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Proposition de création d’une commission d’enquête sur l’état de l’école - Assemblée Nationale, 3 novembre 2011

jeudi 10 novembre 2011, par Mariannick

présentée par les Députés

Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2011.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur les conséquences des décisions prises depuis 2007 sur l’état de l’école, sur l’aggravation des inégalités scolaires et sur la remise en cause du droit à l’éducation,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’école va mal, est en crise ou à bout de souffle. Tels sont les constats entendus depuis maintenant une vingtaine d’années au sujet de notre système éducatif. Et de noter, étude après étude, qu’au défi de la massification, engagée entre le décret Berthoin de 1959 portant la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et la réforme Haby de 1975 instaurant le collège unique, ne répond toujours pas celui de la démocratisation tel qu’envisagée dès 1943 dans le programme du Conseil National de la Résistance ou en 1947 avec le plan Langevin-Wallon.

« Comment la mise en œuvre du principe égalitaire dont se réclame l’école unique a-t-elle pu laisser subsister une telle inégalité des chances ? Comment quarante ans d’entreprises visant à l’éradiquer – ou, ce qui revient au même, à en finir avec l’échec et la difficulté de masse – ont-elles pu avoir une efficacité aussi relative ? » s’interrogeait déjà en 2002 le sociologue Jean-Pierre Terrail en remarquant que « quatre décennies de mobilisation contre l’échec scolaire ont permis une sorte de révolution culturelle de masse. Mais l’écart des chances de réussite selon l’origine sociale n’a pas bougé d’un iota, et jamais le malaise dans la scolarisation n’a paru aussi sérieux » [1].

La réponse tient sans doute pour une très large part à la structure même de notre système éducatif et à la persistance de son mode de fonctionnement ségrégatif qui s’appuie principalement sur la mise en concurrence des élèves et des établissements. Mais les contenus et les pratiques à l’œuvre à l’école n’en finissent pas non plus de poser question.

« Tant que les connaissances enseignées seront réduites à de simples “utilités scolaires”, complètement déconnectées des questions qui leur ont donné naissance dans l’histoire des hommes, tant que l’évaluation des élèves s’attachera essentiellement aux “produits”, négligeant les progrès effectués par chacun, tant que nous encouragerons la concurrence effrénée entre les personnes au détriment de la coopération, tant que nous ne mettrons pas tout en œuvre pour imposer une “pédagogie du sens” contre une “pédagogie du bachotage”, c’est de l’intérieur que la marchandisation triomphera... livrant l’école toute prête à la privatisation et au marché » [2] mettait aussi en garde Philippe Meirieu en 2001.

Aussi l’échec des remèdes apportés ici ou là a peu à peu révélé la nécessité d’engager une transformation profonde de notre système scolaire tant sur le plan de sa structure que de son fonctionnement et de ses contenus.

Jeter les bases d’une école de l’égalité, de la justice et de la réussite scolaire de tous les jeunes, telle fut l’ambition de la proposition de loi déposée par les parlementaires communistes, républicains, citoyens, au cours de la précédente législature.

Est-on encore aujourd’hui en mesure de donner corps à cet espoir de « révolution scolaire » ?

Sous couvert de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », dix années de mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne ont sans conteste donné encore plus de champ aux forces libérales et de droite pour essayer de conformer l’école de la République aux principales fonctions qu’elles lui assignent : tri social et formation selon un référentiel de compétences plutôt que de savoirs ou de connaissances.

Mais l’offensive faite au service public d’éducation a sans aucun doute atteint un sommet avec l’élection de l’actuel président de la République.

En 2007, l’OCDE pointait déjà du doigt la France parmi les plus mauvais pays pour l’ascension sociale, en montrant par exemple notre faible capacité à amener les jeunes dont le père exerce une profession manuelle à faire des études supérieures.

Près de quatre ans après, le Conseil économique, social et environnemental a révélé que notre système éducatif avait cessé dans la période récente d’être un facteur de réduction des inégalités pour être désormais responsable de leur aggravation.

De la sorte que si l’école avait échoué jusqu’alors à devenir l’ascenseur social que l’on peut observer dans quelques pays, la plupart des réformes imposées en France depuis 2007 auront probablement constitué le levier décisif de sa transformation en outil du déclassement.

De nombreux autres indicateurs – stagnation de la part d’une classe d’âge parvenant au niveau du baccalauréat, augmentation de la proportion d’élèves sortant du système scolaire sans diplôme ni qualification, persistance de graves lacunes dans l’acquisition des savoirs fondamentaux, etc – interpellent violemment quant à la capacité de nos dirigeant-e-s à préparer la société de demain.

Quelles décisions ont pu conduire à ce désastre ?

Lire la suite ainsi que les notes sur le site de l’Assemblée Nationale


[1Jean-Pierre Terrail, De l’inégalité scolaire, La Dispute, 2002, p. 12-13

[2Philippe Meirieu, Stéphanie Le Bars, La machine-école, Folio actuel, 2001, p. 231-232.