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"2010, l’an zéro d’un nouvel âge d’or pour l’enseignement supérieur et la recherche" (on vous promet que c’est vraiment le titre) - discours de Valérie Pécresse, 26 mai 2010

mercredi 26 mai 2010, par Chabadabada

Pour savourer ce chef d’oeuvre d’humour sur le site du MESR.

A l’occasion de l’ouverture du salon professionnel de l’enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, notre fée des Lilas, a rappelé que grâce aux réformes engagées depuis 2007, et au programme investissements d’avenir, toutes les conditions étaient à présent réunies pour que l’excellence scientifique française ait les moyens de se déployer et d’éclater au grand jour au bénéfice de la société tout entière.

Au cœur de vos débats, qui s’ouvriront dans quelques instants, vous avez choisi de placer les investissements d’avenir. Et vous le ferez en posant une question essentielle : les conditions sont-elles réunies pour réussir aujourd’hui ce programme d’investissements exceptionnels dans l’enseignement supérieur et la recherche ?

A cette question, j’apporterai pour ma part une réponse très claire : oui, nous avons aujourd’hui tout pour réussir. Car quel que soit le lieu, quels que soient les interlocuteurs, je constate chaque jour une seule chose : partout les chercheurs s’emparent des investissements d’avenir, partout les projets les plus originaux fleurissent.

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Et rien ne montre mieux à quel point le visage de nos universités et de nos organismes s’est profondément transformé. Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir des profondes inquiétudes qui traversaient, il y a six ans à peine, l’ensemble de notre communauté scientifique.

Ce malaise qui s’exprimait alors au grand jour, c’était celui d’une science française qui demandait qu’on lui permette enfin de renouer avec l’audace et l’imagination qui font les plus grands progrès ; c’était celui d’une science qui militait pour qu’on cesse d’opposer les moyens renforcés qu’exigent les projets d’exception avec la stabilité et la sérénité dont se nourrit toute recherche au long cours ; c’était celui d’une science en quête de nouveaux espaces de travail et de coopération où pourrait s’exprimer l’extraordinaire potentiel scientifique dont notre nation est si fière.

A ce malaise, nous avons répondu tout d’abord avec le pacte pour la recherche, puis au travers des réformes que j’ai engagées depuis 2007. Année après année, nous avons ainsi fait le choix d’augmenter de manière considérable les moyens consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche tout en lançant et en poursuivant la refondation de nos structures.

Refondation de l’université, tout d’abord, avec l’autonomie qui offre aux établissements la liberté de construire une vraie politique de recherche et de formation et les moyens de la conduire effectivement.

Refondation de notre recherche, ensuite, en replaçant les universités au cœur de notre système tout en affirmant le rôle de stratège de nos organismes et des alliances qui les réunissent. A l’affirmation d’une politique de recherche propre aux établissements devait en effet répondre l’affirmation d’une stratégie nationale, capable d’orienter et de coordonner notre effort de recherche.

Refondation du financement de la recherche, enfin, en ajoutant aux financements que, faute de meilleur terme, l’on dit récurrents, des financements sur projet qui permettent aux scientifiques de disposer enfin des moyens nécessaires pour lancer les travaux les plus novateurs et les plus stimulants.

Et les résultats des appels à projet lancés depuis cinq ans par l’ANR le montrent, l’excellence est bel et bien partout : dans toutes les disciplines, dans toutes les universités, dans tous les organismes, il y a des projets neufs et des idées nouvelles, qui attendaient seulement qu’on leur donne un cadre et des moyens pour s’exprimer.

Tel était bien le sens des réformes que nous avons engagées : permettre à la vitalité et au dynamisme de la science française d’éclater au grand jour, en rendant à nouveau visible le foisonnement et le rayonnement intellectuels que les rigidités et les cloisonnements administratifs avaient trop souvent fini par masquer.

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C’est pourquoi, sans ces réformes, Mesdames et Messieurs, la part exceptionnelle réservée à l’enseignement supérieur et à la recherche dans les investissements d’avenir n’aurait sans doute pas été concevable. [Je parle sous le contrôle d’Alain Juppé]

22 milliards d’euros sur 35 : nul n’investit une somme aussi considérable dans un seul domaine sans avoir la certitude de transformer ainsi radicalement nos perspectives d’avenir. Et cette certitude, Mesdames et Messieurs, se nourrit non seulement de la reconnaissance de la vitalité et du dynamisme de notre science, mais aussi de la conscience claire et distincte des progrès que la recherche rend désormais possible.

