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A l’université de Toulon, Pécresse se prend les pieds dans la loi LRU - par la rédaction de Mediapart (Thomas Seymat), Mediapart, 8 février 2011

mardi 8 février 2011, par Elie

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Cela faisait 15 mois que l’université du Sud Toulon-Var (USVT) était en rade. Le 2 février, après plus de 450 jours sans président à la tête de l’université, Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, s’est enfin décidée à dissoudre son Conseil d’administration. La ministre explique sa démarche dans les colonnes de Var-Matin : « J’ai reçu vingt-trois démissions du conseil d’administration sur trente membres. Le conseil d’administration ne peut plus fonctionner en l’état... L’université va ainsi pouvoir repartir sur de bonnes bases. » Un discours déjà entendu : depuis octobre 2009, tous les communiqués annonçant des décisions affirment que l’université « repart sur des bases saines ».

Retour en arrière : en octobre 2009, le président, Laroussi Oueslati, mis en cause dans une affaire de trafic de faux diplômes avec des étudiants chinois, est suspendu de ses fonctions. En mai 2010, une section disciplinaire délocalisée à Paris IV-Sorbonne le révoque de la fonction publique avec interdiction définitive d’exercer toute fonction dans un établissement public et privé. Dans le cadre de l’enquête sur les faux diplômes, il est écroué aux Baumettes depuis le 29 septembre dernier.

L’université varoise qui compte 10.300 étudiants et près de 500 enseignants est quant à elle dirigée depuis le 20 octobre 2009 par un administrateur provisoire. Les premiers jours, ce fut le recteur de l’académie de Nice de l’époque, Christian Nique, qui assura l’intérim. Puis le 23 octobre, Philippe Tchamitchian, nommé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, prit les rênes de l’USVT.

A ce moment-là, le Conseil d’administration de l’USTV aurait dû élire un nouveau président, le tout sous la supervision de l’administration provisoire. Pourtant, selon Thierry Di Manno, vice-président du CA et professeur de droit public, Valérie Pécresse a considéré d’emblée que le CA « n’était pas légitime à élire un nouveau président ». Ce faisant, la ministre est passée outre sa loi L.R.U qui prévoit que « dans le cas où le président cesse ses fonctions, pour quelque cause que ce soit, un nouveau président est élu pour la durée du mandat de son prédécesseur restant à courir ».

Avec la perspective d’élections du président toujours repoussé, Philippe Tchamitchian s’est visiblement senti investi de prérogatives étendues. Pour Thierry Di Manno, interrogé par Mediapart avant l’annonce de la dissolution du CA, l’administrateur provisoire a agi « comme un président élu, qu’il n’était pas », et « divisant pour mieux régner », il s’est comporté en « pompier pyromane ». La « durée de l’administration provisoire (a été) excessivement longue », explique-t-il, « les règles de droit commun ne sont plus appliquées depuis plus de 15 mois », en appelant au retour de la démocratie universitaire.

Une dissolution qui fera jurisprudence

C’est l’objectif de Valérie Pécresse qui, dans un courrier du 17 janvier 2011, a demandé aux élus du CA de présenter leur démission avant le 31 janvier, y compris les représentants étudiants élus en avril 2010. Cette démission de groupe provoquerait automatiquement des élections générales que la lettre de la ministre prévoit en date du 22 mars.

Pour l’administration provisoire, le temps presse. Car la prise de décisions très importantes pour l’université, telles que le dépôt du projet d’établissement, sont suspendues faute de présidence et devront être décidées dans l’urgence par la future administration. De même, le budget 2011, rejeté en décembre et ne réunissant pas suffisamment de vote dans un conseil d’administration incomplet à la mi-janvier, n’a toujours pas été validé. Selon toute vraisemblance, l’université du Sud passera donc sous tutelle financière du rectorat à partir du 31 mars.

Problème, sept membres du conseil d’administration ont refusé de se plier à l’ultimatum du ministère. Parmi eux, l’élu et ses colistiers de la liste « Avenir et Liberté USTV » qui annoncent, poliment mais fermement, leur refus de démissionner dans une lettre destinée à la ministre.

Valérie Pécresse doit donc sortir l’artillerie lourde : dissoudre le CA. Ce pouvoir lui est en théorie conféré par l’article 718-9 du Code de l’éducation qui prévoit qu’en « cas de difficulté grave dans le fonctionnement (...) des établissements publics (...) ou de défaut d’exercice de leurs responsabilités, le ministre chargé de l’enseignement supérieur peut prendre, à titre exceptionnel, toutes dispositions imposées par les circonstances ». La lettre de la liste « Avenir et Liberté USTV » rappelait à ce sujet au ministère qu’en « octobre et novembre 2010, il (leur) avait été stipulé (par le rectorat) que l’article d’exception ne pouvait plus s’appliquer » concernant la dissolution car « les conseils fonctionnaient bien ».

De plus, selon Thierry Di Manno, un doute juridique subsiste car « la dissolution n’est pas prévue dans les textes de la L.R.U » si certains élus restent en poste. La ministre a désormais changé d’avis et est prête à prendre le risque. Dans Var-Matin, elle considère que 23 démissions, c’est « beaucoup plus que suffisant » pour dissoudre.

Impossible de dire si la dissolution ramènera la sérénité à l’USTV, mais cette décision pourrait avoir des conséquences en dehors du Var. En effet, en dissolvant le CA dans ces conditions, Valérie Pécresse créée un précédent qui fera jurisprudence.