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Lettre de la CPU n° 68 - 29 avril 2011

samedi 30 avril 2011, par Laurence

À l’heure où l’Elysée publie sur son site un bilan d’étape de la mise en œuvre des différentes mesures pour l’enseignement supérieur et la recherche, depuis 2007, le bureau de la CPU a été reçu, mercredi 27 avril, par le Président de la République. Cette rencontre intervenait quelques jours après les échanges de la dernière réunion de la CPU plénière. Elle a permis de rappeler plusieurs principes et positions communs aux membres de notre Conférence.

La majorité des présidents salue l’ambition des mesures mises en œuvre depuis 2007 et souhaite que la poursuite de la politique d’investissements d’avenir s’articule avec les autres aspects de la politique universitaire et vienne à la fois les conforter et les inscrire dans la durée : acquisition des RCE, plan campus, rénovation du cycle licence, vie étudiante, meilleure reconnaissance de l’engagement des chercheurs et des enseignants-chercheurs...

Ces mesures ne pourront être menées à terme si elles ne sont pas suivies d’un accompagnement et d’une augmentation des financements récurrents de nos établissements, constatée depuis 2007 et qui doit être poursuivie : c’est une condition essentielle pour hisser notre enseignement supérieur au niveau des autres pays développés, reconnaître la place de notre pays dans la société et l’économie de la connaissance et emporter l’adhésion de la communauté universitaire.

Le bureau de la CPU a rappelé son souhait, comme cela a été le cas dans les initiatives d’excellence allemandes, que les présidents d’université soient associés à l’élaboration de la seconde phase des investissements d’avenir. Dans le prolongement des échanges qui se poursuivent avec la Ministre comme avec le Commissaire général à l’investissement, cette association permettra d’embrasser des domaines qui ne figurent pas dans les premiers appels à projets, et d’ouvrir le nouveau champ des innovations pédagogiques. Elle confortera de plus, comme cela a déjà été le cas dans les premiers résultats, le fait que l’identification de quelques pôles à visibilité internationale n’est pas exclusive de l’existence, ailleurs, dans des sites moins vastes, de centres de recherche d’excellence à vocation nationale, qui contiennent en germe les promesses des pôles internationaux des prochaines décennies.

Dans cet esprit de reconnaissance de l’excellence sur l’ensemble du territoire national, le bureau de la CPU s’attachera à proposer aux différents candidats à l’élection présidentielle la contribution et les ambitions des présidents d’université rassemblés – qui sont ceux de la communauté universitaire et des membres de nos conseils d’administration – afin de nourrir leurs projets en matière d’enseignement supérieur et de recherche et les invitera à prendre positions sur ces sujets.

Election du ‘board’ et du futur président de l’EUA : une EUA plus féminine et plus méridionale

Les élections du board et du futur président de l’EUA se sont déroulées lors de l’assemblée de ses membres, à Aarhus, le 14 avril dernier. A partir de 2012, la Portugaise Helena Nazaré présidera l’association européenne des universités. C’est la première fois qu’une femme préside cette association, interlocuteur de référence en matière d’enseignement supérieur au plan européen, qui regroupe environ 850 membres. Héléna Nazaré sera ainsi la quatrième présidente de l’EUA, succédant, dans l’ordre chronologique depuis la création de l’association, au Français Eric Froment, à l’Autrichien Georg Winckler et au Suisse Jean-Marc Rapp.

Les élections du board marquent par ailleurs une progression nette de la parité : trois des cinq élus au ‘board’ – Conseil d’administration de l’EUA – sont ainsi des femmes : l’Espagnole Ester Gimenez-Salinas, l’Islandaise Kristin Ingolfsdottir ainsi que l’Allemande Margret Wintermantel. Elles rejoindront donc les 3 autres membres, dont le mandat dure jusqu’en 2013, parmi lesquels Jean-Pierre Finance, président de l’Université Henri Poincaré. Quatre des neuf membres du council seront donc des femmes. Le bureau de la CPU s’est félicité de cet excellent résultat, le board de l’EUA étant dorénavant plus représentatif de l’ensemble des personnes travaillant dans les universités.
Cette évolution notée à l’EUA n’est cependant pas encore générale : au niveau des présidents d’universités, les femmes restent cependant minoritaires. A titre d’exemple, parmi les 14 présidents des universités néerlandaises on trouve seulement deux femmes, dans un pays en avance sur les questions de parité. En France, sur 81 universités, 11 sont présidées par des femmes.