Car les réformes engagées depuis 3 ans sont également guidées par le souci de donner chair à l’idée d’une société de l’innovation et d’une économie de la connaissance.

Nous leur avons donné chair en replaçant nos universités au cœur de nos territoires et en leur donnant la mission d’élever non seulement le niveau de formation de notre jeunesse et de lui ouvrir de vraies perspectives professionnelles, mais aussi de diffuser les progrès scientifiques et technologiques au cœur du tissu industriel et économique de proximité.

Nous leur avons donné chair en définissant une stratégie nationale de recherche et d’innovation pour coordonner nos efforts et préparer les progrès dont nous bénéficierons tous demain, que ce soit en matière de santé, de protection de l’environnement ou de développement des nouvelles technologies.

Nous leur avons donné chair en faisant tomber les murs qui freinaient la propagation du progrès dans l’ensemble de notre société, faute de relations approfondies entre recherche fondamentale et recherche appliquée et de partenariats réguliers entre recherche publique et recherche privée.

La société de l’innovation est longtemps restée une simple formule. Il en va désormais autrement : l’enseignement supérieur et la recherche ont retrouvé la place qui est naturellement la leur, ils sont à nouveau au centre de la société française, une société dont ils portent les espoirs et qu’ils aident à relever les défis de demain.

La manifestation qui s’ouvre aujourd’hui en est un très bel exemple et vous savez combien j’y suis attachée : elle est l’un des lieux où se noue ce dialogue entre les acteurs du monde universitaire et l’économie française, un dialogue qui est au cœur des investissements d’avenir et qui trouve également cette année un prolongement particulièrement remarquable avec les rendez-vous de l’emploi, organisés sous les auspices du ministère et de l’association Bernard Gregory, qui permettront à de jeunes docteurs de rencontrer des responsables de recherche et développement en quête de nouveaux talents scientifiques.

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Le programme d’investissements d’avenir constitue le point d’aboutissement de toutes ces évolutions. Car il offre à l’excellence scientifique française les moyens de se déployer pleinement, pour le plus grand bénéfice de notre société tout entière.

L’excellence et la vitalité sont partout : nous l’avons vu lorsque les universités se sont saisies les unes après les autres de l’autonomie, en nous surprenant parfois par l’audace et l’imagination dont elles faisaient alors preuve ; nous l’avons compris en voyant les scientifiques français répondre massivement aux appels de l’ANR, mais aussi de l’ERC ; nous l’avons perçu en élaborant, avec l’ensemble de la communauté scientifique, la stratégie nationale de recherche et d’innovation et en constatant qu’elle se saisissait avec passion de cette question.

A ces initiatives et à ces projets qui partout voient le jour, le programme d’investissements d’avenir constitue sans doute la plus belle des réponses. En choisissant d’avoir recours aux appels à projet, nous avons en effet affirmé un principe très simple, mais absolument essentiel : c’est de la communauté universitaire et scientifique que naîtront les idées les plus fortes et les plus originales.

Et je l’ai constaté en me rendant à Munich il y a quelques jours, pour observer et analyser les résultats de l’Excellenzinitiativ allemande : c’est en laissant ainsi une grande liberté aux acteurs scientifiques pour définir les projets les plus innovants que l’on obtient les résultats les plus surprenants et les plus remarquables.

C’est pourquoi j’ai la conviction que pour chacun des appels à projets du plan d’investissement d’avenir, nous devons définir un cadre souple, qui permettra aux enseignants-chercheurs et aux chercheurs, aux directeurs de laboratoire, aux présidents d’université et aux directeurs d’organisme d’avoir toutes les audaces. Tous me l’ont dit : ils y sont prêts !

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Car la logique de l’appel à projet est claire : elle définit des objectifs, à charge pour les équipes de chercheurs et pour les établissements de faire toute proposition pour les atteindre. Et ces objectifs sont clairs : les projets doivent non seulement être marqués du sceau de l’excellence scientifique, mais également avoir un impact sur notre économie et notre société.

Et ce sont là des principes simples, mais exigeants. Le seul critère qui vaudra, c’est de savoir si ces projets permettront à notre recherche et à notre enseignement supérieur d’accomplir des sautés décisifs : des sauts scientifiques dans tel ou tel domaine, par exemple le séquençage du génome, mais aussi des sauts technologiques, en révolutionnant le stockage de l’énergie ; ou bien encore des sauts pédagogiques, en constituant des ensembles de formation cohérents de très haut niveau, eux-mêmes assis sur une recherche d’excellence.

