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« Fusion », Idex ... Mais où allons-nous ? - Texte signé par les sections SNASUB-FSU, SNCS-FSU et SNESUP-FSU des universités de Montpellier, décembre 2010

jeudi 9 décembre 2010

Le secteur public de l’enseignement supérieur et de la recherche en
France a été largement secoué ces dernières années. Le site de
Montpellier n’échappe pas à la règle, comme en témoigne la succession
d’événements de ces derniers jours. Cet exemple illustre de façon
édifiante l’incompatibilité entre, d’une part, la volonté de la
communauté scientifique de trouver des solutions solides et partagées
pour construire durablement son avenir commun et, d’autre part, la
pression incessante des pouvoirs politiques pour pousser cette
communauté à procéder, elle-même, à des restructurations structurelles
profondes, précipitées et, légalement, sans aucune solution
consensuelle. Alors que des initiatives individuelles et/ou
pétitionnaires émergent actuellement, les syndicats de la FSU (Snesup,
Snasub, Sncs) souhaitent éclairer les personnels des universités,
organismes et écoles de Montpellier (et même au-delà), de leur
analyse.

1. Le contexte

En cette période de crise économique mondiale, le gouvernement
français actuel a lancé un « grand emprunt » pour financer un certain
nombre de « grandes opérations ». La déclinaison, pour l’enseignement
supérieur et la recherche publics, consiste à promettre des mannes
financières supplémentaires à quelques heureux, élus sur la notion
d’excellence ; après le plan Campus, si à la mode ces deux dernières
années, voici les Idex, Labex, Equipex. Cette notion d’excellence est
conçue par le gouvernement comme un mode d’exclusion selon des
critères peu ou pas définis ; certains acteurs/producteurs des
différents projets « ex » du site montpelliérain, s’en emparent à leur
tour et la traduisent par la mise à l’écart de ceux qu’ils jugent
insuffisamment excellents (exit les non A+, pas ou trop peu de place
pour les LLASHS qui comptent pourtant des laboratoires A+). En outre,
les procédures de réponse aux appels d’offre imposent la précipitation
dans le montage des dossiers, conduisent à l’approximation et à
l’opacité dans l’élaboration des projets, à l’absence de concertation
au sein des structures.

Malgré ce contexte de mise en concurrence et de précipitation, la
communauté scientifique de Montpellier continue à exprimer clairement
la volonté de trouver des solutions qui permettent de structurer
solidement le site tout en préservant un mode démocratique et
collégial de fonctionnement qui serait garant de l’intégrité, de
l’identité et des particularités de chacun, dans le respect de tous
(comme en témoignent les messages, communiqués et pétitions qui ont
été diffusés ces dernières semaines). Au delà de la question de
l’Idex, le débat tourne autour de la question du
rapprochement/rassemblement des universités que d’aucuns qualifient de
« fusion » et des projets proposés pour avancer dans cette voie.

2. Les solutions exposées

Les difficultés rencontrées montrent, en fait, que le cadre légal
actuel (LRU, Pacte pour la Recherche, exclusion des organismes de
recherche, AERES et ANR omniprésentes) qui accompagne la politique
ministérielle de mise en concurrence et d’exclusion ne permet pas de
définir une solution consensuelle.

Certains souhaiteraient, non pas rapprocher les universités, mais
extraire du giron de chaque université tout ce qui sera labellisé « ex
 », non seulement pour la recherche mais aussi pour les formations qui
auront été jugées « excellentes », en les mettant sous le contrôle
d’une Fondation au sein de laquelle les universitaires n’auraient
qu’un poids très relatif (participation d’entreprises privées avec une
minorité d’élus des personnels). Est-ce vraiment ce que la communauté
souhaite ?

D’autres souhaitent une fusion des universités, dont il est utile de
rappeler qu’elle correspond à statut juridique particulier :

Une fusion LRU (c’est à dire un seul et unique établissement
universitaire UMSF regroupant toutes les composantes de formation et
auquel toutes les UMR seraient rattachées) signifie un CA d’une
vingtaine d’élus qui prend des décisions pour toute la communauté,
sans pouvoir représenter chaque discipline, composante, sensibilité,
etc. Est-ce vraiment ce que la communauté souhaite ?

En outre, alors même que les structures des trois universités
diffèrent (plusieurs facultés à l’UM1 ; une seule UFR et plusieurs
composantes dérogatoires comme les IUT, IUFM, Polytech, IAE à l’UM2 ;
plusieurs UFR à l’UM3), que le rattachement même des UMR diffère
(rattachement des UMR aux facultés à l’UM1, rattachement centralisé
des UMR à une DRED à l’UM2, intégration des UMR au sein des UFR à
l’UM3) et que les pratiques académiques différent encore d’une
université à l’autre. Une telle fusion, forcément lourde et complexe,
ne peut se décider dans le délai de quelques semaines ou mois que l’on
voudrait nous imposer, encore moins dans le contexte de mise en
concurrence et de sélection par l’excellence que nous impose le
ministère ; Même la ministre ne prétend plus imposer de telles fusions
(l’exemple de Strasbourg est à ce titre très instructif) mais se
contente par exemple de PRES.

