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Audition de Valérie Pécresse au Sénat par la commission Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 (16 juin 2010) et commentaire du collectif Papera (27 juin 2010)

mercredi 30 juin 2010, par Elie

L’audition de Valérie Pécresse devant la commission des finances du Sénat peut être vue en vidéo ici.

Le compte-rendu écrit peut être lu ici.

Pécresse en difficulté devant la commission des finances du Sénat.

Analyse par le collectif Papera.

La commission du Sénat auditionne ce mois-ci les ministres du gouvernement Fillon dans le cadre du « Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 » et de l’application de la LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances). Le 16 juin dernier était le tour de Valérie Pécresse qui passait juste avant Bachelot.

Au cours de cette audition en questions/réponses d’un peu plus d’une heure, on découvre Valérie Pécresse dans des postures peu fréquentes pour elle qui est toujours si confiante : stressée, balbutiante, mal à l’aise et attaquée sur des points qu’elle peine à défendre. Divers sujets sont abordés : les bourses étudiantes, le CIR, le SYMPA, le CNRS et les instituts thématiques, la LIF 2011 ainsi que le plan campus.

Nous avons déjà brièvement relaté une des réponses de Valérie Pécresse à la commission des finances du Sénat. Maintenant que l’intégralité de l’audition est consultable sur le site du sénat, nous pouvons retranscrire plus d’éléments abordés par les sénateurs en se contentant toutefois de faire plus un aperçu sélectionné qu’une analyse intégrale des questions et des réponses.

Les bourses étudiantes

Après un échauffement sur des questions assez techniques relatifs aux critiques de la Cours des comptes et posées par le président de la Commission des Finances, Jean ARTHUIS, Sénateur centriste de la Mayenne (Pays de la Loire), le première rapporteur, le sénateur sans étiquette de l’Aude Philippe Adnot, a posé des questions au sujet des bourses étudiantes. Selon Adnot, le ministère avance une « politique ambitieuse sur les bourses étudiantes mais a fait un mauvais calibrage budgétaire ». Avec une réduction du budget allouée à ce point, passant de 64 à 44 millions d’euros avec la loi de finance 2011, la tâche risque d’être « compliquée pour 2011 » termine Adnot.

Avec la promesse de Sarkozy du 10e mois de bourse qui se fait attendre, Pécresse est d’emblée embarrassée par cette question. Même si le taux de paiement est à 97 % cette année (et les 3 autres pourcentages ??), la situation à la rentrée prochaine risque d’être bien catastrophique avec l’effet « crise » (restriction des moyens) additionné d’une augmentation de la dérive des catégories de boursiers vers ceux qui sont les plus démunis. Pécresse admet clairement être dans une « impasse budgétaire » d’une année sur l’autre !

La promesse du 10e mois de bourse semble bien compromise alors que l’allongement de la durée de cours, elle, est toujours d’actualité et commence à se dévoiler dans certaines universités.

Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR)

Le sénateur centriste Christian Gaudin (Maine-et-Loire) fait ensuite quelques remarques à propos du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) sur lequel il a produit un rapport en mai dernier. Gaudin rappelle que le coût fiscal du CIR pour l’État est passé de 1.5Mds d’euros en 2008 à 6 Mds en 2009 et les créances des entreprises à l’égard de l’État sont passées de 1.7 Mds à presque 4.2 Mds d’euros en 2009. La conclusion de son rapport demandait i) une stabilisation de cette mesure fiscale car la réelle estimation de ses résultats ne serait possible que 3 à 5 ans après son entrée en application et ii] une évaluation analytique jugeant chaque composante aux vues de leurs effets économiques. La question de Gaudin n’est en fait que la même qu’il pose à la fin de son avant propos dans son rapport [2] et concerne le taux de 5% de CIR accordé sur la part de dépense en R&D supérieure à 100 M€. Cette tranche de CIR ne concerne que 20 entreprises mais pour 30M€ chacune (1.2Md€ de R&D) soit 600 M€ de coût fiscal. Gaudin poursuit par l’affirmation qu’un certain nombre d’entreprises jouent de filiales pour éviter le dépassement des 100M€ et pose la simple question du réel caractère incitatif de cette tranche de 5% d’autant plus que le premier ministre a annoncé un rabotage de 10% des niches fiscale.