Autre aspect notable : les élections à l’EUA marquent une présence accrue de l’Europe du Sud au sein de l’association.
En effet, avec l’espagnole Ester Gimenez-Salinas, l’Espagne y sera représentée pour la première fois depuis la création de l’organisation, il y a dix ans. Helena Nazaré, présidente à partir de 2012, était présente au board de l’EUA depuis 2 ans. Cette présence traduit une certaine dynamique dans les universités ibériques, très présentes lors de l’assemblée des membres à Aarhus, avec une prise de conscience renforcée des enjeux européens. Cela peut contribuer à rééquilibrer la forte présence des représentants des pays de l’Europe du Nord et de l’Ouest à l’EUA dans les années passées. Trois pays latins de l’Europe du Sud seront donc présents au ‘board’ de l’EUA, l’Italien Giuseppe Silvestri y restant jusqu’en 2013. Dans ces pays, la vision de l’Université, de sa place dans la société, de son organisation est souvent proche de celle de la CPU.

L’EUA devient également plus méditerranéenne d’une autre manière : le principal groupe national était en effet formé par les présidents turcs, généralement très présents dans les assemblées de l’EUA.

La forte mobilisation des universités françaises à ces élections doit être soulignée. Avec une quinzaine de représentants présents et une vingtaine de voix par délégation, elles détenaient plus de 10% des votes. Avec 64 membres sur les 850 de l’EUA, les universités françaises ne représentent pourtant seulement que 7,5 % des établissements membres de l’EUA.

Ces élections ont rassemblé plus de 300 représentants des universités européennes. C’est le signe de la confiance des établissements dans la force et le poids de l’EUA. Avec les importantes négociations autour de tous les programmes pour la période de financement de 2014 à 2020, l’EUA – et au sein de l’EUA, la CPU – aura plus que jamais un rôle à jouer auprès les instances de l’Union Européenne.

Rencontre avec les membres de la CP2U...

7ème article présentant la nouvelle CP2U élue le 16 décembre dernier. Cette semaine, rencontre avec Jean-Pierre Finance, président de l’université Henri Poincaré – Nancy1 et Gilbert Casamatta, président de l’INP Toulouse.

1/ Pourquoi avez-vous choisi de vous présenter au CA de la CPU ?

Jean-Pierre Finance : Je suis à la CPU depuis de nombreuses années maintenant, et depuis 1994, j’ai eu la chance de pouvoir participer à presque toutes les CP2U. Le conseil d’administration de la CPU reste selon moi un endroit assez exceptionnel pour pouvoir contribuer à l’évolution des universités. C’est un observatoire où sont regroupées une grande partie des connaissances sur l’actualité, la vie et l’évolution du système de l’enseignement supérieur. Ainsi, dans une instance de taille humaine nous pouvons avoir de vrais échanges permettant de débattre des grandes lignes d’actions. Pour moi c’est un élément majeur, être au conseil d’administration de la CPU permet de s’investir, de réfléchir et d’intervenir directement dans l’évolution du système universitaire français. C’est dans ce contexte que j’ai pensé utile de pouvoir apporter aux autres membres du CA un certain recul historique sur différents dossiers.

Gilbert Casamatta : Pour y représenter la diversité des membres de la CPU, où, l’INP de Toulouse, université formée uniquement d’écoles œuvre au rapprochement entre les deux univers. Ce climat d’ouverture du CA a été confirmé dans cette mandature car j’ai été rejoint au CA par Jean-Yves Mérindol, directeur de l’ENS Cachan.


2/ Quels sont les grands dossiers dans lesquels vous allez plus particulièrement vous investir ?

Jean-Pierre Finance : La dimension européenne des universités sera un chantier important pour moi cette année. Ayant été élu au Board de l’EUA (Association européenne des universités) en 2009, je souhaite mettre à profit ce mandat pour favoriser un rapprochement plus fécond entre la CPU et l’EUA.
Il y a également un certain nombre d’autres dossiers dans lesquels je me suis impliqué notamment ceux de la qualité, de l’évaluation et des classements (ranking). Sur le premier sujet, un comité qualité est en train d’être créé avec Nadine Lavignotte, comité au sein duquel je serai référent pour le CA. D’autre part, je vais également travailler sur des sujets ayant trait à la dimension numérique, en particulier en matière d’information scientifique et technique (IST). A la demande de la CPU j’avais accepté la présidence de l’ABES (Agence Bibliographique de l’Enseignement Supérieur), et j’ai également été élu à la présidence du consortium Couperin dédié à l’acquisition de ressources documentaires ; cette double responsabilité permet à la CPU d’être présente et d’interagir fortement avec ces structures dédiées à l’IST. Plus généralement concernant le numérique sous différents aspects, un groupe de réflexion a été mis en place avec Alain Brillard et Jacques Fontanille.