La solution du PRES, justement, est également évoquée : mais depuis
que les sénateurs français ont voté dernièrement un amendement
permettant aux PRES de porter des formations, et vu la volonté du
gouvernement (ainsi que de certains acteurs montpelliérains !)
d’externaliser les formations dites « excellentes » et de les
soustraire au contrôle de conseils centraux universitaires, il
apparaît nettement que cette solution ne pourrait que conduire, bien
plus vite qu’on ne le croit, à une explosion de l’offre de formation
du site. Les formations dites d’excellence, parce que rattachées aux
Labex, se retrouveraient dans les mains du PRES en laissant dans un
ghetto sans moyens les formations moins porteuses et moins « 
clinquantes » dans celles des universités. Si nous rappelons, de plus,
que la représentation des personnels et la pratique démocratique sont
encore plus limitées dans le CA d’un PRES que dans celui d’une
université cadre LRU, le danger n’est plus une simple hypothèse mais
une réalité future. Est-ce vraiment ce que la communauté souhaite ?

Une autre solution encore a été proposée : un « Grand Établissement ».
Il s’agit d’une forme juridique qui permet de déroger au cadre
national qui régit les universités par un décret spécifique qui crée
l’établissement ; on pourrait donc imaginer qu’il serait ainsi
possible de fonder les statuts d’un tel établissement afin d’améliorer
la représentation, la représentativité et la pratique démocratique du
pouvoir au sein des conseils élus. Soit. Dans ce cas, quelle assurance
de rester dans le cadre national pour les droits d’inscription des
étudiants, les diplômes et la gestion des personnels ? Est-ce vraiment
ce que la communauté souhaite ?

3. Que faire alors ?

Il est évident qu’aucune des solutions envisagées à ce jour ne permet
de satisfaire l’ensemble des attentes des acteurs du site
montpelliérain et de répondre à leurs inquiétudes. Mais, ne nous y
trompons pas : si aucun consensus n’a pu se dégager, ce n’est pas à
cause de tel ou tel mais bien à cause d’une politique. Nous voyons là,
les premiers effets de la mise en concurrence des universités, des
unités de recherche et des universitaires entre eux : la concurrence,
c’est sa fonction, produit de l’exclusion. Aujourd’hui, et c’est pour
cela que la présidente de l’UM3 a quitté la table des négociations de
l’Idex, cette exclusion menace directement une grande partie des
LLASHS ; demain, une fois que les dispositifs seront expérimentés, ce
sera le tour des autres. Cette politique , fondée sur la mise en
concurrence, ne mène nulle part parce qu’elle ne répond pas aux
besoins de l’enseignement supérieur et de la recherche publics qui
sont, notamment, un financement public, un nombre de postes
suffisants, des institutions dans lesquelles la liberté de la
recherche est garantie par une large représentation démocratique des
personnels.

Il importe de mieux structurer, pour les rendre plus efficaces et plus
visibles internationalement, la formation universitaire et la
recherche sur le territoire national et donc de rapprocher entre elles
les universités, ainsi que les Ecoles et Instituts de recherche, en
favorisant leurs coopérations, mise en réseaux... Ce vou avait déjà
été formulé et précisé lors des États Généraux de la Recherche de
2004. Mais la réponse du gouvernement à cette demande, c’est-à-dire le
Pacte pour la Recherche, la mise en place de l’ANR, l’« 
institut-ionnalisation » du CNRS, la LRU représentent tout le
contraire de cette volonté collective d’un rassemblement qui saurait
préserver la liberté de recherche, les disciplines, les personnels et
les pratiques démocratiques.
Seul le site de Strasbourg expérimente la fusion LRU, avec les
conséquences néfastes que nous observons, les autres préférant
d’autres modèles (principalement des PRES-EPCS) parce qu’ils cherchent
à préserver les identités des différents établissements concernés et à
garantir le partage des moyens par une dynamique collective
démocratiquement contrôlée. Mais ces dernières solutions (PRES-EPCS,
toujours issus de la LRU) ne conviennent pas davantage puisque, au
sein même de la CPU, on réfléchit encore à d’autres alternatives
telles que des associations loi 1901 ou des « Universités fédérales ou
confédérales » (cf. lettre du 26 novembre de la CPU n°58). Cette même
CPU qui, il y a quelques années, poussait fortement le gouvernement à
instaurer brutalement la LRU, expérimente depuis la réalité du terrain
et se rend bien compte que ce cadre, à fort pouvoir diviseur, ne
constitue pas une réponse, au contraire.

Si aucune solution satisfaisante ne se trouve, c’est que toutes se
réfléchissent dans le cadre de la LRU. Une solution qui fasse
réellement consensus au sein de la communauté scientifique passe par
une abrogation de la LRU et de la politique qui la sous-tend et
l’accompagne ainsi que par une réelle prise en considération des
propositions de la communauté scientifique. Ceci suppose un cadre
légal nouveau, à définir après une large et longue concertation de
tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche
publics, et qui garantisse l’accomplissement des missions du service
public d’enseignement supérieur et de recherche.

Syndicat National de l’Administration Scolaire Universitaire et des
Bibliothèques SNASUB-FSU (Montpellier)

Syndicat National des Chercheurs Scientifiques SNCS-FSU (section de
Montpellier)

Syndicat National de l’Enseignement Supérieur SNESUP-FSU (sections
UM1, Campus-UM2, IUFM, IUT, UM3)