Accueil > Revue de presse > Education : le prix des suppressions de postes - Lucie Delaporte, (...)

Education : le prix des suppressions de postes - Lucie Delaporte, Mediapart, 29 août 2011

mardi 30 août 2011, par Elie

Pour lire cet article sur le site de Mediapart.

C’est une enquête particulièrement précieuse que vient de rendre publique le SNPDEN, principal syndicat des chefs d’établissement. Menée auprès d’un panel de 1500 collèges et lycées, elle permet d’observer au plus près du terrain – là où les radars ministériels ne fonctionnent étrangement plus – les conséquences concrètes des 16.000 nouvelles suppressions de postes pour cette rentrée.

Alors que le ministère, année après année, assure que les suppressions de postes – plus de 60.000 depuis 2007 – n’ont aucune incidence sur la scolarité des élèves, le SNPDEN a voulu prendre les devants et interroger les chefs d’établissements sur le coût réel de ces baisses d’effectifs.

Les résultats de cette enquête (lire le pdf en cliquant ici) sont d’autant plus intéressants que, comme a tenu à le souligner le secrétaire général du SNPDEN Philippe Tournier, parallèlement aux opérations de communication du ministère, s’est installée « une opacité croissante sur ce qui se passe à l’école. On a des systèmes d’information dans l’Education nationale dont la caractéristique principale est de n’informer sur rien ». Le syndicat a donc interrogé directement ses adhérents pour connaître leur façon de résoudre l’équation : Comment faire toujours plus avec toujours moins ? Quels sont leurs leviers ? Qu’ont-ils choisi de sacrifier ? Autant d’informations évidemment capitales mais que le ministère se garde bien de collecter, ou de publier.

Première variable d’ajustement pour gérer la pénurie : proposer, ou imposer, des heures sup au-delà des obligations réglementaires. Il apparaît ainsi qu’une partie des suppressions de postes sera « absorbée » par l’explosion des heures supplémentaires (+6,7% au lycée général soit 2,2 heures par poste), bien souvent attribuées d’office aux enseignants. Elles représentent en moyenne l’équivalent de quatre postes « économisés » pour un établissement qui en compte 42.

Alors que les enseignants ont le droit de refuser plus d’une heure sup, l’enquête montre qu’en réalité « dans un établissement moyen du panel où les professeurs refuseraient ces heures, il y aurait 28 heures (hebdomadaires) non assurables, soit l’équivalent des horaires d’une classe ». Des chiffres qui démontrent que le système ne tiendrait donc pas aujourd’hui sans l’implication, bien au-delà de leurs obligations légales, des équipes enseignantes… Mais pour combien de temps ?

12% des établissements affirment ne plus pouvoir respecter les horaires nationaux

Au-delà du recours aux heures supplémentaires, l’un des leviers les plus utilisés par les chefs d’établissement (33%) pour boucler leur rentrée est la suppression des cours à effectifs réduits (RGPP du ministère de l’éducation). Le principal d’un collège raconte ainsi « l’impossibilité de faire des groupes réduits en sciences et en langues où il est difficile de travailler l’oral en classe de trente élèves ».

L’augmentation des effectifs est particulièrement difficile à gérer dans certains établissements : « autour de certaines machines, les élèves ne doivent pas être plus de douze ou de quinze. Ils sont trente, comment je fais ? » s’alarme un proviseur de lycée professionnel.

Autre « gisement d’efficience » selon l’expression employée rue de Grenelle : sabrer dans l’aide aux élèves en difficulté. Un tiers des établissement déclarent l’avoir réduite. L’accompagnement personnalisé en lycée ou les projets éducatifs, autant de dispositifs par ailleurs vantés par le ministère, sont aussi les plus fréquemment sacrifiés. « On supprime tout ce qui est qualitatif. L’objectif du ministère, c’est que surtout les suppressions de postes ne se voient pas. Cela ne se verra pas forcément le 5 septembre, mais cela se verra dans Pisa 2012 », prévient Philippe Tournier (enquête sur le niveau scolaire des élèves de l’OCDE).

Au final, malgré ces « marges », 12% des établissements affirment ne plus pouvoir respecter les horaires nationaux ! Les établissements qui s’en écartent le plus, pointe l’enquête, sont d’ailleurs ceux classés comme « moyens » ou « un peu défavorisés » (14%). Un décrochage pour le moins inquiétant…

Autre résultat troublant de l’enquête : elle montre que les postes ont été en priorité retirés aux collèges et lycées en difficulté (leur taux d’encadrement recule de 2,4% en moyenne, avec une chute de – 3,8% dans les lycées professionnels) alors que, selon ce panel, les collèges et lycées favorisés ont vu, eux, ce taux augmenter de 0, 43%... « On prend plus à ceux qui ont moins », tranche Philippe Tournier, par ailleurs proviseur à Créteil.

Mais tout va bien puisque cette année encore, le ministère devrait se réjouir, a ironisé le secrétaire général du SNDPEN, d’une nouvelle rentrée « techniquement réussie ».