La réponse de Pécresse sur cette question part d’emblée sur des justifications hasardeuses de l’intérêt du CIR car elles ne sont basées sur aucune évaluations et/ou sur des « révélations » de chef d’entreprises : le CIR aurait permis d’éviter des délocalisations, le CIR ne comprendrait qu’une faible part de R&D discrètement externalisée à l’étranger [1] et le recrutement des docteurs aurait doublé grâce au CIR (? ? [2]). Selon Pécresse cette mesure fiscale est « trop complexe » pour facilement tirer des conclusions. Elle illustre cela d’une phrase alambiquée : « S’il avait plu hier, aurait-il fait moins beau aujourd’hui ? »… La ministre admet qu’il faut vérifier l’effet d’aubaine du CIR pour les grands groupes. Au bout de bientôt trois années d’entrée en vigueur de ce nouveaux CIR, cela ne serait pas un luxe vu le coût fiscal pour l’État français !

Avec des explications scabreuses et qu’aucune évaluation sérieuse n’est en place Pécresse finit par ne présenter le CIR que comme un « simple » moyen pour sortir de la crise… Le coup de fouet sur la R&D semble apparemment un « argument de vente » oublié pour cette mesure fiscale imposante.

« SYMPA ne serait pas le poids lourd annoncé »

Le sénateur Philippe Adnot revient pour une deuxième question concernant SYMPA (SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à l’Activité) [3] qui est le système de gestion des budgets universitaires qui a remplacé l’ancien système nommé SAN REMO. Adnot trouve inquiétant que devant la multiplicité des « tuyaux » annexes de financement des universités (Plan campus, campus d’excellence, groupes d’intérêts, Carnot, …), les budgets alloués par SYMPA sont inférieurs à ceux apportés par ces fonds annexes qui eux échappent en plus à tout contrôle analytique. Adnot demande à Pécresse « comment est-ce qu’on fait pour qu’un modèle de financement équitable continue d’exister si assez rapidement on le détourne par beaucoup de tuyaux parfaitement justifiés mais qui finissent par représenter l’essentiel des financements ? ».

Valérie Pécresse essaie dans un premier temps de caser le budget du plan campus (5 Mds€) dans l’équation mais Adnot fait échouer cette tentative. Alors elle se lance : « Le plan des investissements d’avenir dont vous parlez [le grand emprunt] en flux annuel (…) est de l’ordre de quelques centaines de millions d’euros alors qu’en flux annuel pour les budgets des universités [ressources budgétaires intégrant les salaires] il est de 8 Mds d’euros ! », répond la ministre. Puis l’explication incroyable arrive : « Pourquoi ? Parce que l’on part d’une sous-dotation absolue des universités françaises et je vais le dire et je vais le crier puisque je suis en préparation de la loi de finance 2011. Ce sous-financement, l’engagement du Président de la République est de le combler et qui fait que l’on est à 3000-4000€ [par étudiant] de moins que l’Allemagne, que la Grande-Bretagne ou que la moyenne de l’OCDE. (…) Il faut que l’on fasse ce rattrapage : il touche l’immobilier, il touche l’université et le fonctionnement universitaire, et ce rattrapage il touche la recherche. La recherche, c’est le plan d’investissement d’avenir. Ce plan est essentiellement des moyens pour les labos de recherche pas pour le fonctionnement universitaire. » Donc le Grand Emprunt n’est là en fait que pour financer l’ « Excellence ». Mais là Pécresse s’égare à nouveaux de la question pour noyer le poisson. Elle continue « Le modèle de financement des universités doit reposer sur : un modèle SYMPA qui mesure la performance et qui rémunère la performance et la vraie activité ; un modèle de contrats qui prennent de l’ampleur au fur et à mesure où on aura mis les universités à un bon niveau de performance, un contrat qui permette de prendre des initiatives ; le Plan d’investissement d’avenir qui est quelque chose de non-pérenne même s’il lance une dynamique d’excellence de recherche. »

Pécresse est prévenue par Adnot que le Sénat fera un contrôle car en faisant passer certaines « petites » universités qui feront des efforts importants en dehors de ce modèle (sans les tuyaux d’apports financiers énormes pour celles qui sont « ciblées »), ces universités pourront être découragées.

La ministre avoue donc que depuis 20 ans les universités sont sous-dotées et que depuis trois années cela continue malgré le matraquage médiatique incessant pour dire que son ministère est une priorité du gouvernement. Cela produit un fort contraste avec tous les discours de Pécresse depuis son début ses débuts de ministre. Il a donc fallut un interrogatoire par le sénat en 2010 pour que le masque tombe enfin.

Pour lire la suite.


[1La R&D réalisée par des entreprises françaises à l’étranger ne peut bénéficier du CIR.

[2Mystère… le rapport au parlement du MESR montre un échec avec seulement 0.3% du CIR utilisé pour l’embauche de docteurs et le rapport de Gaudin n’en parle même pas. Qu’elle nous sorte sont évaluation de son chapeau d’illusionniste !

[3Lire plus d’info : Un tout cohérent : le système SYMPA.