Permettez-moi d’y insister : les programmes d’investissement d’avenir ne sont pas un mode de financement comme les autres. C’est une opération exceptionnelle au service de projets eux aussi exceptionnels. Et dans ce dernier terme, ne voyez pas le signe d’exigences exorbitantes qui exclurait d’emblée les équipes et les établissements dont la taille, la renommée ou l’importance supposée ne seraient pas suffisantes. Ce qui importera, ce sera l’originalité et la fécondité des projets.

Tout comme le commissaire général à l’investissement, René Ricol, les jurys internationaux seront les garants de ces exigences. Ils jugeront en toute impartialité des promesses ouvertes par les différents projets, en la mesurant à l’aune des standards mondiaux en la matière. Il leur reviendra également d’apprécier, via l’excellence des projets, les bénéfices qu’en retirera la société française.

Car nous allons investir pour préparer l’avenir. Bien entendu, il ne s’agit pas de s’en tenir à une quelconque rentabilité financière de courte vue, qui n’a pas grand sens en matière de recherche et de formation. Mais cela ne nous exonère en rien d’une exigence fondamentale : celle de réfléchir aux fruits que tirera la communauté nationale de ces investissements d’avenir.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise sans précédent et nous avons dès lors une double responsabilité : nous avons le devoir de maîtriser nos dépenses courantes, sans pour autant renoncer à nos dépenses d’avenir. Face à la crise, la bonne gestion est une nécessité et nul ne pourra y prétendre y déroger : il s’agit là d’une exigence de solidarité nationale. Mais notre souci, c’est également d’accélérer la sortie de crise, en investissant dans les secteurs qui feront demain notre croissance et notre bien-être.

J’ai eu l’occasion de m’entretenir longuement avec les économistes de ce sujet. Nombre d’entre eux ont souligné l’importance d’une vision large de l’idée de bénéfice socio-économique, qui seule permet de prendre en compte la valeur propre de la création de nouveaux savoirs et de l’élévation du niveau de formation.

Cette valeur peut tenir à la profondeur et à l’ampleur d’un projet de recherche fondamentale, capable de transformer des pans entiers d’une science et d’ouvrir des perspectives intellectuelles inédites ; elle peut se lire dans les applications qu’elle rend possible et qui sont gage d’une plus forte croissance et d’un plus grand bien-être social ; elle peut se manifester au travers d’un projet innovant liant formation et recherche.

Mais dans tous les cas, elle se traduit par un bénéfice direct, matériel ou immatériel, pour l’ensemble de la société.

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Et à la société française, nous devons aussi garantir que ces fruits de l’excellence se diffuseront le plus largement possible. L’ouverture sera donc un critère prépondérant pour chaque projet. Car l’excellence joue son rôle de moteur lorsqu’elle est partagée, c’est-à-dire lorsqu’elle bénéficie au plus grand nombre de chercheurs, d’étudiants ou d’entreprises possibles.

Certes, il n’y aurait aucun sens à constituer des équipes ou des ensembles gigantesques dont la taille serait en elle-même une aberration. Mais chaque projet doit porter en lui une vraie logique de coopération : celle-ci peut se matérialiser par la réunion d’équipes ou d’établissements, par l’usage largement partagé d’un même équipement ou par des partenariats entre recherche publique et recherche privée.

Et là aussi, il nous faut faire preuve d’imagination et d’audace : oui, les scientifiques du public et ceux du privé peuvent nouer des liens, y compris autour des projets de recherche les plus fondamentaux ; oui, les regroupements d’établissements peuvent inventer de nouvelles formes de coopération en leur sein pour affirmer des projets de recherche et de formation radicalement innovants et donc beaucoup plus intégrés ; oui, l’ambition scientifique d’un projet donné est capable d’effacer toutes les barrières, qu’elles séparent les formations, les établissements ou les disciplines.

A toutes les échelles et dans tous les secteurs, il y a de la place pour faire émerger des coopérations et des alliances inédites autour d’idées fortes et originales. Car la vocation des investissements d’avenir, ce n’est pas de rajouter de la complexité à de la complexité, c’est de poursuivre et d’amplifier le décloisonnement à partir de projets scientifiques et pédagogiques dont l’ambition sera tellement profonde qu’elle permettra non seulement de surmonter les frontières, mais qu’elle les effacera même naturellement.

