5 par Frédéric Dardel) à sa lettre ouverte.

« Votre lettre à François Hollande est très virulente. Pourquoi tant de colère ?

Anne Fraïsse : La virulence de mon interpellation de François Hollande est à la mesure de ma colère contre la politique du gouvernement. Les électeurs qui votent socialiste - j’en fait partie - n’ont pas envie d’entendre un discours lénifiant dans la continuité directe de ce qui s’est fait sous Nicolas Sarkoy. Le parti de François Hollande et ses électeurs se sont battus contre la LRU, et les autres décisions néfastes, comme la réforme de la formation des enseignants. Or, et hélas, dans le discours de François Hollande, du moins au moment où j’ai écrit cette lettre, on n’entendait pas cette voix-là, mais la simple évocation d’une réforme de certains aspects de la LRU, voire « l’accélération » du financement des projets dits d’excellence.

Est-ce là ce que l’on doit mettre en premier dans un programme de gauche ? Comme le montrent les réactions des collègues à cette lettre, nous sommes nombreux à ne pas rechercher un vote seulement « utile » pour changer de Président, mais utile aussi pour le programme de gauche que nous voulons défendre.

Nicolas Sarkozy prétend avoir accompli « un effort historique en faveur des Universités », vous le qualifiez de « duperie », pourquoi ?

Anne Fraïsse : Le discours tenu depuis 2007 par le pouvoir politique prétend que l’Université aurait bénéficié d’une douche de milliards. La réalité est autre. Après une première année, en 2007-2008, où il y a eu un véritable effort en faveur des universités, nous sommes passés dans un univers aberrant où la compétition entre Universités est devenue le seul mode d’accès aux financements nécessaires. Lesquels financements ne prenait pas la forme de crédits réels, mais des emprunts d’Etat, et des dotations en capital dont seuls les intérêts, après ces compétitions, seraient réellement disponibles. Le résultat ? Cet argent n’est pas arrivé dans les Universités. Nicolas Sarkozy laisse non des campus rénovés, mais des dettes ! Et plusieurs universités sont en grandes difficultés financières pour leurs dépenses courantes portant sur les missions essentielles de formation et de recherche.

Pour lire la suite du billet sur le blog de S. Huet.


Le bilan de Sarkozy pour la recherche par Bruno Chaudret (CNRS)

Bruno Chaudret, chimiste et membre de l’Académie des sciences, élu par ses pairs, est Président du Conseil scientifique du Cnrs. Il répond aux questions de Sciences² sur la politique de recherche de Nicolas Sarkozy et ses attentes en perspective d’une alternance politique en 2012.

Ce matin, j’ai publié une longue note sur "l’incompréhension" persistante entre certains universitaires de gauche et François Hollande quant à la politique à mener après avoir changé de Président de la République.

Quel bilan tirez-vous du quinquennat de Nicolas Sarkozy pour la recherche française ?

Bruno Chaudret : Il en a beaucoup parlé pour faire croire que c’était une priorité de son gouvernement. La réalité est très différente. L’argent ? Les directeurs des laboratoires reçoivent des dotations pour 2012 en chute libre, jusqu’à 80% pour l’INSU - Institut des sciences de l’univers du Cnrs ! Les structures ? Celles qui ont organisé nos succès scientifiques par leurs choix structurants et collectifs, le CNRS en particulier, ont été affaiblies et sous-financées. La mission centrale du Cnrs, l’avancée des connaissances, est soumise à l’objectif de participer à l’économie de la connaissance. Un non-sens puisque l’histoire des sciences montre que ce sont les recherches libres qui ont in fine le plus contribué à l’industrie, recherches libres qui ont le plus diminué sous Sarkozy.

L’emploi scientifique ? Il stagne en terme de postes stables, mais des milliers d’emplois précaires peuplent toujours nos laboratoires. Sarkozy n’a absolument pas redressé la situation, au contraire puisque la France occupe désormais la vingt-sixième position (sur 32 classés par l’OCDE) pour le budget civil de la recherche rapporté au PIB. L’empilement des structures nouvelles, des appels d’offres et compétitions permanents pour le moindre sou épuisent les chercheurs qui gaspillent leur temps et leur énergie à remplir des dossiers dont l’énorme majorité sera refusée au lieu de réaliser des travaux de recherche effectifs. Le sentiment d’humiliation provoqué par le discours de Sarkozy en janvier 2009 est toujours là.

Pourquoi refuser la compétition comme mode de financement de la recherche ?

Bruno Chaudret : Au lieu de définir une politique cohérente, ces modes de financement ont organisé des concours entre projets au prix de la casse des structures de base de la recherche, les laboratoires mixtes Cnrs/université, ou Inserm/université. La recherche exige solidarité, collaborations locales, nationales et mondiales, mais aussi l’aiguillon de la compétition… Je ne connais pas de chercheur qui refuse la compétition, mais elle se déroule avec ses pairs au niveau mondial. Sarkozy en a mis partout – entre individus (primes), équipes, laboratoires, universités et régions. Mais si l’émulation est bonne lorsqu’elle sert à faire avancer les connaissances, cette concurrence à tous les niveaux est stérile. Donner plus d’argent aux meilleurs ? Imaginer que c’est le moteur intime des chercheurs ne fait qu’illustrer la méconnaissance de la science par nos élites politiques. Est-ce que la compétition entre projets de nature et objets différents favorise l’émergence de sujets nouveaux, risqués, aventureux mais porteurs de ruptures en cas de succès ? Non, un système basé sur les appels d’offres encourage en général la conformité et les thématiques déjà bien établies. Derrière les prix Nobel ou les médailles Fields, on trouve la recherche libre.

Attendez-vous d’une alternance politique en 2012 qu’elle mette en cause les structures mises en place par la droite ?

Pour lire la suite du billet sur le blog de S. Huet