Gilbert Casamatta : C’est mon deuxième mandat au CA de la CPU. Au cours du premier mandat, Lionel Collet, nous avait chargés, Jean-Pierre Finance, Christian Forestier et moi-même, de travailler à la convergence entre écoles et universités et d’imaginer de nouveaux ensembles universitaires ; nous devions également réfléchir aux liens entre PRES et Universités autonomes et à l’évolution de la LRU.
Aujourd’hui, élu président du PRES "Université de Toulouse", j’ai l’occasion de développer une expérience concrète sur les rapports entre PRES et Université.

Je participe également aux travaux de la Commission Recherche et de la CORIE (Commission des relations internationales et européennes). Au niveau de la Commission Recherche, accompagné par Danièle Hérin, présidente de l’Université Montpellier 2, je représente la CPU au Conseil de l’alliance AllEnvi, je participe aux travaux du Comité de Valorisation Covallenvi et à l’élaboration d’un projet de Consortium de Valorisation Thématique ; plus globalement dans le domaine de la valorisation qui m’est cher, je suis le correspondant de la CPU auprès du réseau CURIE. Au titre de la CORIE, je représente la CPU au Centre de Coopération Universitaire Franco-Bavarois et je participe au mieux de mon agenda à des rencontres internationales.

3/ Quels sont pour vous les enjeux les plus importants pour l’enseignement supérieur dans les années à venir ?

Jean-Pierre Finance : Je pense qu’il existe aujourd’hui un vrai problème de cohérence du dispositif national concernant l’enseignement supérieur et la recherche. Nous sommes engagés dans un débat, qui existait déjà, mais qui est aujourd’hui vraiment sur la place publique, entre ce que l’on peut appeler « la compétition » et « la coopération ». Il me semble que le vrai débat pour les universités en France mais aussi en Europe est de savoir comment traiter et aborder ces deux dimensions. Il faudra que les universités trouvent de bons équilibres dynamiques, c’est-à-dire des équilibres qui ne soient pas figés mais qui évoluent au cours du temps entre ces deux aspects. De manière schématique, il y a d’un coté la logique LRU et d’un autre la logique PRES, qui doivent s’articuler. En effet, les présidents d’universités vont devoir mutualiser de plus en plus et définir des partenariats à différentes échelles géographiques mais ils devront dans le même temps, valoriser et promouvoir leur établissement et le rendre plus efficient et plus attractif.
Un deuxième enjeu est selon moi également très important, c’est celui de la durabilité et de ce fait celui du financement des établissements universitaires. Les universités font face à de plus en plus de besoins en équipements, en bâtiments et en personnels et ne peuvent plus se contenter de moyens réduits. De plus, les moyens de l’état sont eux-mêmes de plus en plus limités. Les questions d’augmentation des droits de scolarité, de sponsoring privé, de fondations vont commencer sérieusement à émerger. Le vrai défi de nos établissements d’ici 10 ans sera leur financement en cohérence avec leurs missions de service public.
Enfin, comme je l’ai déjà évoqué auparavant, le positionnement des universités françaises à l’Europe et à l’international va devenir stratégique. Notre culture, nos spécificités structurelles, nos spécificités de société font que notre réflexion reste toujours trop hexagonale. A quand de vraies universités européennes ? Actuellement, en Lorraine, nous travaillons à la création de « l’Université de la Grande Région » qui associe l’université de Liège, du Luxembourg et trois universités allemandes dans un consortium. Notre objectif est d’intensifier les échanges d’étudiants, de renforcer des écoles doctorales communes, de multiplier les diplômes conjoints etc. Je pense que les universités françaises vont certainement de plus en plus s’impliquer dans le développement européen, dans l’émergence d’universités européennes.

Gilbert Casamatta : Les enjeux sont multiples. D’abord, il faut que les établissements « digèrent » les rafales de réformes qui ont "animé" le paysage universitaire depuis quatre ans, qu’ils soient confirmés dans leur rôle d’opérateurs majeurs de la recherche dans le cadre d’une relation structurante avec les organismes de recherche, qu’ils accroissent leur visibilité internationale et rénovent profondément le niveau licence. C’est d’ailleurs le thème du prochain colloque de la CPU qui se tiendra à Toulouse du 11 au 13 Mai. Enfin, il faut continuer à développer une politique de réseaux territoriaux, à installer nos établissements comme des acteurs majeurs des écosystèmes régionaux de l’innovation, à lutter contre l’inégalité des chances, contre l’échec...