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Après le temps des structures, voilà en effet venu le temps des projets. Et c’est toute la force du programme d’investissements d’avenir, qui loin de figer le paysage universitaire et scientifique à un instant donné, va permettre de donner du souffle et de la chair à ces partenariats fondés sur des projets qui se construisent un peu partout dans notre pays.

Voyez par exemple l’intérêt que suscite l’idée même d’institut hospitalo-universitaire, qui fait fleurir les projets de partenariats approfondissant encore les liens entre recherche, formation et soins, pour le plus grand bénéfice des patients.

Et parce qu’elles se construisent à tous les échelles, les candidatures aux différents appels à projet doivent naturellement s’articuler les unes avec les autre, pour porter une vraie dynamique d’ensemble. C’est tout l’intérêt des différentes rubriques des programmes d’investissement d’avenir, qui permettent à l’excellence d’émerger à tous les niveaux – l’équipe de recherche, le laboratoire, l’établissement, tout en conduisant ces projets distincts à former un tout cohérent.

C’est la raison pour laquelle chaque candidature sera défendue par l’établissement qui la porte : c’est bien sûr un gage de cohérence entre les différents projets qui émergeront au sein d’une institution, mais c’est aussi le moyen de voir ces démarches distinctes converger et se réunir au service de la définition d’une nouvelle ambition pour l’établissement lui-même.

Définir les contours d’une candidature pour les initiatives d’excellence sans y intégrer les projets défendus au titre des équipements et des laboratoires d’excellence, mais aussi des instituts hospitalo-universitaire, des instituts de recherche technologique ou des sociétés de valorisation, cela n’aurait évidemment pas grand sens.

Car si l’ouverture et la coopération sont des vertus cardinales pour tout projet d’excellence, elles le sont a fortiori dans le cadre même de l’établissement : les premiers appels d’offre que nous lancerons début juin et qui concerneront les biotechnologies et les sciences du vivant ainsi que les équipements d’excellence formeront, tout comme les différents instituts ou laboratoires d’excellence, les composantes élémentaires d’une initiative d’excellence.

Bien entendu, toutes les candidatures n’aboutiront pas nécessairement par l’émergence d’un projet d’ensemble plus intégrateur et plus audacieux encore. Mais je tiens à ce qu’aucun établissement ou regroupement d’établissement ne laisse passer sa chance d’aller plus loin dans sa réflexion : toutes les idées originales qui naîtront avec les investissements d’avenir auront la vertu de nourrir et de relancer le débat sur la stratégie même de l’établissement.

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Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, les candidatures aux investissements d’avenir sont une occasion exceptionnelle de concrétiser tous les projets qui tiennent à cœur à la communauté universitaire et scientifique. Par-delà la diversité des appels d’offre, c’est cette logique de projet qui fait l’unité de cette démarche inédite.

Aussi mon rôle - et celui de mon ministère - est-il aujourd’hui de vous accompagner, non en se prononçant sur la valeur ou sur l’intérêt de vos projets, ce qui sera le rôle des jurys internationaux, mais en vous aidant à les construire dans le cadre de l’appel à projet le plus adapté.

Et aux interlocuteurs que je rencontre chaque jour, j’adresse toujours le même message, très simple : n’ayez pas peur de vous lancer, n’ayez pas peur de porter des candidatures originales et innovantes. Rien n’est a priori exclu du périmètre des investissements d’avenir. C’est l’occasion ou jamais de porter ces projets transformant que vous nourrissez, à une seule condition : d’affirmer ainsi des ambitions collectives et non pas individuelles.

Car l’esprit des investissements d’avenir, ce n’est pas celui d’une excellence figée ou recroquevillée sur elle-même, c’est celui d’une force qui entraîne avec elle les équipes et les établissements, c’est celle d’une excellence qui rayonne et qui irrigue l’ensemble de notre enseignement supérieur et de notre recherche, pour le plus grand bénéfice de la société française.

Voilà à mes yeux la seule condition pour réussir ce beau programme d’investissements d’avenir : c’est d’y voir l’affirmation d’une excellence partagée, d’une excellence ouverte sur la société et sur le monde. Et parce que nous avons cette culture de l’excellence collective chevillée au corps, je sais que nous réussirons.